3 Mai 2019
L'origine de l'eau de la Terre, la plus grande centrale solaire flottante, lancement d'une Falcon 9, appel candidature Prix start-up EDF Pulse 2019
Une étude des échantillons de l'astéroïde Itokawa rapportés sur Terre en 2010 par la sonde Hayabusa montre que les astéroïdes de type S sont plus riches en eau que prévu. Ils pourraient même avoir contribué à la moitié de l'eau des océans de notre planète.
L'Humanité cherche ses connexions avec le cosmos depuis des millénaires. Dans cette quête qui l'a amenée à étudier l'évolution du Big Bang au vivant, l'origine de l'eau des océans de la Planète bleue occupe sans doute une place toute particulière. Plusieurs théories ont été envisagées et des rebondissements à leurs sujets sont fréquents depuis quelques décennies.
L'un des derniers provient des travaux de deux cosmochimistes de l'université de l'Arizona et il est exposé dans un article publié dans Science Advances. Il concerne l'analyse des échantillons prélevés par la sonde Hayabusa en 2005 à la surface de l'astéroïde Itokawa. Ils ont été rapportés sur Terre en 2010 par la sonde japonaise, en quelque sorte en prélude à sa sœur, Hayabusa-2, dont on a suivi récemment les succès avec l'astéroïde Ryugu.
Maitrayee Bose et son collègue Ziliang Jin ont entrepris de faire ce qu'ils n'auraient pas dû faire en toute logique, c'est-à-dire chercher des traces d'eau - ce que l'on fait généralement sous forme de molécules H2O ou seulement OH dans des minéraux - dans quelques-uns des plus de 1.500 grains ramenés par Hayabusa. Pour cela, ils ont employé un outil bien connu des microbiologistes, géologues et cosmochimistes : un spectromètre de masse appelé Nanoscale Secondary Ion Mass Spectrometer (NanoSIMS).
Pourquoi n'auraient-ils pas dû entreprendre cette recherche ? Tout simplement parce que les analyses spectrales de la surface d'astéroïdes comme Itokawa ont conduit à les rapprocher de certaines météorites rocheuses silicatées que l'on connaît sur Terre et qui sont surtout très pauvres en eau. Ces astéroïdes sont donc dits de type S (pour stone en anglais ou encore silicate) et au regard des modèles de la formation initiale de ces objets dans le disque protoplanétaire autour du Soleil il y a environ 4,5 milliards d'années, ils se seraient formés à une distance comprise entre un tiers et trois fois le rayon de l'orbite terrestre, c'est-à-dire en deçà de l'orbite de Jupiter et surtout de ce que l'on nomme la ligne de glace, encore appelée ligne de neige.
L'équipe de Hayabusa a d'ailleurs été étonnée quand Bose et Jin ont annoncé qu'ils cherchaient des traces d'eau dans les pyroxènes, plus fins qu'un cheveu, présents dans les cinq grains offerts à la sagacité des deux cosmochimistes. Ces minéraux auraient dû être très pauvres en eau. Ce n'était pas le cas et les chercheurs ont déterminé une valeur comprise entre 680 et 970 parties par million (en comparaison, la croûte terrestre contient de 15.000 à 20.000 ppm d'eau).
C'est une véritable surprise à plus d'un titre. Itokawa possède deux lobes principaux et on sait que sa faible densité indique qu'il est une sorte de gros tas de cailloux. Cela signifie qu'il s'agit de deux gros fragments agglomérés provenant d'un corps céleste plus gros qui a été fragmenté par un impact violent. Un tel évènement a certainement dégagé beaucoup de chaleur, ce qui aurait dû faire partir une partie de l'eau du matériau à partir duquel Itokawa s'est formé, il y a environ 8 millions d'années selon une estimation. Toutefois, comme Futura l'avait expliqué dans le précédent article ci-dessous, une partie de cette eau pouvait sans doute être recapturée par les débris de la collision.
Les échantillons ramenés par Hayabusa provenaient probablement de l'intérieur du corps-parent d'Itokawa et si l'on tient compte du fait que les astéroïdes de type S sont parmi les plus abondants dans la fameuse ceinture principale d'astéroïdes, on peut estimer la part de ces objets à l'apport de l'eau des océans sur Terre. Selon Bose et Jin, ce serait jusqu'à la moitié des océans sur Terre qui pourrait trouver son origine dans les astéroïdes de type S.
On peut s'en convaincre d'autant plus en examinant le rapport d'abondance de deux isotopes de l'hydrogène, plus précisément avec le deutérium. On trouve alors une signature isotopique qui est précisément celle des océans terrestres alors que ce n'est pas le cas avec bien des comètes.
C'est bien évidemment une découverte importante si elle se confirme, et elle n'a été possible que parce que l'on est allé chercher in situ des échantillons, ce qui va renforcer les projets proposés pour examiner de près comètes et astéroïdes. Il n'est pas certain toutefois que l'eau trouvée ne soit pas une contamination due à l'atmosphère terrestre. Bien qu'élogieux pour le travail de ses collègues, Tomoki Nakamura, spécialiste en sciences planétaires de l'université Tohoku de Sendai, au Japon, et qui a dirigé la première équipe étudiant les échantillons Hayabusa, incite donc à la prudence.
Article de Laurent Sacco publié le 04/05/2018
On simule la formation des cratères d'impact en laboratoire depuis les années 1960 grâce à l'Ames Vertical Gun Range. En tirant des projectiles de composition similaire aux astéroïdes riches en eau, des chercheurs viennent de montrer qu'une partie non négligeable de l'eau pouvait rester piégée dans les débris d'impact, éclairant l'origine de l'eau de la Terre.
Deux planétologues états-uniens viennent d'apporter un nouvel élément dans le débat déjà rempli de rebondissements concernant l'origine de l'eau des océans sur Terre et indirectement sur la Lune. Les deux questions sont liées du fait d'une origine commune de ces deux astres, révélée par les missions Apollo et qui ont conduit à la fameuse hypothèse de la collision entre notre planète bleue et Théia.
C'est un problème que l'on peut et que l'on a étudié par la géochimie et la cosmochimie. On a fait par exemple intervenir un processus de dégazage du manteau de la Terre par des volcans. Mais même si une telle hypothèse était exacte, elle laisse dans l'ombre l'origine de l'eau dans le manteau lui-même. On a supposé également que la Terre avait probablement perdu son eau d'origine lors de la collision avec Théia, qui avait conduit à la formation d'un océan de magma, et donc à la perte dans l'espace de l'eau du fait des hautes températures atteintes. Un second apport, sous forme de météorites ou de comètes, voire les deux a donc été avancé.
On peut tenter d'y voir plus clair en se concentrant notamment sur les abondances des formes deutérées (HDO et D2O) de l'eau dans les petits corps du Système solaire. L'oxyde de deutérium (D2O) est bien sûr chimiquement similaire à l'eau (H2O), mais comme ses atomes d'hydrogène sont des isotopes lourds -- à savoir du deutérium dont le noyau contient un neutron en plus du protonprésent dans chaque atome d'hydrogène -- il va par exemple avoir tendance à moins se retrouver dans une phase vapeur de l'eau ou à s'échapper de l'attraction d'un corps, ce qui peut conduire à des signatures concernant son origine.
Hypervelocity impact experiment into sand at the NASA Ames Vertical Gun Range
High speed video of a hypervelocity impact experiment at the NASA Ames Vertical Gun Range. 1/8" diameter aluminum projectile into granular sand target at 30° from local horizontal at over 100 times
L'article publié dans Science Advances par Peter Schultz, de l'Université Brown, et Terik Daly, de l'Université Johns Hopkins, va aujourd'hui lui aussi dans le sens d'un apport d'eau en provenance des astéroïdes. Pour arriver à cette conclusion, les deux chercheurs se sont concentrés sur le problème de la quantité d'eau qui pouvait être apportée par une collision entre la jeune Terre, en formation ou non, et un astéroïde de plus ou moins grande taille. Lors de la collision, l'énergielibérée doit faire fondre la matière du corps céleste et même conduire à son évaporation, donc là aussi, a priori, à une perte d'eau dans l'espace si la vapeur est assez chaude.
Pour en avoir le cœur net, les deux chercheurs ont utilisé l'Ames Vertical Gun Range qui a été construit dans les années 1960 à l'occasion du projet Apollo. Ce canon permet de tirer des billes de Pyrex dans une chambre sous vide dans un échantillon de sol censé permettre de reproduire, par exemple, ce qui se passe sur la Lune lors d'un impact et donc, d'étudier la formation des cratères.
Daly et Schultz ont commencé par fabriquer des billes ayant une composition voisine de celles des chondrites carbonées riches en eau, issues des astéroïdes. Ces billes ont ensuite été tirées à des vitesses d'environ cinq kilomètres par seconde sur un matériau sec en poudre de ponce. Les chercheurs ont ensuite analysé les débris produits par l'impact avec une armada d'outils analytiques, à la recherche de signes de l'eau pouvant y être piégée. Ils ont découvert qu'aux vitesses et aux angles d'impact réalistes, jusqu'à 30 % de l'eau contenue dans les billes se retrouvait piégée dans les débris après impact.
Les géologues planétaires pensent en avoir compris la raison. L'eau se vaporiserait bien lors de l'impact, mais elle serait en partie recapturée, paradoxalement, par une partie de la matière fondue générée par l'impact dans la colonne de débris produite. Une partie de l'eau de la Terre et de la Lune pourrait donc bien avoir été apportée par des astéroïdes, lorsqu'elles étaient très jeunes.
Article de Laurent Sacco, publié le 11/06/2016
L'eau interne de la Terre semble avoir la même origine que celle de la Lune. Des récentes analyses indiquent que, pour notre satellite, elle provient majoritairement non pas des comètes mais d'astéroïdes dont le contenu est similaire à celui de certaines chondrites carbonées, des météorites.
L'eau est à la source de la vie sur Terre et c'est sans doute pourquoi, dans notre quête de nos origines et pour savoir comment l'univers est passé du Big Bang au vivant, nous cherchons d'où provient celle de nos océans. Nous l'avons cherchée dans les échantillons de roches lunaires rapportées par le programme Apollo, dans les météorites tombées sur Terre et dont certaines proviennent de la ceinture d'astéroïdes et enfin dans la comète Tchouri examinée par Rosetta.
Une véritable cosmochimie s'est développée en parallèle de la géochimie afin de nourrir des modèles cosmogoniques de la naissance de la Terre et finalement du Système solaire. Malheureusement, sur notre Planète, les archives géologiques lointaines ont été largement détruites ou, pour le moins, leurs messages considérablement brouillés. Les plus vieilles roches terrestres découvertes rescapées des mouvements de la tectonique des plaques ont environ 4 milliards d'années, alors que la Terre est née il y a 4,56 milliards d'années environ. Au final, un débat fait rage pour savoir si l'eau sur Terre provient d'un dégazage volcanique de son manteau pendant l'Hadéen, des comètes ou du bombardement des micrométéorites par exemple.
Ces dernières années, les travaux des chercheurs ont suggéré que l'eau de la Terre et de la Lune étaient de la même origine. Comme les archives lunaires sont mieux conservées que celles de la Terre, une équipe internationale, comprenant de chercheurs de l'Institut de Minéralogie, de Physique des Matériaux et de Cosmochimie (CNRS, UPMC, IRD) et du Muséum national d'histoire naturelle, les a étudiées de plus près. Les cosmochimistes exposent dans un article de Nature Communications une vision plus précise des diverses sources de l'eau de la Lune, et donc, probablement, de celle de la Terre.
La leçon principale qu'ils en ont tirée, qui n'est pas vraiment nouvelle, est que la majeure partie de l'eau lunaire, et donc probablement aussi de la Terre, provient des astéroïdes riches en eau et pas des comètes. Cette conclusion découle des analyses comparées des abondances des isotopes d'hydrogène et d'azote, plus exactement des rapports D/H et 15N/14N mesurés dans les échantillons lunaires, dans les météorites de type chondrites carbonées provenant des astéroïdes et dans des matériaux cométaires.
Le rapport 15N/14N dans les comètes apparaît bien plus élevé que dans la majorité des chondrites carbonées et que le rapport D/H dans la majorité des comètes est de 2 à 3 fois plus élevé que celui de l'eau des océans sur Terre. Ces valeurs conduisent à la conclusion que les comètes n'ont pas fourni plus de 20 % environ de l'eau de la Lune.
Une autre conclusion est que l'essentiel du stock d'eau de la Lune s'est constitué alors que l'océan magmatique de notre satellite était en cours de refroidissement. Cette hypothèse est nécessaire pour expliquer les abondances des échantillons lunaires prélevés à différents endroits car les mouvements de convection dans cet océan ont homogénéisé cette réserve d'eau. Comme les modèles de la formation de la Lune impliquent que cet océan magmatique était en place entre 10 et 200 millions d'années après la naissance de la Lune, cela implique qu'elle a acquis son eau pendant cette période.