28 Mai 2019
Six Français ont été condamnés par la justice irakienne à la mort par pendaison, pour appartenance à l'organisation terroriste Etat islamique. "Nous multiplions les démarches pour (leur) éviter la peine de mort", a indiqué le ministre des Affaires étrangères, sans que Paris demande non plus clairement à Bagdad de surseoir aux exécution
Deux autres Français ont été condamnés à mort ce mardi 28 mai en Irak, portant à six le nombre de ressortissants ayant écopé depuis dimanche de la peine capitale pour avoir rejoint le groupe Etat islamique (EI).
Brahim Nejara, 33 ans, accusé par le renseignement français d'avoir facilité l'envoi de djihadistes vers la Syrie, et Karam El Harchaoui, qui aura 33 ans jeudi, avaient été transférés vers l'Irak fin janvier depuis Syrie, où ils étaient détenus par une alliance arabo-kurde antijihadistes.
"Nous multiplions les démarches pour éviter la peine de mort à ces quatre Français". Invité ce mardi 28 mai de la matinale de France Inter, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, est revenu sur le cas embarrassant des djihadistes français, désormais au nombre de six, condamnés à mort en Irak. Après Kévin Gonot, Léonard Lopez et Salim Machou dimanche, Mustapha Merzoughi, 37 ans, ancien militaire en Afghanistan de 2000 à 2010, a été condamné lundi à la peine capitale par pendaison, pour appartenance au groupe État islamique (EI, ou Daech).
"Nous sommes opposés à la peine de mort et nous le disons (...) j'ai moi-même rappelé au président irakien, le président Saleh, notre position", a ajouté le ministre, sans plus de précisions sur les démarches entreprises. C'est qu'entre cette position de principe de la France sur la peine de mort et l'éventuelle incompréhension de l'opinion si Paris se mettait en quatre pour sauver des terroristes condamnés, l'équilibre est subtil à trouver…
"Nous n'allons pas demander au gouvernement irakien de surseoir à cette condamnation à mort"
"Nous n'allons pas demander au gouvernement irakien de surseoir à cette condamnation à mort", a ainsi souligné lundi la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, sur BFMTV. Avant de développer : "En revanche, aujourd'hui toutes les voies de recours ne sont pas épuisées. Regardons d'abord comme ces voies de recours sont exercées et nous aviserons ensuite. (…) Nous ferons tout pour que la protection consulaire puisse leur être bénéfique". Et Jean-Yves Le Drian de marteler sur France Inter : "Ces terroristes-là, parce qu'il s'agit bien de terroristes qui nous ont attaqués, qui ont aussi été semeurs de mort en Irak, doivent être jugés là où ils ont commis leurs crimes".
Ces peines sont inédites contre des Français en Irak, où plus de 500 étrangers de l'EI ont déjà été condamnés. Si la loi prévoit jusqu'à la mort pour quiconque ayant rejoint une organisation "terroriste" - qu'il ait combattu ou non -, personne n'a jusqu'ici été exécuté. Les quatre Français condamnés à la peine de mort disposent d'un délai de 30 jours pour faire appel.
"Je n'ai pas la sensation d'être un terroriste"
"Je ne suis pas coupable de crimes et de meurtres, je suis coupable d'être parti là-bas", a déclaré pour sa défense Mustapha Merzoughi devant la cour, avant d'ajouter : "Je demande pardon au peuple irakien, au peuple syrien, à la France et aux familles de victimes". Celui qui se faisait appeler, au sein de l'EI, Abou Omrane al-Faranssi, a déclaré au juge avoir suivi "des formations obligatoires religieuses et militaires à Mossoul" avant de se voir remettre "une Kalachnikov et un salaire mensuel de 200 dollars".
Avant cette audience, lors des interrogatoires de l'instruction irakienne, l'ex-militaire avait affirmé avoir "prêté allégeance devant un chef de l'EI au visage masqué à Mossoul" car, expliquait-il alors, "les chefs avaient peur d'être reconnus ou identifiés par les combattants étrangers dont ils redoutaient qu'ils soient des espions". Lors de son audience lundi, il a toutefois nié ce serment. "J'ai eu beaucoup de problèmes en France, c'est pour ça que je suis parti : la propagande de l'EI promettait une maison, un salaire, le mariage..., a-t-il argué. Je n'ai pas la sensation d'être un terroriste."
Lundi, d'autres Français ont comparu. Le procès de Fodil Tahar Aouidate, 32 ans, incarcéré en 2010 en France pour trafic de drogue et dont 22 membres de la famille ont rejoint la Syrie, a été renvoyé au 2 juin. Le prévenu s'étant plaint de violences commises par ses interrogateurs, un examen médical doit en effet être pratiqué. Les audiences de Vianney Ouraghi, Bilel Kabaoui et Mourad Delhomme ont été fixées au 3 juin. Au total, douze Français seront jugés en Irak après avoir été remis à Bagdad par une alliance arabo-kurde de Syrie fin janvier.
"On condamne à la peine capitale (...) sur la base uniquement d'interrogatoires dans des geôles à Bagdad", a réagi l'avocat de Léonard Lopez auprès de l'AFP, dénonçant une "justice expéditive". "Le ministère des Affaires étrangères nous avait pourtant garanti que les Français auraient droit à un procès équitable", a-t-il déploré. Des défenseurs des droits humains ont dénoncé ces derniers mois "de vrais risques de torture" et "aucune garantie pour des procès équitables" en Irak, 12e pays le plus corrompu au monde selon Transparency International.
Avant les verdicts de dimanche et lundi, trois Français avaient déjà été reconnus coupables d'avoir rejoint l'EI en Irak : Mélina Boughedir, 27 ans, Djamila Boutoutaou, 29 ans, et Lahcène Gueboudj, 58 ans. Tous trois ont été condamnés à la perpétuité (20 ans de détention en Irak). Récemment, Bagdad s'est proposé de juger également le millier d'autres étrangers aux mains des Kurdes en Syrie. En échange de deux milliards de dollars, réclamés à leurs pays d'origine.