Ça commence souvent par une publicité sur Facebook ou un autre réseau social : un produit génial, dont les vertus sont vantées par des dizaines d'internautes dans les commentaires et une offre promotionnelle limitée dans le temps qu'il ne faut pas rater.
Les clients commandent et tombent dans le piège. Comme cet été avec le soutien-gorge Seinsafe, censé protéger contre… le cancer du sein. Rien de moins. Des dizaines de femmes ont commandé le sous-vêtement prétendument miraculeux au prix de 29,90 euros (« au lieu de 59,90 euros, livraison gratuite ! » vantait le vendeur). Certaines n'ont jamais rien eu. D'autres l'ont bien reçu mais ont immédiatement dénoncé sa médiocre qualité : le coût de fabrication ne devait pas dépasser pas quelques euros.
Saisie par des consommateurs lésés, l'association UFC-Que choisir n'a pas eu le temps d'agir pour faire respecter leur droit au remboursement dans le cadre du délai de rétractation. Le site Seinsafe avait fermé, laissant tout le monde sur le carreau.
Des prix variant du simple au décuple
Cet exemple n'est pas un cas isolé. Il illustre la pratique de plus en plus courante et souvent contestable du « dropshipping ». Il s'agit de sites d'e-commerce qui commercialisent des produits sans les avoir en stock. Pour gagner du temps et des frais d'entreposage, c'est le fournisseur ou le fabricant qui livre directement le client final, sans que celui-ci le sache d'ailleurs. Intéressante à la base, la pratique a malheureusement été dévoyée.
« Le dropshipping pourrait être légal mais dans la pratique, ça ne l'est quasiment jamais, note Cyril Brosset, journaliste spécialisé dans les nouvelles technologies à l'UFC-Que choisir. Le consommateur croit s'adresser à un site français mais en réalité, le marchand français n'a pas de fournisseur et se contente de transmettre la commande à un site chinois. De fait, c'est souvent vendu plus cher, c'est beaucoup plus compliqué pour le consommateur de renvoyer le produit et de se faire rembourser en cas de souci. »
D'ailleurs, si Seinsafe n'existe plus, son soutien-gorge est toujours en vente sur d'autres sites de dropshippers. Sans les propriétés anti-cancer mais avec les mêmes photos et des prix variant du simple au décuple.
La plupart des produits proviennent du site AliExpress
« Le dropshipping est une activité sur laquelle nous avons l'œil », ne cache pas Loïc Tanguy, directeur de cabinet à la Répression des fraudes. Au point que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a lancé une enquête nationale l'an dernier sur le sujet. Elle est toujours en cours.
« Intrinsèquement, c'est légal, note le responsable. Mais beaucoup de dropshippers ne sont pas très sains : ils n'informent pas bien les consommateurs, produisent de faux avis, utilisent le marketing de l'urgence qui pousse le consommateur à acheter vite des produits vendus pourtant bien plus chers que sur d'autres places de
La plupart des produits vendus par les dropshippers proviennent du site chinois AliExpress (groupe Alibaba), qui vend tout un tas de produits pour seulement quelques euros. « Les consommateurs français peuvent acheter directement sur AliExpress, rappelle simplement Yang Ning, le directeur général d'AliExpress en France lorsqu'on l'interroge sur la question. Les Français ne le savent pas assez et depuis un an, nous essayons d'y remédier. »
Pour éviter de payer un produit deux ou dix fois son prix (au mieux) ou de ne jamais se faire livrer (au pire), le meilleur conseil est de bien faire attention avant d'acheter. Car ensuite, c'est souvent trop tard. « Il faut globalement se méfier des très bonnes affaires qui cachent souvent de très mauvaises surprises, rappelle Loïc Tanguy de la DGCCRF. Il faut bien lire les conditions générales d'utilisation et prendre le temps de comparer avec d'autres produits similaires chez d'autres commerçants. »
Pour cela, voici une technique imparable : enregistrez la photo du produit convoité et entrer la dans le moteur de recherche inversé de Google Images. Apparaîtra alors la liste de toutes les utilisations en ligne de cette même photo. Vous pourrez ainsi voir si le produit est vendu ailleurs et à quel prix. Autre méthode, photographier l'article avec votre téléphone portable et le soumettre à l'application AliExpress qui vous permettra de le comparer aux 100 millions d'articles en vente sur la plateforme.