C’est Karol Wojtyla, le futur Jean Paul II alors évêque auxiliaire de Cracovie, qui distingue en 1960 dans Amour et responsabilité, la norme utilitariste de la norme personnaliste, en vue de définir une éthique sexuelle et conjugale. Pascal Ide reprend ces deux notions et les applique de manière plus générale à toutes les relations humaines. Agir selon la norme utilitariste, c’est utiliser l’autre pour son propre bien. Agir selon la norme personnaliste, c’est chercher le bien de l’autre pour l’autre. La première considère autrui comme un objet, un moyen, tandis que la seconde le voit comme un sujet, une personne. Or aimer, selon Karol Wojtyla, c’est traiter l’autre comme une personne, c’est vouloir son bien, c’est donc vivre selon la norme personnaliste : « L’amour est la seule attitude qui soit digne de la personne », écrit le futur Pape. Voilà pourquoi on ne peut à la fois utiliser l’autre et l’aimer véritablement. Pascal Ide propose donc un chemin pour purifier son amour de tout utilitarisme.
Une progression qui n’est pas simple dans la mesure où l’être humain est complexe. Il n’y a pas d’un côté les manipulés, et de l’autre les manipulateurs. Nous sommes tour à tour utilisés ou utilisateurs selon les situations. Dans un même couple, par exemple, le mari peut un jour faire preuve d’utilitarisme lorsqu’une tendresse ou une générosité soudaines envers sa femme cachent en réalité des attentes sexuelles. Et le lendemain, ce sera peut-être sa femme qui lui suggérera : « Peux-tu tondre la pelouse ? Cela t’aérera ! », faisant ainsi croire qu’elle prend soin de lui alors qu’elle recherche son bien à elle.