8 Février 2015
En 1519, en pleine Renaissance, commencent les prédications de Luther. Pendant les 40 années qui suivent, de nombreux Français des classes aisées se rallient à la religion «réformée» (on dira plus tard "protestante)
La France connaît dans cette période quelques poussées de haine et de violence mais rien qui ressemble à une guerre civile. Sous le règne de François 1er , cela va de l'affaire des placards (1534) à la répression des pacifiques Vaudois, dans les Alpes (1545). Sous le règne de son fils Henri II, quelques centaines de personnes sont aussi livrées au bourreau sous l'inculpation d'hérésie.
Certains protestants veulent tirer avantage de cet affaiblissement de la monarchie. Issus de la noblesse et de la bourgeoisie, ils sont séduits par le modèle de république dont leurs coreligionnaires hollandais donnent l'exemple. Ils songent à l'implanter en France.
De leur côté, certains nobles catholiques aspirent à imposer leurs volontés à la famille royale.
Les premières dissensions apparaissent du fait de l'influence de la famille catholique des Guise sur le jeune roi François II. Jaloux de cette influence, des conjurés protestants tentent à Amboise, en 1560, d'enlever le roi.
Il va s'ensuivre pendant plus de trois décennies, de 1561 à 1598, une alternance de massacres et de trêves qui met aux prises les gentilshommes (ou nobles) des deux religions (huit «guerres» au total). La famille royale est ballotée entre les deux camps et menacée par l'un autant que par l'autre.
Trois fils du feu roi Henri II et de Catherine de Médicis se succèdent sur le trône ; François II, Charles IX et Henri III. En l'absence de fils, le dernier des Valois laisse le trône à son cousin Henri de Bourbon, roi de Navarre, désormais Henri IV. L'ennui est que ce dernier est protestant, ce qui a pour effet de relancer la guerre civile. La paix ne revient qu'avec la conversion du roi à la religion dominante, le catholicisme.
Près de deux millions de victimes, soit un dixième de la population, peuvent être considérées comme victimes des troubles, davantage du fait des famines, des maladies et des disettes que des guerres proprement dites.
L'Édit de Nantes du 30 avril 1598 consacre la paix religieuse en faisant une place aux protestants. Avec la paix de Vervins, la même année, les Espagnols quittent le pays. La France peut enfin se remettre sur pied.
Parmi les huit guerres de religion pendant cette dynastie, je vous en ai sélectionné trois dates qui m'ont semblées importantes et pourtant à l'exeption d'Henri IV on en parle peu dans les écoles primaires. Elles sont seulement survolées. les années 1561 à 1563 plus 1568 à 1572, et 1585 à 1598.
L'échec du colloque de Poissy (1561) et le rejet par les catholiques de l'Édit de Janvier(ou édit de Saint-Germain) entraînent le 1er mars 1562 le massacre des protestants de Wassy par le duc François II de Guise et ses hommes. Un carnage sans motif qui fait 74 victimes parmi les fidèles. C'est le début de la première guerre de religion.
Catherine de Médicis appelle le prince de Condé à la rejoindre à Fontainebleau pour la protéger ainsi que le roi. Mais le chef réformé préfère quitter Paris pour Meaux, ville huguenote, abandonnant la cour aux chefs catholiques. C'est désormais à qui s'emparera d'un maximum de villes, avec l'aide des étrangers, les Anglais et les Allemands côté réformé, les Espagnols côté catholique.
Massacres, viols, pillages, les deux camps rivalisent de cruauté. En Languedoc et Guyenne, le chef catholique Blaise de Monluc sème la terreur sur son passage : «Un pendu étonne plus que cent tués», dit-il.
Antoine de Bourbon, qui a rejoint les catholiques à la demande de Catherine de Médicis et pris la tête de l'armée royale, est mortellement blessé d'un boulet d'arquebuse alors qu'il s'était retiré pour satisfaire un besoin naturel, lors du siège de Rouen. Après cette mort peu glorieuse, voilà que son frère Louis II de Condé, chef des réformés, est capturé à Dreux.
Le 18 février 1563 vient le tour du duc François II de Guise. Il est assassiné par traîtrise par un jeune hobereau protestant, Poltrot de Méré, lors du siège d'Orléans. Le meurtrier est écartelé tel un régicide et les extrémistes catholiques auront son acte en mémoire lors de la Saint-Barthélemy.
Les princes se regroupent à La Rochelle où ils sont rejoints par Jeanne d'Albret et son fils Henri de Navarre, futur Henri IV, qui s'est échappé de la cour. Irritée, la reine engage la guerre par l'édit de Saint-Maur, le 25 septembre 1568, qui interdit purement et simplement le culte réformé !
La noblesse catholique remporte une première victoire sur les protestants à Jarnac le 13 mars 1569. Elle se solde par la mort du prince de Condé, victime d'une perfidie de l'adversaire. Le jeune roi de Navarre Henri III (15 ans) devient du coup le représentant du camp protestant !
Après une autre victoire catholique à Moncontour le 3 octobre 1569, Coligny refait son armée et ravage la Guyenne, le Languedoc et jusqu'à la Bourgogne, histoire de montrer la capacité de nuisance des protestants. Expert en «belles retraites», il supplée à l'infériorité numérique par des attaques sur les arrièges-gardes ennemies et des prises de villes par surprise, par exemple à la faveur des carnavals du Mardi gras !
Cela lui permet d'obtenir la paix avantageuse de Saint-Germain le 8 août 1570, qui accorde l'amnistie aux protestants et l'exercice du culte dans deux villes par province.
Pour la première fois, les protestants se voient aussi accorder quatre places de sûreté : La Charité, La Rochelle, Cognac, Montauban. C'est un coup de canif porté à l'autorité royale, celle-ci ne s'exerçant pas - ou guère - sur ces places. Les catholiques s'en indignent et le duc d'Albe, un Espagnol, dénonce «la paix du diable».
– 2e accalmie (1570-1572) :
En attendant, le chef des protestants, l'amiral Gaspard de Coligny, se rapproche du roi jusqu'à faire une entrée acclamée à la cour en octobre 1571. Devenu le principal conseiller de Charles IX, il tente d'entraîner la monarchie dans une guerre avec le roi d'Espagne, alors en conflit avec ses sujets calvinistes de Hollande.
Catherine de Médicis accepte ou feint d'accepter la guerre contre l'Espagne mais l'opinion publique, c'est-à-dire la petite bourgeoisie des villes, s'émeut et menace de se livrer aux Guise, champions de la cause catholique. Il est vrai que les Espagnols viennent de détruire la flotte turque à Lépante et le prestige de leur roi Philippe II est au plus haut dans les milieux catholiques.
Selon une clause secrète de la paix de Saint-Germain, la reine-mère organise le 18 août 1572 le mariage de sa fille Margot et de son cousin, le roi Henri III de Navarre, lequel vient de perdre sa mère Jeanne d'Albret, dix ans après son père. Les deux époux ont l'un et l'autre 19 ans. La cérémonie se déroule devant Notre-Dame et dans la ville, les troupes protestantes plastronnent, à la grande irritation de la bourgeoisie, passionnément catholique.
Après le mariage, pour couper court à un renversement de la dynastie des Valois au profit des Guise, Catherine de Médicis se résout à prendre la tête de la lutte contre les protestants. C'est ainsi que, le 24 août 1572, jour de la Saint-Barthélemy, elle ordonne le massacre des chefs protestants et de Coligny en particulier.
C'est le départ de la 4ème guerre de religion, qui durera aux environs d'une année de massacre.
Les opérations se déroulent surtout dans le Midi. Traqué comme un gibier et obligé de composer avec des forces aguerries mais très inférieures en nombre aux catholiques, Henri de Navarre délaisse les batailles rangées pour les coups de main et les attaques surprise de villes, selon la technique mise au point par Coligny quinze ans plus tôt.
Mais le 20 octobre 1587, miracle ! Il vainc à plate couture les catholiques dans une bataille conventionnelle, à Coutras, occasionnant la mort de 2000 catholiques et en particulier du duc de Joyeuse, favori et mignon du roi Henri III.
Discrédité aux yeux des ligueurs par sa défaite de Coutras, le roi de France est chassé de Paris le 12 mai 1588 par la journée des Barricades (mot nouveau forgé à partir des barils utilisés pour l'occasion). Le roi convoque des états généraux à Blois et, feignant de vouloir se réconcilier avec le duc de Guise, l'invite à l'y rejoindre. Il le fait alors assassiner le 23 décembre 1588.
Il s'ensuit un soulèvement de Paris et des grandes villes catholiques, essentiellement dans le Nord du royaume. Le Conseil des Seize (autant que de quartiers à Paris) donne au duc de Mayenne, frère du duc de Guise, le titre de lieutenant général du royaume. Il s'agit ni plus ni moins d'un renversement de la dynastie des Valois avec en ligne l'accession au trône d'un Guise. Les troupes espagnoles d'Alexandre Farnèse campent à Paris et Rouen.
Catherine de Médicis décède le 5 janvier 1589, dans l'indifférence. Il est vrai que la «reine noire» a depuis longtemps laissé la main. Elle ne connaîtra pas la mort brutale de son dernier fils... En attendant, celui-ci, lucide, se rallie à son cousin. Le 30 avril 1589, les deux hommes se retrouvent dans les jardins de Plessis-lès-Tours et concluent une alliance contre la Ligue. Fait inouï. Henri de Navarre tombe à genoux devant son cousin et le roi catholique ceint l'écharpe blanche des protestants.
Leurs deux armées, unies, font le siège de Paris. La victoire semble à leur portée. Mais voilà qu'Henri III est poignardé à Saint-Cloud, le 1er août 1589, par le moine Jacques Clément. Avant de rendre l'âme, il fait jurer à ses nobles, sur son lit de mort, de reconnaître Henri de Navarre pour nouveau roi, sous le nom d'Henri IV.
La situation redevient critique. Le nouveau roi, qui disposait précédemment de quarante mille hommes pour le siège de Paris, en perd les deux tiers, les catholiques faisant massivement défection.
Henri IV prend le chemin de la Normandie, dans l'espoir de faire la jonction avec ses alliés anglais. Sur le chemin, à Arques, près de Dieppe, le 21 septembre 1589, il se heurte à l'armée du duc de Mayenne, soit 30.000 hommes, lui-même n'en disposant que de 12.000 ! Mais son habileté tactique et la détermination de ses hommes lui valent la victoire.
Ayant renforcé ses troupes avec les renforts anglais envoyés par Elizabeth 1ère, il entreprend l'occupation de la Normandie. Tandis qu'il fait le siège de Dreux, voilà que Mayenne vient une nouvelle fois à sa rencontre avec des forces très supérieures en nombre. L'affrontement se produit à Ivry, près de Chartres, le 14 mars 1590 («ralliez-vous à mon panache blanc»). Le courage du roi et de ses hommes fait merveille. C'est la victoire. Éclatante.
Le roi remet le siège devant Paris. La population est livrée à la famine, tant et si bien qu'Henri IV, compatissant, autorise la sortie de plusieurs milliers de malheureux en août 1590. Mais tout cela ne fait pas avancer ses affaires et son ami Maximilien de Béthune, futur duc de Sully, par ailleurs protestant indéfectible, lui fait comprendre que le moment est venu pour lui de revenir à la foi catholique, au nom de la raison d'État.
Henri IV abjure la foi protestante le 25 juillet 1593 devant la basilique de Saint-Denis, se fait sacrer à Chartres et entre à Paris après avoir acheté la complicité du gouverneur Brissac.
Le duc de Mayenne lui fait sa soumission après sa défaite à Fontaine-Française le 5 juin 1595. Enfin, l'Édit de Nantes du 30 avril 1598 consacre la paix religieuse en faisant une place aux protestants. Avec la paix de Vervins, le 2 mai de la même année, les Espagnols quittent le pays. La France peut enfin se remettre sur pied et réparer ses plaies.