13 Avril 2015
Georg Friedrich Haendel ou Händel (George Frideric Handel en anglais, comme il l'écrivait lui-même est un compositeur allemand, devenu sujet britannique, né le23 février 1685 à Halle et mort le 14 avril 1759 à Londres.
en 1712 une année tournante
Il n'y a pas d'opéra à Hanovre, mais un bon orchestre ; il compose des duos, de la musique instrumentale, et s'ennuie probablement : il ne pense qu'à l'Angleterre, aux succès remportés auprès du public, de l'aristocratie et de la Cour ; à l'automne 1712, il obtient à nouveau la permission d'un second voyage à Londres, à la condition de s'engager à revenir dans un délai raisonnable. En fait, ce nouveau départ se révélera définitif.
De retour en Angleterre, il vit pendant un an chez un certain Mr Andrews, mélomane fortuné, à Barn Elms (Barnes) dans le Surrey, avant d'être hébergé, de 1713 à 1716 chez le comte de Burlington à Picadilly. Richard Burlington est un riche mécène chez lequel il rencontre de nombreux lettrés et artistes parmi lesquels Pope, Gay, Arbuthnot Il fait aussi à cette époque la connaissance d'un amie et admiratrice indéfectible, Mary Granville, plus tard Mrs Delany puis Mrs Pendarves, qui par sa correspondance est un témoin appréciable de l'activité musicale de Haendel. Chez Burlington, sa vie est tranquille et régulière : il compose le matin, déjeune avec l'entourage de son hôte et l'après midi, joue pour la compagnie ou fréquente des concerts.
Dès le 22 novembre 1712, son opéra Il pastor fido est représenté au Queen's Theatre ; mais l'œuvre, qui semble avoir été composée à la « va-vite » avec de nombreux réemplois d'œuvres antérieures, est un échec. C'est ensuite Teseo, représenté le 10 janvier 1713, qui a plus de succès, avec 12 reprises dans la saison, mais sans égaler celui de Rinaldo ; son livret est une adaptation par Nicola Francesco Haym de celui de Philippe Quinault pour le Thésée de Lully créé en 1675 : Teseo restera le seul opéra de Haendel comportant cinq actes selon la tradition de la tragédie en musique française. Il sera suivi de Silla, représenté (en privé) une seule fois, le 2 juin 1713, probablement à Burlington House.
Pour le 6 février 1713, Haendel prévoit de donner à la Cour l' Ode for the Birthday of Queen Anne pour l'anniversaire de la reine, représentation qui n'a finalement pas lieu. En revanche le 7 juillet suivant, l' Utrecht Te Deum and Jubilate saluant la Paix d'Utrecht est interprété à la cathédrale Saint Paul : Haendel s'assure une position officieuse de compositeur de la Cour et reçoit une pension annuelle de 200 £, rendant sa position délicate vis-à-vis de l'Électeur de Hanovre au service duquel il semble de moins en moins envisager de revenir
Cette « désertion » aurait pu lui porter préjudice : la reine Anne décède le Ier août 1714 et son successeur désigné n'est autre que son cousin l'Électeur de Hanovre, arrière-petit-fils de JacquesIer. Différentes versions existent, du retour en grâce de Haendel auprès du nouveau roi d'Angleterre arrivé à Saint James le 20 septembre. L'une d'elle (rapportée par Mainwaring) veut que Haendel compose une suite pour orchestre, sur la suggestion du baron Kielmansegg, afin d'accompagner une promenade de George Ier sur la Tamise. Une autre (selon Hawkins), queGeminiani exige d'être accompagné au clavecin par Haendel pour l'interprétation, à la Cour, de plusieurs de ses sonates. Enfin Winton Dean estime qu'il est « peu probable que le roi lui ait jamais retiré ses faveurs ». De fait, George Ier double la pension que lui a attribué la reine Anne et celle-ci sera encore augmentée quand Haendel prendra en charge l'instruction musicale des princesses royales, filles du Prince de Galles Renouant avec la tradition française de Teseo et avec la veine « magique » qui a si bien réussi àRinaldo, il compose en 1715 Amadigi sur un livret, adapté par Nicola Francesco Haym, de Antoine Houdar de la Motte : Amadis de Grèce et en réutilisant un matériel musical important repris deSilla. Malgré un succès honorable, et pour diverses raisons, Haendel délaissera l'opéra pendant près de cinq ans.
En 1716, il accompagne le souverain qui se rend à Hanovre. Il s'arrête à Halle, y visite sa mère et porte assistance à la veuve de Zachow (son ancien maître), puis à Ansbach où il retrouve un ancien condisciple, Johann Christoph Schmidt, qu'il convainc de le suivre et qui deviendra son secrétaire en Angleterre sous le nom anglicisé de John Christopher Smith. Le fils de ce dernier, portant le même prénom les rejoint également quelque temps après. Il n'est pas oublié dans son pays natal où ses opéras sont et continueront d'être montés, éventuellement adaptés, à Hambourg, Wolfenbüttel, Brunswick ...
Il compose peut-être pendant ce séjour en Allemagne la « Passion selon Brockes » sur un texte en allemand, déjà mise en musique par Keiser (1712) et Telemann (1716) et qui le sera aussi par Mattheson en 1718 et Bach en 1723 (!). L'œuvre ne sera donnée à Hambourg qu'en 1719 après son retour en Angleterre.
C'est après ce retour, le 17 juillet 1717, qu'a lieu la célèbre et presque légendaire navigation nocturne sur la Tamise, entre Whitehall etChelsea, du roi accompagné de ses courtisans, au son de la Water Music composée à cet effet. Le roi apprécie l'œuvre au point qu'elle est interprétée trois fois de suite ; elle reste aujourd'hui l'une de ses œuvres les plus connues et les plus populaires.
Au cours de l'été, il s'attache au Comte de Carnavon, futur Duc de Chandos, richissime aristocrate et mécène fastueux, en tant que compositeur résident composant pour ses chanteurs et son orchestre privé, logeant probablement dans sa somptueuse résidence de Cannons. Il y compose les Chandos Anthems, le masque Acis and Galatea, une première version de l'oratorioEsther, un Te Deum, des concertos grossos... Il apprend pendant cette période heureuse la mort à Halle de sa sœur Dorothea Sophia (juillet 1718) et se serait rendu en Allemagne si un projet majeur ne le retenait à Londres : la création d'une Royal Academy of Music, entreprise dédiée au montage d'opéras au King's Theatre, financée par souscriptions, à laquelle il doit collaborer.
1-John James Heidegger- 2-Giovanni Battista Bononcin-3- Maison de Haendel à Londres, 25 Brook Street
La Royal Academy, créée à l'initiative d'aristocrates proches du pouvoir royal, est dirigée par Heidegger, Paolo Rolli en est le librettiste officiel et Haendel, le directeur musical : il est chargé de se rendre sur le continent pour y engager les meilleurs chanteurs et en particulier, à tout prix, le castrat Senesino. Il se rend tout d'abord en Allemagne, passe par Dusseldorf et y rend visite à l'Électeur, puis à Halle. Averti de sa présence, Johann Sebastian Bach vient de Köthen à Halle pour y faire sa connaissance mais le manque de peu : Haendel est reparti pour Dresde ou il passe plusieurs mois ; il y retrouve Antonio Lotti et prend contact avec plusieurs de ses chanteurs (notamment Senesino et Margherita Durastanti) qui viendront plus tard à Londres.
L'Académie ouvre le 2 avril 1720 avec la représentation du Numitore de Giovanni Porta avantRadamisto, composé par Haendel sur un livret adapté avec l'aide de Nicola Haym de L'amor tirannico de Domenico Lalli. Haendel le dédie au roi George Ier, et la première a lieu le 27 avril avec grand succès, malgré une distribution « de fortune » : tous les chanteurs ne sont pas encore arrivés, ni Giovanni Bononcini qui doit participer à l'entreprise et sera un rude concurrent.
Pour l'heure, Haendel obtient un privilège royal pour l'édition de ses œuvres, afin de protéger ses droits, celles-ci circulant largement en copies et donnant même lieu à des publications « pirates », notamment à Amsterdam par les successeurs d'Estienne Roger. La publication de ses compositions lui apporte d'ailleurs des revenus opportuns, alors que ses économies ont fondu lors du krach consécutif à la spéculation sur la Compagnie des mers du Sud. C'est ainsi qu'il confie en novembre 1720 à John Christopher Smith la publication de Huit suites pour le clavecin, premier recueil publié sous son autorité et soigneusement gravé par John Cluer. Et il précise dans la préface : « I have been obliged to publish Some of the following Le∫sons, because Surrepticious and incorrect Copies of them had got Abroad. I have added several new ones to make the Work more u∫efull, which if it meets with a favourable Reception; I will Still proceed to publish more, reckoning it my duty, with my Small Talent, to ∫erve a Nation from which I have receiv'd so Generous a Protection. ». Le projet d'autres recueils de pièces pour le clavecin supervisés par Haendel lui-même n'aura, cependant, pas de suite.
La seconde saison de l' Academy s'ouvre le 19 novembre 1720 avec Astarto de Bononcini qui remporte un succès encore plus extraordinaire que Haendel, continue avec une seconde version, profondément remaniée, de Radamisto dans laquelle Senesino fait ses débuts londoniens ; elle présente également un pasticcio (Muzio Scevola) dont la musique est confiée à trois compositeurs différents :Filippo Amadei pour l'acte I, Bononcini pour l'acte II et Haendel pour l'acte III : par son ovation, le public reconnaît ce dernier vainqueur de cette sorte de « Jugement de Pâris ». Mais Bononcini se pose maintenant en rival redoutable, avec son style plus léger lui assurant nettement plus de représentations que Haendel.
Une prééminence certaine de Bononcini continue de prévaloir pendant la troisième saison (1721-1722), avec la présentation de Crispo et de Griselda pendant un total de 34 soirées, quand Haendel n'en assure que 15 avec Floridante. À partir de cette saison, son style va évoluer, pour mieux affronter les mélodies plus simples et de mémorisation plus facile de son compétiteur. La rivalité des deux compositeurs trouve son parallèle dans celle des factions qui les supportent, que le caractère entier et arrogant de Haendel comme les intrigues de Rolli et de Senesino ne contribuent pas à apaiser.
Haendel prend le pas sur Bononcini pendant la saison suivante, particulièrement marquée par le succès d'Ottone. Avec cet opéra, qui connaîtra le plus grand nombre total de représentations pendant toute la durée de la Royal Academy et dans une moindre mesure avec Flavio, Haendel dépasse pour la première fois Bononcini en nombre de soirées, même si l'arrivée d'Attilio Ariostichange la donne : Coriolano, son premier opéra pour la scène londonienne, y rencontre un succès presque aussi grand que celui d'Ottone. En fin d'année 1722 se situe l'arrivée à Londres de la célèbre Francesca Cuzzoni, et au début de 1723 une célèbre altercation avec Haendel : comme elle refuse d'interpréter l'aria Falsa imagine de son rôle dans Ottone, le compositeur manque de peu de la défenestrer ; cet air assurera pourtant la célébrité de la Cuzzoni à Londres sinon sa sympathie pour Haendel.
Pendant les deux saisons suivantes, Haendel éclipse ses compétiteurs. C'est à cette époque (à l'été 1723) qu'il acquiert une maison sur Brook Street, demeure qui restera la sienne jusqu'à sa mort. C'est aussi pendant cette période qu'il devient compositeur de la Chapelle Royale ; d'ailleurs, dès avant août 1724, il enseigne la musique aux princesses royales.
Au « sommet de son art », il compose coup sur coup trois de ses plus grands chefs-d'œuvre : Giulio Cesare in Egitto (créé le 20 février 1724), Tamerlano (31 octobre 1724) et Rodelinda (13 février 1725), tous sur des livrets adaptés par Haym (ces adaptations consistent le plus souvent à raccourcir les récitatifs, qui lassent les amateurs ne comprenant pas l'Italien, à supprimer ou rajouter des airs selon l'inspiration du musicien, la distribution des chanteurs engagés et leurs desiderata). Selon Winton Dean, ces trois opéras « surpassent de beaucoup l'œuvre de tous ses contemporains ».
Cette année 1725, les directeurs invitent la célèbre Faustina Bordoni, qui n'arrivera à Londres qu'au printemps 1726 et se posera en rivale de la Cuzzoni.
Un nouvel opéra, Alessandro doit permettre de rassembler les deux prime donne rivales et Senesino dans le même ouvrage, mais dans l'attente de la Bordoni, Haendel interrompt son travail et compose en trois semaines Scipione, présenté le 12 mars 1726 ; Alessandro est ensuite créé le 5 mai.
La rivalité des deux femmes et des factions qui les soutiennent dégradent l'ambiance et l'extravagance des cachets payés aux artistes commencent à causer des difficultés financières à l'Academy dont les souscripteurs sont de plus en plus mis à contribution, préparant une fin prévisible. Le 31 janvier 1727, Admeto pour lequel Haendel a ménagé des rôles d'importance égale pour les deux cantatrices remporte un énorme succès avec 19 représentations suivies de 9 autres pendant la saison suivante
Le 6 juin de cette même année voit les deux cantatrices rivales en venir aux mains sur scène en présence de la Princesse de Galles lors d'une représentation de l' Astianatte de Bononcini : énorme scandale qui ne fait que précipiter la fin de l'entreprise ; malgré la présentation de trois nouveaux opéras de Haendel : Riccardo Primo (11 novembre 1727), Siroe (17 février 1728) et Tolomeo (30 avril 1728), la saison 1727-1728 est la dernière de l' Academy. Elle ferme ses portes le 1er juin sur une ultime représentation d' Admeto.
Malgré la « débandade » de la Royal Academy of Music et le succès sans précédent du Beggar's Opera, satire écrite en réaction à la prééminence de l'opéra italien, la position de Haendel et sa réputation sont dorénavant fermement établies. En février 1727, il sollicite et obtient la nationalité anglaise. Le roi George Ier meurt le 11 juin suivant lors d'un voyage en Allemagne : c'est Haendel qui compose les grandioses Coronation Anthems pour le couronnement de son successeur, George II (l'une de ces antiennes, Zadok the Priest, est interprétée depuis lors pour chaque couronnement). Ses compositions sont connues et suivies à l'étranger, ses opéras régulièrement montés à Hambourg, à Brunswick...
Le Queen's Theatre du Haymarket à Londres. plusieur des ses opéras y furent représentés 2- Pietro Trapassi, dit Métastase.
Repartant sur de nouvelles bases financières et d'organisation, Haendel et Heidegger poursuivent leur activité pour une durée initialement prévue pour cinq ans. Les directeurs de l'Académie leur cèdent le King's Theatre et leur prêtent les décors, costumes et machines utilisables.
Aucune représentation n'a lieu en 1728-1729, mais Heidegger puis Haendel font tour à tour un voyage en Italie pour y embaucher de nouveaux chanteurs. Farinelli, un temps pressenti, n'est finalement pas engagé. Haendel se rend au moins à Venise et à Rome ou il retrouve ou est invité par des cardinaux d'ancienne connaissance, peut-être à Milan, Florence, Sienne ou Naples ; repassant par l'Allemagne sur le chemin du retour, il revoit Halle en juin, et pour la dernière fois, sa mère devenue aveugle et qui décèdera l'année suivante (le 27 décembre 1730) ; une invitation à Leipzig chez Johann Sebastian Bach lui est transmise par le fils de celui-ci,Wilhelm Friedemann, invitation à laquelle il ne se rend pas. Continuant par Hanovre et peut-être Hambourg (toutefois sans y visiter Mattheson), il est de retour à Londres fin juin 1729.
Le premier opéra présenté par la nouvelle troupe de chanteurs constituée est Lotario créé le 2 décembre mais qui n'a pas de succès. Une amie de longue date de Haendel, Mrs Pendarves analyse ainsi les causes de cet insuccès, l'imputant au manque de goût des spectateurs :
The present opera is disliked because it is too much studied, and they love nothing but minuets and ballads, in short The Beggar's Opera and Hurlothrumbo are only worthy of applause.
On n'aime pas cet opéra parce qu'il est trop savant ; les gens n'apprécient que les menuets et ballades ; en bref, pour eux, seuls le Beggar's Opera et Hurlothrumbo valent d'être applaudis.
En outre, les spectateurs n'apprécient pas certains chanteurs que ce soit pour leur voix ou leur jeu de scène, notamment le remplaçant de Senesino, Antonio Bernacchi, ou la basse Riemschneider qui « prononce l'italien à la teutonne » et qui « joue comme un cochon de lait ».
Partenope, nouvel opéra d'un caractère tout différent, dont la première a lieu le 27 février n'est pas mieux reçu. Haendel y tente pourtant de renouveler le genre de l'opera seria, introduisant des chœurs, un trio et même un quatuor dans cette œuvre sortant résolument de la catégorie de l'« opéra héroïque » qui a fait les beaux jours de la première Academy. Ces déboires et les difficultés financières qui s'ensuivent rendent tendues les relations avec Heidegger, et la saison lyrique est sauvée par la reprise de succès antérieurs, notammentGiulio Cesare, et grâce à une subvention royale. Des chanteurs quittent le troupe, Riemschneider et Bernacchi, que remplacera la saison suivante, Senesino revenu à Londres sur l'instigation de Francis Colman, un ami de Haendel consul à Florence et Owen Swiney, l'indélicat impresario qui avait emporté la caisse après les premières représentations de Teseo en 1713.
En 1731 la seule création à l'opéra est Poro présenté le 2 février. Après Siroe, c'est le second opéra de Haendel fondé sur un livret de Métastase. Un librettiste non identifié a adapté pour Haendel le texte de Métastase, à cette époque le principal pourvoyeur de livrets d' opera seria de toute l'Italie. Poro est un succès, avec seize représentations puis quatre autres à la fin de l'année. Cette même année voit le piteux départ de Londres de l'ancien rival Giovanni Bononcini, confondu et ridiculisé dans une affaire de plagiat. La saison, avec des reprises, appréciées par le public, de plusieurs opéras antérieurs s'achève donc de façon favorable.
1732 commence beaucoup moins bien : Ezio, également tiré de Métastase, est un des plus cuisants échecs de toute sa carrière : présenté le 15 janvier, il n'aura que 5 soirées et ne sera jamais repris par le compositeur. Sosarme terminé le 4 février et présenté le 15 fait au contraire salle comble, capitalisant sur une réduction importante des récitatifs qui lassent facilement le public anglais.
Cette année 1732 est marquée, le 23 février (jour de ses 47 ans) par la reprise du drame biblique Estherdans sa version initiale datant de 1718, pour trois représentations privées : le succès rencontré suscite une représentation pirate qui pousse Haendel à réviser en profondeur la partition pour en faire un véritable oratorio (HWV 50b) dont la première exécution a lieu au King's Theatre à Haymarket le 2 mai 1732 et qui devient le prototype de l'oratorio anglais tel qu'il va en composer pendant le reste de sa carrière.
Un scénario analogue se produit la même année, avec une reprise non autorisée d'une œuvre datant de l'époque de Cannons : Acis and Galatea. Haendel riposte en composant une seconde version qui incorpore des airs de sa cantate italienne Aci, Galatea e Polifemo mais reste sourd aux appels de plusieurs de ses amis et admirateurs, parmi lesquels Aaron Hill, d'avoir à ressusciter l'opéra en anglais délaissé depuis Purcell, tâche à laquelle plusieurs compositeurs rivaux mais moins talentueux s'attachent alors.
Pour l'heure, Haendel prépare ce qui sera la dernière saison de la seconde Academy, et compose un de ses chefs-d'œuvre dans le domaine de l'opéra italien : Orlando, créé le 27 janvier 1733. Orlando renoue avec la veine de l'opéra « magique » qui avait fait le succès de Haendel aux début de son séjour en Angleterre (avec Rinaldo, Teseo et Amadigi), veine délaissée depuis de nombreuses années. L'opéra reçoit tout d'abord un accueil favorable, avec dix représentations, mais celles-ci s'arrêtent du fait de l'indisposition d'un chanteur et Senesino est bientôt congédié par Haendel : c'est la fin de la seconde Academy.
En 1733, il fonda une troisième Academy qui ne dura que trois ans, nonobstant l'énergie dépensée par le compositeur pour multiplier les nouvelles créations qui obtenaient parfois de grands succès. Il fut en effet confronté à la concurrence du Nobility Opera, animé par deux compositeurs, Hasse et Porpora. Difficultés financières, mésententes entre artistes, coteries provoquèrent la fin de cette entreprise de même que celle du Nobility Opera. Le surmenage fut sans doute la cause d'un premier accident de santé le13 avril 1737 qui le paralysa partiellement et l'atteignit moralement. Mais il se rétablit très rapidement après une cure thermale à Aix-la-Chapelle en septembre 1737. Cette même année 1737, la reine Caroline mourut. Elle avait connu Haendel enfant à Berlin et avait été pour lui un soutien fidèle ; ce décès le toucha profondément ; il composa un Funeral Anthem en son hommage.
Haendel continua à composer, à exécuter et faire représenter des opéras, des concertos grossos, et il commença à exploiter la veine des oratorios, avec Saul et Israel in Egypt. En intermède de ses oratorios, il exécuta sesconcertos pour orgue, forme originale qu'il mit au point. Ses concertos« rencontrèrent un éclatant succès ». Ils sont au nombre de seize, dont les six premiers furent publiés en 1738 sous le titre d'opus 4. L'opus 7, qui en rassemble six autres, fut publié en 1760 après la mort du compositeur. Ce fut en 1741 que Haendel produisit son dernier opéra, Deidamia. Dorénavant, il consacra sa production lyrique à l'oratorio et écrivit coup sur coup Le Messie (en anglais Messiah, un de ses plus grands chefs-d'œuvre), en août-septembre et Samson en octobre, puis il se rendit, sur l'invitation du lord lieutenant d'Irlande, à Dublin où il séjourna pendant plusieurs mois, jusqu'en août 1742 et où ses œuvres eurent de très grands succès.
De retour à Londres, il subit une seconde attaque de paralysie dont il se remit à nouveau. Il continua à composer de nombreux chefs-d'œuvre, dans le domaine de l'oratorio comme dans celui de la musique instrumentale. La Musique pour les feux d'artifice royaux (Music for the Royal Fireworks) est l'une de ses œuvres les plus connues et les plus populaires. Composée en 1749 pour célébrer le traité de paix mettant fin à la guerre de Succession d'Autriche, cette musique fastueuse est emblématique de l'art de Haendel. Elle se situe dans la tradition de l'école versaillaise de Jean-Baptiste Lully, Delalande, Mouret, Philidor et en constitue comme le couronnement par son caractère grandiose et solennel particulièrement adapté à l'exécution en plein air. Les dernières œuvres furent, à nouveau, des oratorios, mais la santé du musicien déclinait malgré les cures thermales. Il subit de nouvelles attaques paralysantes et devint aveugle « malgré l'intervention manquée de deux célèbres praticiens de l'époque, dont John Taylor. » Il continua malgré tout à s'intéresser à la vie musicale, et mourut le 14 avril 1759, jour du Samedi-Saint. Ses obsèques se déroulèrent devant 3 000 personnes. Il fut enterré à l'abbaye de Westminster, selon son désir.
À la mort de Haendel, sa fortune était évaluée à 20 000 £, somme considérable pour l'époque. Ne s'étant jamais marié, n'ayant donc pas eu de descendance, c'est sa nièce demeurée en Allemagne qui hérita en grande partie de lui. Néanmoins, il en légua une partie à des amis, ainsi qu'à des œuvres de bienfaisance.
Comme beaucoup de ses contemporains, Haendel fut un compositeur extrêmement fécond. Il produisit dans à peu près tous les genres pratiqués à son époque des œuvres d'importance majeure, que ce soit en musique instrumentale ou vocale. Dans ce dernier domaine, il produisit peu d'œuvres dans sa langue allemande maternelle, mais il rivalisa, en italien, avec les spécialistes italiens de la cantate et de l'opéra et il fut, en anglais, le premier successeur et rival digne de Henry Purcell.
Son style allie l'invention mélodique, la verve et la souplesse d'inspiration des Italiens, la majesté et l'amplitude des thèmes du Grand Siècle français, le sens de l'organisation et du contrepoint des Allemands.
Un trait distinctif est le dynamisme qui émane de cette musique : « Haendel travaillait vite (...) il composa Theodora en cinq semaines, le Messie en vingt quatre jours et Tamerlano en vingt jours ».
L'importance de sa production va de pair, comme chez beaucoup de ses contemporains tels que Bach, Telemann, Rameau, avec une réutilisation fréquente de ses thèmes les plus réussis, qu'il n'est pas rare de retrouver parfois à l'identique dans plusieurs œuvres, éventuellement transcrits ou transposés… Le même thème peut passer d'une sonate en trio à un concerto grosso, à un concerto pour orgue, à une cantate. Il n'hésitait pas, par ailleurs, à utiliser des thèmes d'autres compositeurs tels que François Couperin, Georg Muffat,Johann Kuhnau, Johann Kaspar Kerll entre autres. Cette pratique courante à cette époque était également utilisée par Bach.« Comme de coutume à son époque (...) il ne fut pas créateur de formes ni de genres, mais il reprit ceux légués par ses prédécesseurs en les élargissant considérablement tant sur le plan structural qu'expressif, en les portant à un degré de perfection et d'universalité inconnu avant lui. » Multiples versions des mêmes œuvres, sources contradictoires, pillage par d'autres musiciens, éditions pirates faites sans l'aval et la révision du compositeur rendent difficile le travail du musicologue, surtout lorsque la quantité des pièces qui ressortent d'une catégorie (cantates Italiennes, pièces isolées pour le clavecin…) est si importante. Seuls sept recueils de pièces instrumentales portent un numéro d'opus.
Bien que maitrisant parfaitement le contrepoint, ses avancées en ce domaine ne sont en rien comparables à celles de Johann Sebastian Bach. Usant de la langue de son temps, comme Bach, Haendel se montra moins révolutionnaire qu'évolutionnaire.
En fait, si les deux hommes, exacts contemporains issus de la même région d'Allemagne, représentent ensemble un apogée de la musique baroque européenne, ils divergent radicalement sur de nombreux points : Bach, marié deux fois, engendra plus de vingt enfants, dont quatre musiciens doués, quand Haendel vécut célibataire jusqu'à la mort; le cantor de Leipzig ne quitta quasi jamais sa région d'origine, pendant qu'Haendel sillonnait l'Europe ; Bach était chez lui dans la musique religieuse (oratorios, messes, motets et cantates...) alors que Haendel composait surtout de la musique profane (ses très nombreux opéras même si lui aussi composa largement de la musique religieuse). Bach resta relativement ignoré de son vivant et presque oublié quelque temps (ses fils assurèrent malgré tout la survie de son œuvre et sa diffusion, au moins au niveau régional). « (...) Bach ne devait pas avoir d'héritier musical direct. Sa synthèse ne pouvait intervenir qu'entre 1700 et 1750. L'évolution de l'esthétique musicale la rendait impossible ultérieurement, et, déjà à la fin de sa vie, Bach se trouva incompris et « dépassé » aux yeux de ses contemporains » alors que Haendel connut les plus grands succès, avant et après sa disparition, ce que l'on peut expliquer par le style, très différent, entre les deux génies, Bach conservant une grande métrique dans ses œuvres, tandis qu'Haendel accordait une plus grande part à l'imagination et à la mélodie, parti pris qui survivra et dominera largement la période de la musique romantique, jusqu'à nos jours où, de manière générale, on considère que la plus grande part de l'écriture et de l'interprétation musicales doivent être consacrées à l'émotion.
Ces deux grands musiciens se connaissaient par leur musique et leur réputation respectives ; ils faisaient tous deux partie de la même société savante et avaient de nombreuses relations communes. Il faut certainement interpréter le fait que Haendel ne se soit jamais dérangé pour rencontrer Bach - alors qu'il hésitait si peu à voyager et à rencontrer tous ses collègues - soit par le sentiment de ne pas être à la hauteur, soit par celui de leur incommunicabilité réciproque.
Après sa mort, ses opéras tombèrent dans l'oubli, tandis que sa musique sacrée continuait de rencontrer un certain succès, surtout enGrande-Bretagne. Cela s'est traduit notamment par la permanence du compositeur, formant ce que les musicologues appellent le développement du classicisme. Haendel faisait partie des compositeurs interprétés dans les Concerts of Ancient Music.
Beethoven de son côté admirait Haendel : « C'est le plus grand compositeur qui ait jamais existé ; je voudrais m'agenouiller sur sa tombe. »Il étudia Haendel durant sa dernière période créatrice et, quelque temps avant sa mort, se fit offrir une édition complète de ses œuvres et projetait d'écrire des oratorios dans le style de celui-ci. L'ouverture La Consécration de la maison (1822), contemporaine de laNeuvième symphonie, fut une tentative du genre.
Au xixe siècle, Haendel fut surtout apprécié pour son œuvre religieuse tant en France qu'en Grande-Bretagne. À Paris, Choron contribua pour beaucoup à le mettre à l'affiche des concerts. L'œuvre de Haendel est particulièrement appréciée parce qu'elle met en valeur les chœurs professionnels et les chorales d'amateurs, d'où la célébrité de l' Alléluia du Messie. Ses compositions tels les concertos pour orgue, Music for the Royal Fireworks et Water Music sont souvent interprétés à l'occasion de concerts dans la Chapelle du château de Versailles.
À partir des années 1960, le reste de son œuvre est redécouvert, en particulier ses opéras. Haendel bénéficia pleinement du renouveau récent de l'intérêt pour la musique baroque. Plusieurs de ses opéras sont à nouveau montés et enregistrés. Dès lors, la musique instrumentale (solistique et chambristique) et la musique vocale profane de Haendel sortent également de l'oubli et il devient l'un des compositeurs les plus joués au monde sur les scènes lyriques.