Quand nous étions enfants, on nous a peut-être dit :
« Arrête de faire l’idiot ! » Personne n’a jamais dit :
« Commence à faire l’idiot ! »
De sorte qu’en tant qu’adultes, agir de manière folle
peut sembler anormal. Mais parfois, la folie est le
meilleur moyen de se connecter à D.ieu
– une sainte folie. Tel est l’objet d’un discours que
le sixième Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef
Its’hak Schneersohn, se préparait à distribuer à
ses adeptes en l’honneur du yahrtseit
(anniversaire du décès) de sa grand-mère le
10 Chevat. Le Rabbi quitta ce monde ce même jour,
le 10 Chevat, avant qu’il ne puisse présenter le
discours, mais ses nombreux chapitres furent
développés par son successeur, Rabbi Mena’hem
Mendel Schneersohn, et continuent d’être étudiés
chaque année à cette époque à sa mémoire.
Agir de manière folle peut sembler anormal
Il peut nous sembler difficile, à nous qui avons mis tant d’efforts pour réprimer (la plupart (!) de) notre comportement puéril, de concevoir la folie
comme quelque chose de désirable et, oui, de
véritablement saint. Mais considérez seulement
le calibre des personnes qui furent accusées
d’agir avec folie. Aussi vénérables qu’elles fussent,
il fallut dans chaque cas à leurs contemporains une
validation divine de leur comportement indécent.
Rav Chmouel bar Its’hak dansait intensément lors des
mariages, son corps, ses mains et ses pieds volant
dans toutes les directions. Son manque d’inhibition
perturbait ses collègues. C’est certes une mitsva de
réjouir les jeunes mariés, mais ils estimaient qu’une
certaine tenue devait être conservée. Ils le
réprimandèrent : « Tu es une source d’embarras pour
les érudits de la Torah ! » Mais D.ieu approuva
ses facéties décomplexées. Lors de son enterrement,
une colonne de feu en forme de branche de myrte
séparait son cercueil des gens qui l’escortaient.
C’était une justification claire de son
comportement « fou ».
Le roi David fournit un autre modèle de joie désinhibée.
Des pas mesurés et des danses majestueuses ne
pouvaient contenir son extase devant l’Arche qui était
amenée à Jérusalem. Il volait, tournoyait et bondissait,
le faisant ressembler à un « stupide fou », selon les mots
de sa femme. Mais D.ieu était content de sa sainte folie.
Lorsqu’un prophète recevait la prophétie, il était appelé
« fou » parce qu’il était dans un état modifié de
conscience, un état dépouillé de son ego, afin que la
lumière de D.ieu puisse briller en lui. (Plus prosaïquement,
cela ressemble un peu à la façon dont les bouffons étaient
considérés comme des fous, et étaient donc capables de
dire la vérité sans censure aux dirigeants et aux dictateurs
les plus puissants.)
La sainte folie peut nous aider à contrer les effets
de notre comportement négatif.
Nos Sages nous disent qu’une personne pèche
seulement parce qu’un « esprit de folie »
(roua’h shtout) est entré en elle.
En d’autres termes, quand une personne pèche,
c’est un acte de pure folie. Quelle personne sensée
voudrait creuser un fossé entre elle et son Créateur ?
Quand nous péchons, c’est en raison d’une perte de
maîtrise de soi. L’impulsivité a gagné. Et, comme le
dit Maïmonide, quand nous voulons surmonter une
faiblesse, nous allons à l’extrême opposé. Ainsi nous
contrecarrons le roua’h shtout par le shtout dikedousha,
une « sainte folie » : nous nous abandonnons à la joie.
Nous avons subi une défaillance parce que nous
n’avons pas pris le temps de réfléchir. Alors maintenant,
nous passons de la sous-utilisation de notre cerveau
à un état supra-rationnel de sainte folie. Nous servons
D.ieu avec abandon, avec une joie effrénée, avec
une sainte démence.
Le pouvoir du messirat nefesh (le sacrifice de soi)
est une autre expression de la folie. Rationnellement,
il n’est pas logique qu’une personne soit prête à
abandonner sa vie, mais c’est pourtant ce que font
les Juifs. Au cours des siècles, d’innombrables Juifs
ont sacrifié leur vie plutôt que leur religion, à l’époque
de l’Inquisition, des Cosaques, sous l’oppression du
régime soviétique...
Comment avons-nous le messirat nefesh aujourd’hui,
dans notre société libre et démocratique ? En étant
disposé à renoncer à un certain confort pour le
service de D.ieu, même si cela signifie sacrifier une
partie de nos moyens de subsistance pour observer
le Chabbat ou renoncer à nos aliments préférés pour
manger casher.
De même, lorsque nous faisons un « acte de foi »
– en faisant taire l’esprit et en nous soumettant aux
pouvoirs infinis de D.ieu – nous pratiquons la sainte
folie. Nous pourrions penser : « Comment puis-je
faire cela ? Quelle personne saine d’esprit s’attendrait
au salut d’une source qu’elle ne peut pas voir ? »
Le cœur se contracte d’effroi. Mais nous transcendons
notre propre logique et nos propres états d’âme et
plaçons notre confiance en D.ieu. C’est dans cet esprit
que nous avons suivi Moïse dans le désert, et c’est
ainsi que nous vivons chaque jour : avec foi et confiance.
Richard Morris, un comédien professionnel qui était l’un
des auteurs originaux pour David Letterman, a décrit à
quel point ce fut difficile pour lui quand il a commencé
à observer le Chabbat. Ses performances les plus
importantes – et les mieux payées – étaient les
week-ends. « Comment vais-je survivre ? »,
s’inquiétait-il. Mais il fit le grand saut, et les bonnes
nouvelles sont qu’il réussit pleinement, financièrement,
professionnellement et spirituellement.
Nous pouvons rester bloqués dans nos capacités
limitées, ou avoir foi en Ses capacités illimitées. Il peut
sembler fou d’avoir la foi, surtout aujourd’hui. Mais la
folie est aussi la seule façon de nous connecter à D.ieu
– car aucun d’entre nous ne peut Le comprendre.
La Divinité Infinie est hors de portée de notre intellect,
au-delà de notre imagination, totalement incompréhensible.
Supprimez votre
« moi » de l’équation
Si nous sommes tous des fous devant D.ieu, comment
pouvons-nous savoir quel est le bon chemin ? D.ieu
a placé parmi nous Ses agents, les justes de chaque
génération qui nous guident. Ils peuvent nous dire de
faire quelque chose qui va à l’encontre de toute logique,
mais quand nous faisons un acte de foi, nous avons
la bénédiction du succès.
Alors, allez-y, soyez fou. Puisez-en la force dans les
comportements idiots et désinhibés qui furent rejetés
pendant votre enfance. N’ayez pas peur de manifester
votre joie. Réjouissez-vous avec les autres lors de
leurs célébrations. Réjouissez-vous avec la Torah à
Sim’hat Torah. Réjouissez-vous avec D.ieu chaque
fois que vous faites une mitsva.
Si vous avez de la difficulté à sortir de votre boîte,
supprimez votre « moi » de l’équation.
Rappelez-vous : nous pouvons servir notre petitesse
égocentrique, ou nous pouvons nous attacher
à Sa grandeur infinie.