La Shoah, ou entreprise d'extermination des juifs d'Europe (1941-1945), est l'aboutissement de l'idéologie raciste et antisémite développée par Hitler, Führer de l'Allemagne. Elle se déroule en pleine guerre mondiale, tandis que l'Allemagne hitlérienne et ses alliés combattent le monde entier.
Il va porter à son paroxysme la rupture des Européens avec les valeurs chrétiennes, humanistes et philosophiques qui ont fait la grandeur de leur civilisation.
Adolf Hitler est le premier coupable de l'extermination des Juifs. Dès 1920, à son initiative, le petit parti nazi dont il a pris la direction projette d'attribuer aux Juifs le même statut qu'aux étrangers et de favoriser leur émigration.
Dans Mein Kampf (« Mon combat »), le livre qu'il écrit en prison en 1924 pour décrire son itinéraire et exposer son projet politique, le futur Führer s'épanche sur ses sentiments antisémites mais ne dit rien du sort qu'il réserve aux Juifs une fois qu'il serait au pouvoir. En 1928, il renouvelle le souhait de ne tolérer les Juifs en Allemagne « que comme des étrangers ».
Sauf en tordant les mots, on ne peut trouver dans Mein Kampf un projet d'extermination physique des Juifs. Hitler ne conçoit pas en effet de tuer tous les Juifs de la Terre, y compris ceux d'Amérique ou d'Afrique du Sud ! Il se satisfait donc de la perspective de chasser le demi-million de Juifs qui peuple l'Allemagne... Mais il oublie au passage que sa politique de conquête placera en son pouvoir les millions de Juifs polonais et soviétiques, sans possibilité de les chasser comme les précédents.
Quand Hitler prend le pouvoir en 1933, peu de gens prêtent attention à ses foucades antisémites d'autant qu'il y met un bémol après la journée de boycott des magasins juifs organisée le 1er avril 1933. En 1935, brutal changement de ton. Les lois antisémites de Nuremberg, principalement destinées à interdire les unions mixtes entre « Aryens » et Juifs, font remonter la pression.
Les nazis pratiquent dès lors un antisémitisme de plus en plus brutal sans toutefois organiser des meurtres systématiques.
Leur objectif est de pousser les Juifs à l'exil, autrement dit d'obtenir une Allemagne « judenrein » (vidée de ses Juifs). Dans l'Autriche, sitôt après son annexion, Eichmann l'applique avec une redoutable efficacité.
Sollicités par les nazis de trouver une « solution », les Occidentaux se réunissent à Évian en juillet 1938 mais c'est pour étaler leurs réticences à accueillir les candidats à l'exil (crainte du chômage...), ce qui déclenche l'ironie du Führer.
Toutefois, l'antisémitisme et le bellicisme désormais affichés sans vergogne par les nazis sont encore loin de faire l'unanimité parmi les Allemands...
Après les accords de Munich, au grand dépit de Hitler, beaucoup d'Allemands se réjouissent publiquement de ce que la paix a été in extremis sauvegardée. Le Führer, qui est, lui, déterminé à faire la guerre, souhaite reprendre la main.
L'occasion se présente avec un pogrom d'une extrême violence qui voit beaucoup d'Allemands basculer du côté du Mal. Ce pogrom, qui se déroule dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 - « NovemberPogrom » -, a été baptisé avec ironie « Nuit de Cristal » par les badauds berlinois par allusion aux nombreuses vitrines cassées.
Hitler pense dès lors en finir avec les derniers Juifs du Reich (300.000 en 1940) en les réinstallant à Madagascar ! L'idée ne scandalise pas outre-mesure les contemporains ; Staline n'a-t-il pas créé aux confins de la Mongolie une pseudo-République du Birobidjan pour ses propres Juifs ?
Le 30 janvier 1939, tandis que se fait jour l'imminence d'un conflit généralisé, le Führer évoque pour la première fois en public, devant le Reichstag (Parlement allemand), le projet d'exterminer les Juifs et non plus seulement de les chasser dans l'hypothèse où ils menaceraient son projet politique : « Si la juiverie internationale devait réussir, en Europe ou ailleurs, à précipiter les nations dans une guerre mondiale, il en résulterait, non pas la bolchevisation de l'Europe et la victoire du Judaïsme, mais l'extermination de la race juive ».
Aucun auditeur ne prend à la lettre le propos, d'autant que tout semble réussir au Führer avec l'occupation sans coup férir de la Bohême-Moravie, de la Pologne puis de la France.
Le traitement de la Pologne occupée s'avère très vite kafkaïen. Au printemps 1940, la plus grande partie est intégrés au « Nouveau Reich » avec l'objectif de la germaniser au plus vite. Quant au reste de la Pologne, autour de Cracovie, Varsovie et Lublin, elle est constituée en un « Gouvernement général », avec vocation de récupérer tous les Polonais et les Juifs restants.
Le 25 mai 1940, sur instruction de Hitler, le chef de la SS Himmler organise dans la Pologne occupée un « triage racial » en restreignant l'enseignement secondaire aux enfants « racialement purs ». Il s'agit de réduire les Polonais tant catholiques que juifs à l'état d'esclave.
La tonalité change au printemps 1941, quand l'Allemagne se retrouve en guerre contre l'Angleterre de Winston Churchill et l'URSS de Staline. Son gouvernement doit renoncer au projet « Madagascar ».
Himmler songe à regrouper les Juifs de l'Est dans des « réserves » autour de Lublin, dans le Gouvernement Général (ex-Pologne sous occupation allemande). Cette démarche reçoit un début d'application avec la ghettoïsation, à commencer par la ville de Lodz. Elle est officiellement justifiée par le souci de protéger les Juifs contre le typhus ! De fait, elle vise à accélérer la disparition des Juifs en exposant ceux-ci à la famine et aux exactions de toutes sortes.
A l'été 1941, lorsqu'est déclenchée l'opération « Barbarossa » contre l'URSS, quatre Einsatzgruppen (« groupes mobiles d'intervention » de la SS) suivent l'armée allemande en Pologne puis en URSS. Ils entreprennent de « nettoyer » l'arrière pour éviter que des francs-tireurs ne s'en prennent aux soldats. Pour cela, ils fusillent préventivement les commissaires politiques du parti communiste et les juifs en âge de combattre.
Très vite, dès le mois d'août 1941, avec l'encouragement tacite mais non formel des chefs de la SS, Himmler et Heydrich, qui multiplient les visites d'inspection sur le terrain, les Einsatzgruppen étendent leur action aux femmes et aux enfants juifs.
Les massacres par balles, souvent filmés et photographiés par les bourreaux SS eux-mêmes, prennent une dimension apocalyptique, comme à Babi Yar (Kiev) : 33.000 victimes en deux jours, les 29 et 30 septembre 1941.
Le commandant d'un Einsatzgruppe qui a participé précédemment, en Allemagne, à l'élimination par le gaz des handicapés mentaux, étend la méthode aux Juifs, au début en les asphyxiant avec les gaz d'échappement d'un camion. Il s'ensuit qu'à la fin de l'année 1941, 300.000 à 400.000 Juifs, hommes, femmes et enfants, ont déjà été assassinés de différentes façons sans qu'aucun projet planifié d'extermination n'ait encore été mis en oeuvre.
À ce moment-là, dans les plaines russes, la Wehrmacht piétine devant l'arrivée de l'hiver et la résistance des partisans. La défaite se profile à Stalingrad. D'autre part, les États-Unis entrent en guerre contre l'Axe qui réunit l'Allemagne, l'Italie et le Japon.
Appréhendant une nouvelle défaite après celle de 1918, le Führer éprouve le besoin d'engager totalement le peuple allemand à ses côtés. Alors prend forme le projet d'extermination totale des juifs d'Europe. Ce sera la « Solution finale de la question juive » (en allemand : Endlösung der Judenfrage).
Au vu de quelques correspondances de chefs nazis, il semble, selon différents historiens, que Hitler ait validé avec Himmler le principe d'une extermination systématique des Juifs le 9 novembre 1941, au cours d'une réunion privée. Ses aspects logistiques sont définis lors de la fameuse réunion de Wannsee, le 20 janvier 1942.
Outre son caractère inhumain et dément, ce projet a pour les militaires l'inconvénient d'employer des moyens de transport qui seraient plus utiles sur le front soviétique. Mais l'antisémitisme l'emporte sur le sens pratique chez Hitler et ses acolytes...
Foin d'empirisme ! Ils mettent sur pied une gigantesque organisation de type industriel qui va conduire à la disparition en moins de quatre ans d'un total de six millions d'innocents. Avant tout conçue pour exterminer les juifs d'Europe, elle va aussi être dirigée contre les Tziganes, du moins ceux qui sont restés fidèles au nomadisme (plusieurs dizaines de milliers de victimes), et même contre les homosexuels, tombés en défaveur au milieu des années 1930 dans les milieux nazis.
C'est ainsi qu'à l'est de Minsk (Biélorussie), les Einsatzgruppen poursuivent sans faillir les fusillades à ciel ouvert jusqu'en 1944. Du côté occidental, à l'ouest de Cracovie (Pologne), les nazis prennent davantage de précautions pour ne pas heurter de plein fouet l'opinion publique : ils mettent en place une puissante organisation logistique au centre de laquelle figurent des camps de travail forcé et des camps d'extermination avec chambres à gaz et fours crématoires dont Auschwitz est le cruel symbole. Dans la zone intermédiaire, entre Minsk et Cracovie, les bourreaux s'adaptent au contexte...
Des simples citoyens aux SS en passant par les soldats de la Wehrmacht, beaucoup d'Allemands se compromettent peu ou prou dans cet indicible crime. Environ 100.000 y sont directement associés dans un rigoureux fractionnement des tâches (recensement, regroupement, convoyage, élimination...) qui donne à chacun une perception limitée de sa responsabilité.
Malgré le secret dont elle est entourée, l'immense entreprise d'extermination des juifs est rapidement connue à l'étranger. Mais l'opinion démocratique se refuse jusqu'au bout à y croire tant les faits paraissent invraisemblables.