14 Mai 2019
Paul de Tarse a été et est encore aujourd’hui l’un des plus grands personnages de l’histoire du christianisme. C’est pourquoi nous avons intérêt à connaître ce pilier de notre Église.
Il existe plusieurs façons d’aborder son oeuvre.
On peut étudier
Je pense que la meilleure façon de bien connaître ce pionnier du christianisme est de le «suivre à la trace», de la naissance à la mort. Il a eu une vie exceptionnelle, pleine de surprises et de rebondissements. Il a connu des scénarios dignes des plus grands films d’action.
Cette approche est plus longue mais elle nous permet de mieux découvrir toute la richesse et toute la complexité du personnage.
Plusieurs d’entre nous avons une bonne connaissance des quatre évangiles : Marc, Matthieu, Luc et Jean, mais Paul, l’auteur des Épitres, reste une énigme et un point d’interrogation.
Déterminé, parfois têtu, ombrageux à l’occasion, Paul a eu de nombreux ami(e)s et un grand nombre d’ennemi(e)s. Il a joué un rôle de premier plan dans les débuts du christianisme et son influence perdure jusqu’à nos jours.Je m’efforcerai de faire un peu de lumière sur cet homme, à travers ses cheminements tortueux, son développement théologique, ses conflits avec la communauté de Jérusalem, ses voyages missionnaires, sa pastorale pour les églises et ses lettres passionnées.
J’éviterai de m’impliquer dans les innombrables controverses de spécialistes sur la vie de Paul, sur l’authenticité de certaines de ses lettres, sur ce que Luc dit de lui ou ce qu’il a jugé bon de passer sous silence. Je voudrais vous présenter la «vie de saint Paul» avec toute la richesse que nous offre cet apôtre unique en son genre. Vous le verrez en pleine action dans les grandes villes de l’Empire romain, voyageant d’Est en Ouest, toujours désireux de porter plus loin la Bonne Nouvelle, jusqu’aux limites du monde connu.
Les voyages de Paul en Méditerranée de l’est sont mentionnés dans les épîtres pastorales, écrites après la première captivité à Rome : «En partant pour la Macédoine, je t’ai prié de demeurer à Éphèse.» (1 Timothée 1, 3), «J’ai laissé Trophisme malade à Milet (2 Timothée 4, 20), «Apporte le manteau que j’ai laissé à Troas chez Carpos (2 Timothée 4, 13), «Je t’ai laissé en Crète» (Tite 1, 5).
Après ces déplacements, selon toute vraisemblance, Paul a été arrêté à Nicopolis et transféré à Rome pour y être jugé. Accusation : appartenir à la secte des chrétiens, responsables de l’incendie de Rome. Deux ou trois années se sont écoulées depuis la destruction de la capitale. Néron a eu le temps de reconstruire une partie de la ville. Selon Tacite,
Le luxueux palais que Néron se fit construire après la destruction de la ville.
(L'Italie vient de relancer les travaux de restauration de cette "Maison dorée" située en plein centre-ville de Rome, à quelques mètres du Colisée)
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«Néron mit à profit la destruction de sa ville et se bâtit un palais où l'or et les pierreries n'étaient pas ce qui étonnait le plus; ce luxe est depuis longtemps ordinaire et commun : mais ce palais enfermait des champs cultivés, des lacs, des solitudes artificielles, des bois, des esplanades... Par ailleurs l'espace resté libre pour construire des maisons ne fut pas utilisé sans ordre, au hasard. Les maisons furent alignées, les rues élargies, les édifices limités à une juste hauteur. On ouvrit des cours et l'on éleva des portiques pour protéger les maisons. L'eau coula plus abondante et en plusieurs endroits, elle fut à la disposition du public... Chacun fut obligé de tenir toujours prêt et bien en évidence ce qu'il faut pour arrêter le feu... Mais ni les efforts humains, ni la largesse du prince, ni les cérémonies religieuses expiatoires ne faisaient taire l'opinion... d'après laquelle l'incendie avait été ordonné. Pour mettre fin à ces rumeurs, Néron supposa des coupables... » (Ann. XV)
Afin de permettre ce début de reconstruction par Néron, il faut retarder jusqu'en 66-67 la persécution des chrétiens et fixer à cette date le martyre de Paul. On ne s'étonne donc plus que l’apôtre ait eu le temps, depuis le printemps 63, de se livrer aux multiples activités dont parlent ses lettres pastorales à Timothée et à Tite.
Le macabre cachot de la prison Mamertine.
Un autel commémore l'endroit où Pierre et Paul ont souffert avant leur exécution.
La tradition raconte que Paul aussi bien que Pierre ont été incarcérés dans la macabre prison Mamertine, cachot souterrain à deux étages qui possédait une salle basse, enfoncée à près de quatre mètres sous terre. L'ensemble était fermé, comme une sorte de sarcophage, par des murs épais et une voûte de pierre. Ce lieu sinistre servait à la fois de lieu de détention et de lieu d'exécution. C’est dans cette prison que Vercingétorix aurait été étranglé en 46 av. J.-C., sur l’ordre de Jules César. En règle générale, les prisonniers ne restaient que quelques jours ou quelques semaines dans ce lieu sinistre. La prison Mamertine était l'antichambre de la mort. Aujourd'hui, les pèlerins et les touristes peuvent la visiter. Sur le fronton de la prison, on peut y lire : «Prigione dei SS. Apostoli Pietro e Paolo – Mamertinium».
Lorsque Paul est transféré à Rome, la capitale est en pleine période de persécution. On se rappelle qu’à sa première visite, bien que prisonnier, Paul avait été accueilli par les chrétiens sur la Voie appienne et avait pu profiter de leur soutien pendant toute la période de son incarcération. Cette fois-ci, il n’y a personne pour le recevoir. Le climat est différent. L'opinion publique est hostile et les chrétiens n’osent se prononcer à la défense de Paul qui prévoit sa condamnation et sent venir la fin. Lors d’une première comparution devant le juge, il a pu éviter la condamnation à mort. La deuxième séance du tribunal est imminente et il sait qu'elle se terminera par son «entrée dans le Royaume des cieux». Il n'a plus d'espoir :
Paul rédige lui-même son inscription funéraire :
C'est l'image du lutteur dans l'arène et du coureur dans le stade de Dieu. Paul, qui a toujours aimé les sports, utilise des images des jeux olympiques.
Paul condamné à mourir par le glaive
Il se souvient de l'heure de son appel sur la route de Damas, lorsqu’il accepta le fardeau de sa vocation. Il avait promis fidélité. Il conservera cette fidélité depuis Damas jusqu’à sa condamnation à mort.
De la lettre de l'évêque Clément de Rome aux Corinthiens, écrite environ trente ans après la mort de Paul, il ressort que Pierre ait été crucifié comme «ennemi du bien public» (hostis publicus), alors que Paul, en tant que citoyen romain, a été condamné, après un procès en règle, à mourir par le glaive. Cette lettre démontre que Clément connaissait bien les événements. Il nous donne un résumé de la vie de Paul :
Selon la tradition chrétienne, l'exécution de Paul a eu lieu dans un vallon désert appelé les Eaux salviennes, non loin des portes de Rome. Son corps fut ensuite déposé dans un tombeau sur la propriété de la chrétienne Lucina, près de la voie d’Ostie. Sa tombe étant celle d’un citoyen romain, elle n'avait pas à être cachée. Elle devint rapidement un lieu de vénération où les chrétiens venaient se recueillir sur le tombeau de l’Apôtre des nations.
Saint-Paul-hors-les-Murs
gravure de Piranèse
Statue de saint Paul devant l'actuelle Basilique (reconstruite après l'incendie de 1823)
Intérieur de la Basilique.
Cinq grandes nefs formant une croix entourent le maître-autel qui indique l'endroit où saint Paul fut enterré.
Quand, sous Constantin, le christianisme sera choisi comme religion de l’État, l’Empereur fera construire une église sur le lieu où Paul a été enterré. Des fouilles récentes ont découvert sous le maître-autel un sarcophage pouvant contenir les reliques de l'Apôtre et une plaque de marbre datant du IVe siècle qui porte l'inscription «Paulo apostolo mart» (Paul apôtre martyre). En 386, cinquante ans après la mort de Constantin, devant l'affluence des pèlerins, les empereurs Valentinien II, Théodose et Arcadius firent construire une basilique plus grande : Saint-Paul-hors-les-Murs.
Paul avait environ 62 ans lorsqu’il fut décapité. Sa vie intense marqua l'histoire de l'humanité. Ce vieillard encore plein d’énergie fut conduit par un groupe de soldats vers la pyramide de Cestius, près du mur sud de la ville de Rome. Le cortège emprunta alors la voie d'Ostie. À l’endroit où Paul fut exécuté, les Trappistes, silencieux, ont construit, entre de grands eucalyptus, le couvent de «Tre Fontane», où ils montent la garde sur la dépouille du célèbre apôtre des nations.
À l'endroit de l'actuelle Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, sur la propriété agricole de la matrone romaine Lucina, des fouilles archéologiques ont mis à jour un petit cimetière. Les inscriptions de certaines tombes remontent au temps de la République romaine, avant Jules César. Dans une lettre, le prêtre romain Gaïus écrit, vers l'an 200 : «Je peux te montrer les trophées des Apôtres. Si tu viens au Vatican ou sur la route d'Ostie, tu trouveras les trophées des fondateurs de cette Église.» Le mot trophée désigne ici un sarcophage surmonté d'une petite chapelle. Eusèbe de Césarée place l'exécution de Paul entre juillet 67 et juin 68, soit deux ou trois ans seulement avant la destruction du Temple et de la ville de Jérusalem par Titus. Vers l’an 210, Tertullien de Carthage relate le martyre de Pierre et Paul sous Néron. En 313, Eusèbe de Césarée confirme : «On raconte que, sous le règne de Néron, Paul eut la tête coupée à Rome même, et que semblablement Pierre y fut crucifié, et ce récit est confirmé par le nom de Pierre et Paul qui, jusqu'à présent, est donné au cimetière de cette ville.»
Il est difficile de contester ces anciennes traditions. «Qu'est-ce qui aurait pu convaincre l'architecte de Constantin à construire cette église si loin de toute habitation, dans un endroit exposé aux inondations du Tibre?». Le corps de l'Apôtre reposa ici, dans un simple caveau, jusqu'à la persécution de l'empereur Valérien, au IIIe siècle. A cette époque, l'État voulu piller les trésors chrétiens, et détruire les cimetières. Prévenus, les chrétiens de Rome transférèrent les corps de Pierre et de Paul, dans les catacombes de St-Sébastien, sur la Voie Appienne. L'Église fut si reconnaissante, qu'elle commémore encore aujourd’hui, le 29 juin, le sauvetage des précieuses reliques, par la fête de Pierre et de Paul. Plus tard, le pape Sylvestre reporta les reliques à leur lieu de sépulture primitive, dans les basiliques construites par Constantin, à St-Paul-hors-les-Murs et à St-Pierre du Vatican.
Paul est resté fidèle au Christ jusqu’à sa mort. Lors de la rencontre de Damas, les écailles lui étaient tombées des yeux et il avait compris ce que le christianisme apportait d'absolument nouveau. Cette découverte fondamentale ne lui vint pas de la «chair et du sang», mais bien de Jésus-Christ lui-même. C'est grâce à cette rencontre que Paul a pu se faire tout à tous, en devenant l’Apôtre des nations :
«Si quelqu'un est dans le Christ, c'est une créature nouvelle. Le passé a disparu, c'est maintenant un monde nouveau» (2Cor. 5, 17).
extrait des écrits du le Père Yvon-Michel Allard, s.v.d.