Homélie du Père Gilbert Adam
"Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre."
Et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. Aimez vos ennemis afin de devenir fils de votre Père ! Jésus nous propose une nouvelle manière de voir qui nous rapproche de notre Père qui est dans les cieux. « Ce que je vous dis, » trouve une signification importante. C’est dans la filiation avec notre Père que tout ce que nous vivons prend son sens. Jésus peut dire « je vous dis, » car il vit et il est cette filiation véritable. Son œuvre de salut veut nous donner d’entrer dans cette filiation. Le secret de l’Evangile de Jésus est de nous faire accéder à notre propre filiation. A la suite de Jésus, nous sommes appelé à faire comme lui, à mettre en pratique cette reconnaissance du Père dans sa générosité. Ce n’est pas facile pour nous, "pécheurs," de ne pas riposter au méchant car nous sommes gouvernés par notre égoïsme et notre désir de dominer. Comment remédier au mal profond qui mine l’humanité ? C’est la Passion de Jésus et sa Résurrection qui nous ouvrira le nouvel Amour dont notre cœur a tant besoin. Jésus veut nous apprendre que la loi d’amour doit triompher sur la loi de réciprocité du mal.
"À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos ! Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. Quelqu’un te requiert-il pour une course d’un mille, fais-en deux avec lui. Pour « devenir enfants de notre Père » qui est aux cieux, il nous faut reconnaître la bienveillance de Dieu. Par un choix libre, désirer entrer dans cette bienveillance ! Nous ne savons pas y arriver sans l’aide de Jésus. « Sans moi, dit-il, vous ne pouvez rien faire ! » Pour faire cela, il nous faut nous aimer comme il nous aime. Il nous donnera son Esprit Saint. Jésus souhaite cultiver en nous la fraternité et l’amour. Ainsi germera la liberté spirituelle qui nous permet de nous affranchir du cycle infernal du mal. Nous comprenons que l’amour nous enjoint à aspirer au respect de nous-même et de notre prochain.
"En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?" Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. Nous entrons dans la contemplation de la générosité de notre Père. L’étendue de sa générosité veut s’etendre à notre propre vie. La recevoir, c’est nous donner à lui pour lui permettre de grandir en nous. Une porte s’ouvre pour nous dans le ciel, elle nous donne de pouvoir vivre en vérité ce que nous sommes, l’enfant bien-aimé du Père. La Parole de Dieu est vivante et vivifiante, elle accomplit en nous ce qu’elle énonce ! Qu’elle se réalise dans notre vie selon otre désir. Nous lui donnons notre consentement et nous nous prêtons à l’œuvre de salut opéré en Jésus. L’amour et le respect s’établissent dans notre cœur en allant bien au-delà des notions de bien et de mal moral. La haine et le mépris sont transfigurés dans la filiation avec le Seigneur Jésus. Nous contemplons la splendeur de notre Père afin qu’elle imprègne notre cœur.
moine et théologien
Centurie I sur l’amour, n° 17, 18, 23-26, 61 (Philocalie
des Pères neptiques ; trad. J. Touraille, éd. DDB-Lattès)