Des manuels et des cahiers qui volent et s'écrasent sur les marches des rectorats, danse sinistre de papiers orchestrée par des professeurs ulcérés. La scène s'est répétée ces derniers jours, place de la Sorbonne à Paris, à Toulouse, à Clermont-Ferrand, à Caen et Versailles… Symbole fort télégénique, présage fort inquiétant aussi. Le nouveau bac, qui devient réalité cette semaine pour les 526 000 élèves de 1re générale et technologique, risque de passer un sale quart d'heure.
Une partie des enseignants vont boycotter les premières épreuves de contrôle continu, qui doivent être organisées dans chaque lycée à compter de lundi 20 janvier. « Leur capacité de blocage est réelle », prévient un proviseur de l'académie de Créteil, qui a demandé de l'aide aux inspecteurs régionaux pour organiser son examen d'anglais – les professeurs sur place ont refusé de choisir le sujet, « quitte à mettre en difficulté leurs élèves », regrette le proviseur.
Samedi, des incidents ont éclaté dans un lycée de Clermont-Ferrand, où des épreuves étaient organisées, et des élèves n'ont pas pu composer en raison de l'irruption de 300 militants à l'appel de l'intersyndicale CGT-Education. Un épisode qualifié de scandaleux par le ministre Jean-Michel Blanquer, interrogé ce dimanche au micro de « Questions politiques », sur France Inter. Jean-Michel Blanquer a dénoncé une minorité radicale en train d'essayer d'arriver à ce climat de tensions dont il dénonce les intentions politiques.
Si l'ampleur de la fronde s'explique en partie par un contexte explosif, dans une profession à bout de nerfs, elle répond aussi à l'enjeu de la réforme : une véritable révolution. Les lycées, qui ont déjà enterré les filières, en septembre, au profit de spécialités choisies à la carte, étrennent maintenant une évaluation calquée sur les partiels universitaires. « La France était atypique avec son modèle de baccalauréat. La réforme lui fera ressembler davantage aux autres systèmes », remarque Eric Charbonnier, expert des questions d'éducation à l'OCDE. Le bac Blanquer s'inspire en effet du lycée modulaire suédois, du bac en contrôle continu allemand, ou encore du grand oral italien.
Le Snes y voit la création de «bacs locaux»
Mais ce qui relève de la norme ailleurs, est ici une révolution. Le Snes, premier syndicat des professeurs du secondaire, multiplie les cris d'alarme sous le mot-clé Bacatastrophe. Pour lui, la réforme aboutit à des « bacs locaux » qui ne placeront plus toute une génération sur un pied d'égalité avant l'entrée dans le supérieur.
Unanime, le monde scolaire dénonce aussi la mise en œuvre de la réforme. Son organisation, fruit de compliqués compromis entre ministère et syndicats, s'avère bien loin de la « simplification du bac » promise au départ.