À minuit le 15 Nissan 2448 (1313 avant l’ère
commune), D.ieu donna le coup de grâce à l’emprise
égyptienne sur les Hébreux en tuant tous les
premiers-nés égyptiens, et la nation d’Israël naquit en
tant que peuple libre. Le moment est important : à deux
reprises,1 la Torah souligne que l’événement se
produisit exactement à minuit, et jusqu’à ce jour,
l’heure de minuit joue un rôle dans le renouvellement
de l’expérience de l’Exode lors du Séder que nous
célébrons chaque année la veille du 15 Nissan.
(Minuit est l’heure limite pour la consommation de la
matsa et des herbes amères ainsi que de la viande
du sacrifice pascal, et donc pour manger l’afikomane
qui représente de nos jours le sacrifice pascal à
notre Séder.)
Mais un événement peut-il réellement se produire
à minuit ? Il semblerait que non. Si minuit est la
ligne qui divise la nuit en deux, alors il ne s’agit pas
d’un laps de temps possédant une quelconque durée
. Quelle que soit la petitesse de la fraction de temps
que nous pourrions considérer comme occupant le
centre de la nuit, cette fraction pourrait elle-même
être divisée par deux – sa première moitié appartiendrait
alors à la première moitié de la nuit, et sa seconde
moitié à la moitié post-minuit de la nuit. D’ailleurs,
une traduction plus littérale des mots hébreux
ka’hatsot halaïlah, rendus ci-dessus par « à minuit »,
serait « lorsque la nuit se divise ». Comment, alors,
peut-on dire que quelque chose se passe au moment
où la nuit se divise ?
Le Midrash cite deux opinions quant à la nature de
la division de la nuit lors de cette première nuit de
Pessa’h en Égypte. Selon Rabbi Yichmaël,
« le Créateur de la nuit la divisa » ; selon
Rabbi Yéhouda ben Beteira, « Celui qui connaît
Ses temps et Ses moments la divisa. »2
Le sage du XVIe siècle Rabbi David ibn Zimra
(Radbaz) explique la signification des mots de
ces deux sages. Rabbi Yichmaël dit que D.ieu,
qui a Lui-même créé la nuit, le jour et le temps
lui-même, peut évidemment les manipuler à
volonté. D.ieu a littéralement divisé la nuit en
deux, ouvrant une étendue d’intemporalité entre
ses deux moitiés. C’est au sein de ce vide
temporel que D.ieu frappa les premiers-nés
égyptiens et qu’Il délivra les enfants d’Israël.
Rabbi Yéhouda, cependant, est d’avis que
D.ieu effectua l’Exode au sein de la dimension
naturelle du temps physique, et non dans une
réalité transcendant le temps. Ce que D.ieu fit,
c’est de coordonner Son action avec le milieu
exact de la nuit, de sorte que l’état initial s’acheva
avec la première moitié de la nuit, et l’état produit
par Son action commença avec le début de sa
seconde moitié. Et Il fut capable de faire cela
parce qu’Il connaît Ses temps et Ses moments
de façon absolue.
[En d’autres termes, chaque action consiste à
effectuer un changement d’un état A à un état B.
Donc, en vérité, aucune durée n’est requise pour
effectuer un changement, seulement un point dans
le temps pour marquer la fin de l’état A et le début
de l’état B. Mais comme aucun instrument matériel,
humain ou artificiel, ne peut mesurer le temps
avec une précision absolue, quand l’homme
chronomètre ses actes, il peut au mieux définir une
période de temps (qui peut même être très petite)
dans laquelle le changement se produira. En revanche,
D.ieu qui a une connaissance absolue de Ses temps
et de Ses moments peut positionner Son action
(dans ce cas, la mort des premiers-nés égyptiens et
le passage d’Israël de la servitude à la liberté)
avec exactitude sur la ligne qui divise la nuit,
effectuant un changement au point même qui
se situe entre les parties précédentes et
ultérieures de la nuit.]
Quel est l’intérêt de tout cela ? Pourquoi la plaie
des premiers-nés dut-elle se produire précisément
à minuit ? Et quelle est le sens de la divergence
d’opinions de Rabbi Yichmaël et de Rabbi Yéhouda ?
La dixième plaie
La mort des premiers-nés fut la dixième d’une série
de plaies infligées aux Égyptiens. Mais il y eut une
différence fondamentale entre cette plaie et les neuf
précédentes, une différence qui touche à la nature
et à la fonction mêmes des plaies.