21 Octobre 2015
Alphonse de Lamartine
21 octobre 1790 à Mâcon - 28 février 1869 à Paris
Alphonse de Lamartine figure avec Chateaubriand, Hugo et Tocqueville parmi les grands écrivains français qui jouèrent un rôle politique notable dans la première moitié du XIXe siècle. On ne connaît pas d'autres exemples au-delà de cette période à l'exception de Malraux, ministre des Affaires culturelles sous la présidence de De Gaulle.
Alphonse de Lamartine (21 octobre 1790 - 28 février 1869) Député de l'opposition républicaine sous le règne de Louis-Philippe 1er, Lamartine déclare en 1839 à la tribune de la Chambre des députés : «La France est une nation qui s'ennuie». Le gouvernement plutôt tranquille et pacifique du «roi-bourgeois» lasse en effet les bourgeois libéraux et les jeunes gens de la génération romantique, autant qu'il irrite les ouvriers.
En 1847, il publie une Histoire des Girondins en vue, déclare-t-il, d'instruire le peuple «à la veille d'une révolution». Cette révolution, qui va déboucher sur la Seconde République, survient l'année suivante. Lamartine, qui fait figure de visionnaire, est alors tiré de son lit par son ami et éditeur Pierre-Jules Hetzel, qui le traîne jusqu'à l'Hôtel de Ville de Paris. Retrouvant son inspiration, le poète porte la Révolution sur les fonts baptismaux et lui conserve le drapeau tricolore.
Lui-même entre au gouvernement provisoire. Il se porte également aux premières élections présidentielles du 10 décembre 1848 mais il est très largement battu comme les autres candidats par Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III.
Il est né à Mâcon le 21 octobre 1790, son père Pierre de Lamartine (21 septembre 1752-Mâcon 1840) est seigneur, chevalier de Pratz et, capitaine au régiment Dauphin-cavalerie, et sa mère Alix des Roys, « fille de l'intendant général de M. le duc d'Orléans ». Les dix premières années de sa vie, passées à la campagne à Milly, sont influencées par la nature, ses sœurs, sa mère, et surtout par l'abbé Dumont6, curé de Bussières, qui lui insuffle une grande ferveur religieuse, renforcée par les années qu'il passe au collège de Belley, pendant lesquelles il lit Chateaubriand, Virgile et Horace.
De retour à Milly, il commence à écrire de la poésie sous l'inspiration de l'Ossian de Baour-Lormian. Puis, après une aventure sentimentale qui inquiète ses parents, il entame un voyage en Italie (1811-1812) pendant lequel il rencontre une jeune Napolitaine, qui sera le modèle de sa Graziella. Il s'essaye ensuite à la tragédie (avec Médée) et écrit ses premières élégies.
En 1814, il devient quelque temps garde du corps de Louis XVIII une fois ce dernier intronisé : il se réfugie en Suisse au moment des Cent-Jours et démissionne finalement en 1815. Il revient ensuite à Milly, et mène une vie de gentleman campagnard. Seul garçon de sa famille, il doit recevoir en héritage les domaines de ses parents, mais, sans y être obligé, il s'engage à indemniser ses sœurs par des rentes.
En 1816, victime de langueurs, il part à Aix-les-Bains en Savoie. Le poète y rencontre Julie Charles, née Bouchaud des Hérettes, une femme mariée, épouse du physicien et aéronaute Jacques Charles, de six ans son aînée, atteinte de « phtisie », comme on appelait à l'époque la tuberculose galopante. Les deux jeunes gens entament une idylle qui durera jusqu'à la mort de Julie en décembre 1817, à l'âge de 33 ans. Le poète est profondément marqué par cette perte tragique qui lui inspire, en partie, le recueil Méditations poétiques (1820). Ce dernier obtient un immense retentissement et le propulse socialement : il peut épouser Mary-Ann Birch et devient attaché d'ambassade à Naples. Le couple9 voyage en Italie, en Angleterre, à Paris. En même temps, le poète publie les Nouvelles Méditations poétiques, La Mort de Socrate, Le Dernier Chant du pèlerinage d'Harold.
En 1822, sa fille Julia naît. En 1824, il perd sa sœur Césarine, épouse du comte Xavier de Vignet au mois de février, puis son autre sœur Suzanne de Montherot10 en août, à la suite de quoi il échoue à l'Académie française, à laquelle il sera finalement élu en 1829.
En 1825, il est nommé secrétaire d'ambassade à Florence, mais se voit refuser le poste de ministre de France : qu'importe, il demande un congé, revient en province, et publie Les Harmonies poétiques et religieuses.
Lamartine se rallie à la monarchie de Juillet mais est candidat malheureux à la députation (il échoue dans trois départements, à Bergues, à Toulon et à Mâcon). Il écrit Sur la politique rationnelle, commence Jocelyn et fait un voyage en Orient dès 1832 : il visite la Grèce, le Liban, va jusqu'au Saint-Sépulcre pour raffermir ses convictions religieuses, mais ce voyage sera fortement marqué par la mort de sa fille Julia, qui lui inspire le poème Gethsémani ou la Mort de Julia, texte qu'il intégrera par la suite dans son récit du Voyage en Orient.
Maison où logea Lamartine lors de son séjour à Plovdiv, en Bulgarie sous domination ottomane.
En 1833, il est élu député et ne cessera de l'être jusqu'en 1851. En 1838, avec Honoré de Balzac et Paul Gavarni, il va à Bourg-en-Bresse pour témoigner en faveur d'un ancien actionnaire du journal Le Voleur, Sébastien-Benoît Peytel, accusé d'assassinat. Sa démarche est infructueuse puisque l'accusé est guillotiné à Bourg-en-Bresse le 28 octobre 1839.
À la suite de ses voyages en Orient, il deviendra avec Victor Hugo un des plus importants défenseurs de la cause du peuple serbe, dans sa lutte contre l'Empire ottoman. En juillet 1833, lors de sa visite de Niš (en Serbie), Lamartine, devant la tour des crânes, s'écria : « Qu'ils laissent subsister ce monument ! Il apprendra à leurs enfants ce que vaut l'indépendance d'un peuple, en leur montrant à quel prix leurs pères l'ont payée. »
À la suite de graves soucis d'argent, Lamartine envisage d'abandonner la politique et commence à rédiger l'Histoire des Girondins. Il remplit toutefois sa tâche de député consciencieusement et se déplace lentement vers la gauche au fil des années, allant jusqu'à devenir la tête de file des révolutionnaires de 1848. Son Voyage en Orient, son Histoire des Girondins, qui lui redonne une certaine popularité, ainsi que ses discours à la Chambre manifestent une certaine inflexion dans sa pensée politique.
La Révolution de 1848
Félix Philippoteaux, Épisode de la Révolution de 1848 : Lamartine repoussant le drapeau rouge à l’Hôtel de Ville, le 25 février 1848, v. 1848. Huile sur toile, 63 × 27,5 cm. Musée Carnavalet, Paris.
Alphonse de Lamartine par Théodore Chassériau
En 1848, à l'occasion de la chute de Louis-Philippe et de la proclamation de la Seconde République, Lamartine fait partie de la Commission du gouvernement provisoire. Il est ainsi Ministre des Affaires étrangères de février à mai 1848.
Partisan d'une révolution politique, il est plus proche des libéraux que des partisans d'une réforme politique et sociale (Louis Blanc, Albert, etc.). Le 24 février 1848, il s'oppose ainsi à l'adoption du drapeau rouge.
De concert avec François Arago, il mène une politique modérée. C'est lui qui signe le décret d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848. Le 10 mai 1848, le gouvernement provisoire est remplacé par une commission exécutive, dont ont été exclus les plus à gauche (Louis Blanc, etc.). Lamartine siège alors avec François Arago (également président de la Commission), Louis-Antoine Garnier-Pagès, Alexandre Auguste Ledru-Rollin et Pierre Marie de Saint-Georges.
Après la fermeture des Ateliers nationaux, décidée par la Commission exécutive, et les Journées de Juin, réprimées dans le sang par le général Cavaignac, la Commission démissionne. Le 28 juin 1848, Cavaignac devient président du Conseil des ministres par intérim.
En décembre, Lamartine obtient juste 0,26 % lors de l'élection présidentielle qui porte au pouvoir Louis-Napoléon Bonaparte. En avril-juin 1850, lors des débats parlementaires sur la loi de déportation politique, Lamartine s'oppose au choix des îles Marquises, bien qu'il ne fût pas opposé au principe même de la déportation.
Sous le Second Empire
La fin de la vie de Lamartine est marquée par des problèmes d'argent, dus à sa générosité et à son goût pour les vastes domaines. Il revient un temps aux souvenirs de jeunesse avec Graziella, Raphaël, mais doit très vite faire de l'alimentaire. La qualité de ses œuvres s'en ressent rapidement, et désormais les productions à la mesure du poète, telles que La Vigne et la Maison (1857), seront rares. À la fin des années 1860, quasiment ruiné, il vend sa propriété à Milly et accepte l'aide d'un régime qu'il réprouve. C'est à Paris au 135 Avenue de l'Empereur qu'il meurt en 1869, deux ans après une attaque l'ayant réduit à la paralysie.
Dès 1830, la pensée politique et sociale de Lamartine va devenir un aspect essentiel de son œuvre. Légitimiste en 1820, il évolue peu à peu vers la gauche, mais voit un danger dans la disparition de la propriété : cette position ambiguë est intenable. En 1831, il est attaqué dans la revue Némésis : on lui reproche d'avilir sa muse en la faisant la servante de ses idées politiques. Lamartine réplique, et dès cette période, son œuvre est de plus en plus marquée par ses idées. Lamartine croit au progrès : l'histoire est en marche et les révolutions sont un moyen divin pour atteindre un objectif. La démocratie est la traduction politique de l'idéal évangélique. Jocelyn, La Chute d'un ange, témoignent des préoccupations sociales de leur auteur, qui œuvre aussi pour la paix.
La pensée religieuse de Lamartine
Jocelyn, La Chute d'un ange, le Voyage en Orient révèle la pensée religieuse de Lamartine. Son déisme est assez vague, mais le poète veut expurger la religion de la croyance aux miracles, de celle de l'enfer, etc. Cependant, certaines de ses œuvres seront mises à l'index. Sa foi en la Providence est contingente des vicissitudes de sa vie, mais le désir de servir Dieu est à chaque fois plus fort. La présence de figures romanesques et religieuses, telles l'Abbé Dumont, traversant son œuvre, participe de cette vision évangélique.
Non-violent, il prêche également pour le végétarisme. Élevé par sa mère dans le respect de la vie animale il répugnera toute sa vie à manger de la viande. Il l’écrira même en vers dans La chute d’un Ange (1838) et plus explicitement dans Les confidences (1849) et ses arguments seront repris par les défenseurs du végétarisme au XXe siècle.
Regards sur l’œuvre
Maître du lyrisme romantique et chantre de l'amour, de la nature et de la mort, Alphonse de Lamartine marque une étape importante dans l'histoire de la poésie française avec sa musique propre. En effet « La révolution française de la poésie peut être datée des Méditations poétiques de Lamartine : cette mince plaquette eut un effet à la fois détonant et fondateur dans la redéfinition lente de la poésie à laquelle procède le XIXe siècle ». Lamartine, admiré par Hugo, Nodier ou Sainte-Beuve, disait de la poésie qu'elle était « de la raison chantée » et retrouva les accords d'un langage enthousiaste, c'est-à-dire d'une possible communion avec Dieu. La poésie est chant de l'âme. Si ses élégies restent dans la lignée de celles de Chénier, Bertin ou Parny, ses méditations et ses poèmes métaphysiques (notamment « La Mort de Socrate » et « Le Désert ») sont le résultat d'une expérience nouvelle, qui a pu faire dire à Rimbaud que « Lamartine est quelquefois voyant, mais étranglé par la forme vieille. »(Lettre du voyant.)
L'œuvre — immense : 127 volumes — propose parfois des textes moins reconnus (poèmes de circonstances par exemple ou de nombreux textes du Cours familier de littérature), mais on y reconnait le plus souvent l'expression d'un artiste, pour qui la poésie est « l'incarnation de ce que l'homme a de plus intime dans le cœur et de plus divin dans la pensée. » Certains de ses contemporains furent sévères avec lui, (Flaubert parle ainsi de « lyrisme poitrinaire »), mais il restera comme le grand restaurateur de l'inspiration lyrique. La beauté de cette poésie suppose donc la profonde sympathie de son intime lecteur : « La phrase fait secrètement entendre ce qu'elle fait discrètement voir et ressentir. Quiconque la murmure se substitue à celui qui l'inventa et se met à confondre les automnes de son âme avec ceux de la nature car ils sont signes de la déploration qu'il y a en Dieu. / Telle aura été la visitation de Lamartine ».
Son Voyage en Orient est avec celui de Nerval, après l'Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand, l'un des chefs-d’œuvre du récit de voyage. Son titre complet, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833), ou Notes d'un voyageur, souligne assez bien l'ambition littéraire de Lamartine, poète d'une nature illimitée dont la vision voluptueuse ouvre un espace immense à la rêverie, à une profonde méditation. « La poésie se rêve en effet le plus souvent chez Lamartine comme une coulée douce, d'ordre presque érotique, chargée tout à la fois de délivrer le moi et d'occuper en face de lui, disons presque de séduire, l'espace d'un paysage. »
Poésie
Méditations poétiques (1820) dont « Le Lac » et « L'Isolement »
La Pervenche (1821)
La Mort de Socrate (1823)
Nouvelles Méditations poétiques (1823) dont « La Solitude » et « Les Préludes » (ce dernier poème fut mis en musique par Franz Liszt)
Le Dernier Chant du pèlerinage d'Harold (1825)
Épîtres (1825)
Harmonies poétiques et religieuses (1830) dont « Milly, ou la Terre natale »
Recueillements poétiques (1839)
Le Désert, ou l'Immatérialité de Dieu (1856)
La Vigne et la Maison (1857)
N.B. Ces œuvres, ainsi que les poèmes dramatiques (théâtre) et les romans en vers (Jocelyn et La Chute d'un ange) sont réunies dans les Œuvres poétiques de la Bibliothèque de la Pléiade aux éditions Gallimard (texte établi, annoté et présenté par Marius-François Guyard).
Romans en prose
Raphaël (1849)
Graziella (1849)
Le Tailleur de pierre de Saint-Point (1851)
Geneviève, histoire d'une servante (1851)
Fior d'Aliza (1863)
Antoniella (1867)
Épopées ou romans en vers
Jocelyn (1836), dont une version illustrée par Albert Besnard
La Chute d'un ange (1838)
Théâtre
Médée (créé en 1813 publié en 1873)
Saül (écrit en 1819 mais publié en 1861)
Toussaint Louverture (1850)
Histoire
Histoire des Girondins, en huit volumes (1847)
Histoire de la Restauration, en huit volumes (1851)
Histoire des Constituants (1853),
Histoire de la Turquie (1853-1854), ce livre contient une Vie de Mahomet
Histoire de la Russie (1855).
Mémoires, autobiographies et récits de voyage
Voyage en Orient (1835)
Trois Mois au pouvoir (1848)
Histoire de la révolution de 1848 (1849)
Confidences contenant le récit de Graziella (1849)
Nouvelles Confidences contenant le poème des Visions (1851)
Nouveau Voyage en Orient (1850)
Mémoires inédits (1870)
Les Biographies
Le Civilisateur, Histoire de l'humanité par les grands hommes, trois tomes (1852 : « Jeanne d'Arc », « Homère », « Bernard de Palissy », « Christophe Colomb », « Cicéron », « Gutemberg » ; 1853 : « Héloïse », « Fénelon », « Socrate », « Nelson », « Rustem », « Jacquard », « Cromwell" (Première et deuxième parties) ; 1854 : « Cromwell » (Troisième partie), « Guillaume Tell », « Bossuet », « Milton », « Antar », « Mad. de Sévigné »)