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Le blog de mim-nanou75.over-blog.com

Bienvenue sur mon site Une innovation pour mes anciens lecteurs, désormais je traite de divers sujet, en premier La religion judéo chrétienne signé" Monique Emounah", pour ceux qui ne peuvent se déplacer à l'églises quelques soit la raison, et le lieu de leurs résidences ils peuvent suivre les offices du jour, la politique (LR) et les infos, la poésie et les arts en général. Mes écrits, signé (Alumacom) également mes promos de mes dernières parutions et quelquefois un rappel pour mes anciens écrits. Merci de votre attention,

L’acculturation et le métissage

 Outre l’article cité, voir « La christianisation de la Nouvelle Espagne ou le rêve d’une église in 
  • 29  Bernardino de Sahagún, Histoire générale des choses de la Nouvelle-Espagne, traduit de l’espagnol (...)
  • 30  T. de Motolinía, Historia de los Indios de la Nueva España, Madrid : Castalia, 1991
  • 31  Diego Durán, Historia de las Indias de Nueva España y Islas de Tierra firme, Mexico : Andrade y Es (...)
  • 32  Dumont, Jean,  L’Eglise au risque de l’histoire, Paris : Criterion, 1982, p. 151.

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Dans ces deux articles remarquables, Hervé Pujol explique le succès de l’évangélisation  par les innovations proposées par les missionnaires qui surent s’adapter à la culture indigène.

Le premier mérite des ordres mendiants missionnaires a été l’effort linguistique. Parler et écrire le nahuatl étaient un moyen de se comprendre, de connaître la population autochtone et de se distinguer des agents de la colonisation. Le nahuatl sera d’ailleurs reconnu comme langue franche, propre à l’évangélisation par Philippe II  en 1578  et 1580.

En même temps on apprend aux indigènes le castillan et on réfléchit à la traduction de termes théologiques.

La deuxième approche est ethnographique.

Les missionnaires ont conscience qu’il faut connaître la culture des peuples qu’ils évangélisent. Ils constituent véritables encyclopédies portant sur tous les domaines de la culture mexicaine. Citons les œuvres de Bernardo de Sahagun, Toribio de Motolinía, Diego Durán, qui écrit : « Mon désir a été de le faire revivre (le Mexique ancien), de le ressusciter de la mort et de l’oubli où il était tombé après tant de temps. »

La troisième approche est liturgique. Compte tenu des traditions indiennes, très vivantes, de danse et de musique, les religieux exploitent ce goût et ces aptitudes, en intégrant la danse et la musique dans la liturgie. Les processions et fêtes religieuses deviennent l’occasion d’exprimer une ferveur souvent joyeuse.

Les Indiens transposent, notamment dans la liturgie catholique, leurs chants, leurs costumes traditionnels. Ils décorent aussi les églises avec talent, créant un style nouveau. Un art indien se développe dans l’art chrétien (ex : la chapelle du rosaire à Puebla). Il est vrai que les missionnaires ont beaucoup détruit d’idoles et de temples (avant que cela ne fût interdit par le concile de Lima en 1552).

Considérés comme des manifestations du Diable, ces objets et ces lieux de culte ont été longtemps cachés par les Indiens. Le but est d’abord de déraciner les croyances païennes. Bien des aspects de ce culte et de ce rituel peuvent horrifier. Ainsi dans le Yucatan, à propos des Mayas, mais il en va de même pour les Aztèques : « Les religieux avaient devant les yeux les insupportables défroques de mort laissés par la civilisation maya, sous influence toltèque. »

  • 33  L’autodafé de Zumarraga des archives aztèques à Texcoco ne serait qu’une légende (cf. Martin Quira (...)
  • 34  Cf. C. Bernand et S. Gruzinski, op. cit., t.1, p. 377.
  • 35  Ce livre est daté environ de 1545. Il est conservé à la Public Library de New York.
  • 36  Pacheco, J.-R.,  « La devoción guadalupana, una opinión sociológica », Religiosidad  y costumbres (...)

21Il est fort regrettable aussi que de nombreux codex aient été détruits, moins qu’on ne le dit, toutefois. Ces livres illustrés de pictogrammes et de glyphes énigmatiques constituaient des témoignages irremplaçables sur ces civilisations. Antonio Mendoza, le vice-roi humaniste a eu conscience de cette grave erreur et a tenté d’y remédier en commandant au chef des peintres indiens de la capitale un livre magnifique qui porte son nom : « le codex Mendoza » où sont représentés tous les aspects du monde précolombien par des pictographies traditionnelles et des commentaires en caractères alphabétiques.

Il envoie aussi des « idoles » à son frère ambassadeur en Italie. La pratique de la table rase  (détruire les pratiques anciennes pour les remplacer par des nouvelles) a peu à peu fait place à une philosophie humaniste et à une théologie plus tournée vers l’acculturation (en matière théologique on préfère le terme d’ « inculturation »). Le procédé n’est pas nouveau. Lorsque le christianisme est devenu la religion officielle de l’empire romain, il s’est agi de christianiser les païens de l’antiquité. On a d’abord voulu détruire les vestiges du paganisme, puis on a pensé qu’il y avait une vérité cachée dans les croyances et les pratiques du paganisme. Plutôt que de la nier, il valait mieux la déceler et la reconnaître comme une préfiguration, une annonce de la vérité définitive de la Révélation chrétienne. C’est déjà ce que préconisait le pape Grégoire le Grand  au VIIe siècle, en invitant les païens à honorer le vrai Dieu tout en récupérant leurs anciennes coutumes.

C’est la théologie de l’integumentum (le voile) qu’il faut soulever pour voir la vérité tout entière (on retrouve le thème platonicien de la vérité : alethéia) ou de la prisca theologia (la théologie ancienne) qu’il convient d’éclairer. Il est bien des croyances et des pratiques, en effet, dans les dogmes, le culte et les rites précolombiens, qui annoncent le christianisme, qui n’a pas tout inventé. Les analogies n’ont pas  échappé aux prédicateurs : Existence d’un dieu créateur, d’une cosmogonie complexe, de combats contre les forces du Mal (le dieu cruel Tezcatlipoca  ressemble beaucoup au Diable des chrétiens), d’une rétribution éternelle des mérites, de rites de pénitence, d’une fin des temps, d’offrandes et de sacrifices propitiatoires. Hélas, les démons ont déformé ces vérités premières, pour entraîner ces peuples sincères sur le chemin de la perdition. ces semences peuvent venir de la vérité ?

 

 
  • 38  Hamnett, B.R., op. cit., p. 72-73.
  • 39  Lafaye, J., Quetzacoatl et Guadalupe : la  formation de la conscience nationale au Mexique, Paris  (...)
  • 40  Motolinía écrit en 1536 à Charles Quint : « Qu’un peuple et l’autre s’unissent, chrétien et infidè (...)
  • 41 Alberro, S. Les Espagnols dans le Mexique colonial. Histoire d’une acculturation,Armand Colin, 199 (...)

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Une grâce, une lumière, accordées à tout homme, en particulier à ceux qui ignorent la Révélation

. On a imaginé aussi une évangélisation ancienne due aux apôtres Barthélémy ou Thomas qui auraient apporté la connaissance d’un vrai Dieu, mais faute d’une Église bien installée, le bon grain aurait poussé en même temps que l’ivraie et celle-ci l’aurait étouffée. Ici ou là, on voit apparaître une idée qui aura une grande postérité en Amérique du Nord. Une tribu perdue d’Israël aurait trouvé refuge dans le Nouveau Monde, apportant avec elle le témoignage du vrai Dieu. Sans forcément adhérer à ces thèmes, les prédicateurs deviennent moins sensibles au risque de syncrétisme qui faisait horreur aux premiers franciscains. Déjà la liturgie est imprégnée de musiques et de danses indiennes.

La piété le sera aussi. Le culte des saints permet de récupérer le polythéisme païen, à condition  de l’éclairer et de démontrer patiemment qu’il ne s’agit pas de divinités tutélaires mais d’intercesseurs auprès du vrai Dieu unique. Un élément de la piété populaire va réconcilier la foi hispanique et la foi nouvelle des Indiens d’Amérique. C’est le culte marial. La tradition, solidement établie par le Nican Mopohua (« voilà le récit ») une chronique rédigée en nahuatl par Antonio Valeriano, raconte que la Vierge est apparue le 9 décembre 1531 à un Indien converti : Juan Diego sur la montagne du Tepeyac où  était vénérée la déesse Tonantzin. La Vierge se présente comme l’Immaculée Conception, la mère du vrai Dieu. Elle guérit l’oncle de Juan Diego, demande la construction d’une chapelle en son honneur et celui de son Fils  et pour convaincre l’évêque, imprime miraculeusement son image, à la grande surprise de Juan Diego, sur son manteau, sa tilma.

L’évêque et les personnes présentes croient au miracle en voyant cette image si belle et une chapelle sera bien construite en son honneur par l’évêque Juan de Zumarraga. Cette image est actuellement encore honorée dans le sanctuaire de Mexico le plus fréquenté du monde chrétien avec 16 millions de visiteurs par an. La Vierge Marie demande à Juan Diego qu’elle soit vénérée sous le nom de Notre-Dame de Guadalupe. Ce nom de Guadalupe, d’origine arabe, renvoie à un sanctuaire espagnol en Estrémadure, connu de tous.

Selon Juan Rodolfo Rivera Pachoco, existait au XVe siècle,  une Vierge de l’Apocalypse. Cette représentation de la Vierge n’a rien que de très courant. Elle s’inspire du chapitre 12 de l’Apocalypse de saint Jean : «  Un grand signe apparut dans le ciel. Une femme ! Le soleil l’enveloppe, la lune est  sous  ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête. » L’Église y a toujours vu une préfiguration du rôle de Marie.

La Vierge mexicaine présente une curieuse particularité. Elle est enceinte comme la Vierge de l’Apocalypse. Elle porte le ruban noir des femmes mexicaines enceintes. Elle porte l’enfant Dieu, mais aussi l’humanité nouvelle, voire un peuple nouveau.

Cette belle jeune fille métisse présente bien d’autres mystères que la science continue d’explorer : la conservation du tissu d’agave, l’absence de pigments de couleur, les étoiles qui figurent sur le manteau, les dessins sur la robe, les reflets d’êtres humains dans les yeux. En tout cas l’image parle aux Aztèques.

La lune, le soleil, les étoiles éveillent des correspondances avec leur mythologie. Ils ont adoré sur le Tepeyac Tonantzin et connaissent avec Coaticlue une déesse mère (la mère du dieu solaire Huitzilopochtli). Le message reçu par Juan Diego est clairement chrétien :

« Je suis la Vierge immaculée, la mère du vrai Dieu, du Créateur, du Seigneur de la Terre et des Cieux », dit Notre-Dame,

mais les signes aztèques sont bien présents. J. R. Pacheco conclut son enquête en affirmant qu’on ne peut douter de l’historicité de Juan Diego, ni de sa version des événements :

 
  • 37 Ibid., p. 222.

Il n’est pas question de se prononcer sur l’authenticité du miracle. Les adversaires de l’apparition se sont manifestés très tôt. Les franciscains s’y sont opposés. Bernardino de Sahagun y voyait une adaptation du culte aztèque de la déesse mère Bustamente, le supérieur de la province franciscaine, exprime les mêmes réserves et soupçonne un peintre indien de s’être livré à cette imposture.actuellement Jacques Lafaye écrit : « La pieuse légende de Guadalupe prend place parmi les métamorphoses tardives des anciennes croyances indiennes au sein de la spiritualité du Mexique colonial. » L’archevêque de Mexico, Alonso de Montufar, apporta un soutien discret mais décisif à la défense de ce culte qui finit par triompher. Les deux cultures, espagnole et indienne, se marient dans la même foi chrétienne, à travers une image chargée de symboles, au-delà d’un vain syncrétisme, mais dans un véritable métissage. Le culte marial, si fort en Amérique latine, est un facteur d’acculturation, d’unité et d’identité communautaire. C’est d’ailleurs le mot de métissage qui convient le mieux pour décrire la réussite de l’évangélisation et de la conquête espagnoles. La christianisation a eu un impact  considérable sur les mœurs. Les Aztèques ont eu beaucoup de mal à accepter le mariage monogamique indissoluble. Il a fallu renoncer à une polygamie généralisée, aux graves conséquences pour la vie des femmes. L’Église et la couronne ont encouragé en retour les mariages mixtes. C’est ainsi qu’un nouveau peuple est apparu en un siècle. Le métissage est surtout culturel. Il est impossible d’en décrire tous les effets dans la vie quotidienne, les mentalités, les arts. Deux ouvrages s’attachent à le faire. Le tome 2 de l’Histoire du nouveau monde de C. Bernand et S. Gruzinski est intitulé les métissages. Solange Alberro  analyse tous ces phénomènes en montrant à quel point la culture indienne a influencé le mode de vie des Espagnols. Ce qui permet de parler d’une acculturation réussie et nullement d’une assimilation. Le Mexique de nos jours offre cette riche complexité humaine et culturelle issue du métissage.

 

 

 

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