Lundi 9 novembre 2015 à l'aube, arrivés sur l'un des sites de piégeage, les militants de la LPO et les journalistes se sont violemment fait prendre à partie par deux individus. Les pneus des véhicules de la LPO et des journalistes ont été crevés et 4 militants de la LPO dont le Président, le Vice-Président et le Secrétaire Général ont été insultés et agressés par les braconniers. Une scène irréaliste qui en dit long sur l'état d'abrutissement et l'impunité dont bénéficient les braconniers.
La LPO a déposé plusieurs plaintes mais accuse les autorités françaises : "les braconniers savent qu'ils ne seront pas inquiétés : ces pratiques d'un autre âge perdurent grâce à la complicité de l'État français et de quelques élus de la République, Maires, Députés et Sénateurs dont les noms sont connus. Chaque année, l'État demande à la police de la nature (ONCFS) de ne pas constater les infractions en invoquant ce qu'il appelle la « tolérance ». Les sanctions infligées aux quelques contrevenants pris sur le fait grâce à la persévérance des associations du réseau BirdLife International (La LPO pour la France) sont ridiculement symboliques. La situation est dénoncée par les agents eux-mêmes qui vivent de plus en plus mal cette situation de non droit."
"N'importe qui peut voir ces pièges depuis la route, l'impunité perdure ! C'est l'Etat qui est responsable, je suis sidéré que le ministère de l'Ecologie ne bouge pas alors qu'il sait très bien que ça existe et que la loi sur la biodiversité est en plein débat au Parlement", s'est insurgé le président de la LPO, Allain Bougrain-Dubourg, dénonçant un "décalage entre le discours officiel et la réalité de terrain", rapporte l'AFP.
Un braconnier, Jean-Marc Dutouya, a été pris en photo en slip en train de donner des coups de pelle aux militants de la LPO : une scène ubuesque qui a rapidement été caricaturée sur le web. Le propriétaire des lieux devrait, quant à lui, déposer plainte pour violation de propriété.
Mais la LPO précise que "à aucun moment les responsables de la LPO n'ont violé de domicile privé au sens juridique du terme. À aucun moment, ils n'ont passé une barrière, ni passé outre un panneau d'interdiction. Ils se sont rendus dans un champ libre d'accès, entre deux maisons éloignées d'une centaine de mètres et chacune bien close par un grillage."...
Pour dénoncer la complaisance des autorités, la LPO avait lancé une pétition de grande ampleur intitulée « Mettons fin au massacre illégal des oiseaux familiers » qui a dépassé les 321 000 signatures.
Le verdict de cette affaire a été rendu le 1er décembre 2016 : "chaque braconnier est condamné à 1000 euros d'amendes, plus ou moins recouvertes de sursis, et à verser 300 à 400 € de dommages et intérêts à la LPO qui s’était constituée partie civile. Les juges ont également ordonné des retraits de permis de chasse pendant trois mois.", indique la LPO qui souligne que "si les montants semblent dérisoires comparés aux plafonds des condamnations prévues par la loi (jusqu'à 150 000 € d'amende et 2 ans d'emprisonnement), ces condamnations sonnent le glas d'une soi-disant « tolérance » de la part de l’État vis-à-vis de ces pratiques délictuelles d'un autre âge.
Ces condamnations ont été confirmés par le Tribunal correctionnel de Dax le 13 avril 2017. La LPO souligne que "les différents témoignages avaient mis en lumière un système complet de pression politique au plus haut niveau, de compromission, de consignes orales transmises par l’association des chasses traditionnelles à ses membres lors de l’Assemblée générale de 2016."
L'homme qui brandissait une pelle, comme son frère, ont été condamnés à 800 euros d'amende pour les violences (sans retrait du permis de chasse). Le fils de Jean-Marc Dutouya a été condamné à 400 euro d'amende. Tous les trois devront également verser des dommages et intérêts à la LPO et France Télévisions, de 131 à 3 000 euros.
De plus, par un arrêt rendu le mardi 14 mai 2019, la Cour de cassation a confirmé la condamnation des 11 braconniers d'ortolans. Comme pour 11 autres chasseurs landais précédemment condamnés, et dont les pourvois en cassation avaient été rejetés le 16 octobre 2018, la Cour a de nouveau conclu au rejet des pourvois, et les condamne chacun à verser 500€ de dédommagement à la LPO. Elle confirme à nouveau que la « tolérance » qui avait servi de prétexte aux exactions des braconniers pendant des décennies n’a pas de fondement juridique. "Les soutiens et complicités politiques dont ont bénéficié les braconniers pendant trop longtemps, et encore récemment, ne protègent pas les actes délictuels", souligne la LPO.
25 millions d'oiseaux chanteurs tués chaque année dans le bassin méditerranéen
BirdLife International, une fédération internationale d'association de protection des oiseaux a récemment publié un rapport scientifique intitulé 'The Killing', qui fait l'état des lieux des tueries illégales d'oiseaux dans le bassin méditerranéen. Et les résultats sont édifiants : malgré qu'ils sont intégralement protégés, chaque année, environ 25 millions d'oiseaux sont massacrés illégalement pour satisfaire les intestins et les loisirs de certaines personnes. Englués, piégés, empoisonnés, tirés à vue... Voilà comment finissent ces petits oiseaux qui égayent pourtant nos villes et campagnes.
Ce massacre est principalement perpétré en Egypte, à Chypre et en Syrie qui totalisent plus de 12 millions d'oiseaux tués chaque année. Mais aussi en Italie, le pire pays européen sur la question : 5,6 millions d'oiseaux y sont tués chaque année ! On pourrait retorquer que cette pratique est multi-séculaire, peut-être, mais elle prend des proportions insoutenables depuis quelques décennies au point que les populations de 40 oiseaux chanteurs et migrateurs sont en déclin en Europe alors qu'ils étaient auparavant abondants...
La France : une honte pour la protection des oiseaux
Soulignons que la France, toujours prompte à faire la morale et à se pavaner sur les questions de respect de l'environnement, fait pourtant partie des 10 pays du bassin méditerranéen où le taux de braconnage est le plus élevé selon BirdLife International. Ainsi, sur le territoire métropolitain, entre 149 000 et 895 000 oiseaux sont tués illégalement chaque année. Pour quelles raisons ? La perpétuation de traditions morbides et futiles, pour le plaisir gustatif et celui d'ôter la vie à un être plus fragile.
En France, c'est le piège qui tue le plus d'oiseaux. Sur les 349 espèces d'oiseaux connus en France métropolitaine, près d'un tiers sont tués en grand nombre et en toute illégalité : pinson des arbres (Fringilla coelebs), rougegorge familier (Erithacus rubecula) et bruant ortolan (Emberiza hortulana) sont massacrés massivement. La France fait partie des trois pays qui tuent le plus de pinsons des arbres sous prétexte que ce petit oiseau de seulement 20g constitue un met de choix...
L'Association pour la Protection des Animaux Sauvages (ASPAS) prend le cas du "très lucratif du bruant ortolan (Emberiza hortulana). Cet oiseau qui pèse de 20 à 27 grammes, est un grand migrateur. Piégé dans les Landes, il arrive du nord de l'Europe pour aller hiverner en Afrique tropicale. Il a besoin de milieux semi-ouverts pour se reproduire. Mais la transformation des milieux agricoles, un peu partout en Europe, a considérablement fait chuter sa population au cours des dernières décennies.
Cependant, depuis plusieurs années et à la demande de quelques élus influents, une tolérance totalement illégale, permet aux braconniers landais de capturer vivant ce migrateur lors de son long voyage. Tous les pauvres oiseaux attrapés sont ensuite engraissés pendant trois à quatre semaines, dans le noir complet, pour être finalement noyés dans un verre d'Armagnac. Puis ils seront vendus environ 100 € pièce à des restaurateurs ou autres réseaux qui alimenteront, pour bien plus cher encore, les tables des plus fortunés. Enfin, ces oiseaux seront avalés entiers dans un pseudo-rituel ridicule.(...)
Le bruant ortolan est alors officiellement protégé en France. Officiellement, mais pas sur le terrain. Il est de notoriété publique qu'il existe un pacte de tolérance entre la fédération des chasseurs des Landes et les autorités françaises, qui « autorisent » les braconniers à tendre leurs matoles (pièges supposés traditionnels). Quelque 50 000 ortolans seraient ainsi braconnés chaque année dans ce département, soit 10 fois plus que la population totale de l'espèce en Allemagne, Hollande et Belgique réunies !"
Dans tous les cas, "le braconnage organisé a été mis à jour. Son caractère délictuel est avéré, autant que le mauvais état de conservation de l’ortolan. La LPO sera présente durant l’automne 2017 dans les Landes pour vérifier que ces pratiques délictuelles ont bien cessées." conclut la LPO.
Début août 2017, le nouveau ministre de l'environnement, Nicolas Hulot, "a donné instruction au préfet des Landes de renforcer toutes les mesures de surveillance, de contrôle et de verbalisation, tant à l’égard des braconniers que des intermédiaires qui se livreraient à un trafic, et de n’accorder, comme l’an dernier, aucune tolérance aux pratiquants."