"En partant de là, Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu’on le sache. Car il les instruisait en disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. »
« Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger. » Jésus annonce que le Messie est livré aux mains des hommes. Cela déclenche une interrogation entre Jésus et ses disciples et entre les disciples eux-mêmes. Ce groupe a du mal à communiquer, à échanger. Jésus enseigne qu’il va souffrir : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. » Mais les disciples ne comprennent pas, ils n’osent plus interroger Jésus, ils se replient sur eux-mêmes. Ils ne se retrouvent qu’entre eux, loin des autres qu’ils rencontraient sur les chemins de jadis, ils se retrouvent également loin de Jésus qui les guidait et qu’ils suivaient de bon cœur. Jésus est « livré, » c’est l’expression que nous utilisons dans la célébration eucharistique : « La nuit même ou il fut livré. » Jésus connaît la décision qui est prise à son égard par les gouvernants religieux et civils. Jésus, qui sait ce qu’il y a dans l’homme porte ce rejet, et il est proche de ses disciples : « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu. » Nous pouvons imaginer l’angoisse dans laquelle il se trouve. Quand nous sommes dans une situation difficile, nous trouvons des amis avec qui partager ce qui nous habite.
« Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demandait : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Ils se taisaient, car, sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand."
S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Jésus connaît notre faiblesse, cette volonté désespérée de survivre par nous-mêmes. De même, dans ce contexte de crise, nous comprenons le surgissement de la question qui habite les disciples : Savoir qui est le plus grand. Les disciples sont désemparés, le groupe recherche ce qui lui permettrait de subsister, de garder sa hiérarchie, c’est une question de survie. En fait, en faisant cela, ils abandonnent Jésus, ils cherchent ailleurs leur salut. La Passion a déjà commencé. Jésus commence à être séparé, à être tué "spirituellement" par les siens. A la maison, lieu reconnu de tout le groupe, où ont été vécues l’amitié, la joie, l’espérance, Jésus reprend ce qui donne la vie à chaque personne et au groupe : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Il ouvre un chemin nouveau de service qui permet de sauver toute l’humanité. Le service n’exclut personne, l’offrande libre de soi est la réponse qui sauve, qui arrête la violence. Jésus, le premier, l’unique, le fils du Père, va devenir le dernier de tous, il ira jusqu’à se faire "Pain de vie."
« Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit : « Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille ne m’accueille pas moi, mais Celui qui m’a envoyé. »
Nous comprenons combien Jésus est vulnérable dans sa marche, combien il est sensible. Il se reçoit à la manière d’un enfant sans défense, il reçoit tout ce que l’humanité lui fait subir. Jésus donne ainsi un nouvel enseignement concret : « Prenant alors un enfant, il l’embrasse. » L’enfant est réceptif à l’amour que nous lui portons. Jésus embrasse cet enfant, il l’accueille tendrement, il entre en relation avec lui. Nous aimons la candeur d’un enfant, sa simplicité. Jésus est l’enfant du Père : « Celui qui m’accueille ne m’accueille pas moi, mais accueille celui qui m’a envoyé. » Nous demandons la grâce de nous ouvrir, de nous recevoir de l’autre, de faire confiance. Nous reconnaissons que nous ne pouvons pas nous sauver seul. L’Esprit-Saint, la lumière de Dieu accompagne Jésus vers son Père, il n’a rien à craindre. Jésus veut nous entraîner à sa suite dans cette vulnérabilité, dans cette petitesse de l’Amour infini. Il nous faut accueillir ce que nous sommes. « Ne craignez pas les hommes qui tuent le corps. Craignez plutôt celui qui a le pouvoir de tuer non seulement le corps mais l’âme. » Jésus nous montre ainsi le chemin, il nous indique comment le prendre.
carmélite, docteur de l'Église
(Œuvres complètes, Éd. Cerf - DDB 1997; p. 975-976)