27 Février 2020
"Je prie la Vierge en contemplant doucement la maternité spirituelle de Marie. |
Mais je suis reliée profondément à mes frères et sœurs en humanité." |
Sœur Emmanuelle était une femme d’action. Dans sa grande vieillesse, elle deviendra une femme de prière et de contemplation. Mais Jésus restera son plus grand amour !
Sœur Emmanuelle a toujours affirmé qu’elle n’était pas une mystique ! Dans sa bouche, « mystique » veut dire avoir des relations sensibles avec Jésus. Elle disait qu’elle n’était pas comme ceux qui sont en état d’exaltation quand ils prient. Pas du tout son cas ! Elle est très rationnelle et sa piété, dit-elle encore, est toute « déductive » : « Je constate que la vie passe, le fleuve coule. Si je n’avais pas Dieu qui me commande l’amour, il ne resterait rien, juste un peu d’eau salée » (Le paradis c’est les autres, Flammarion).
En entrant au couvent, Emmanuelle n’entend donc pas rester à méditer devant le saint sacrement… elle veut de l’action ! Mais de l’action pour une vie plus féconde, plus grande, et qui suppose chasteté et obéissance. Tout cela en vue d’aimer l’humanité dans le Christ ou si on préfère « d’aimer le Christ dans son humanité ». La prière d’Emmanuelle sera donc, dans les premières années de sa vie religieuse, et même bien après, pleine de l’amour qu’elle porte aux autres, aux enfants en particulier auxquels sa congrégation l’envoie. Car, c’est décidé, Emmanuelle part en Turquie ! Son bac philo en poche, elle sera pendant trois ans une maîtresse d’école parfaite pour les élèves pauvres et chrétiens des minorités grecques et arméniennes que les sœurs de Sion accueillent dans leur petite école gratuite d’Istanbul. Elle sera ensuite professeur de français au collège, et enseignera avec succès les jeunes filles musulmanes de bonne famille d’Istanbul. En 1937, elle prononce ses vœux perpétuels, malgré l’inquiétude de sa supérieure : « Vous êtes sûre ? Vous êtes si vivante ! » Mais Emmanuelle est sûre... Elle aime sa vie, elle aime ses élèves, elle aime son couvent, elle aime la messe et la prière avec ses sœurs. Emmanuelle est heureuse !
Ce bonheur dans l’action, dans le don de sa vie à d’autres, trouve son parachèvement au Caire, ou elle s’installe à 62 ans, âge officiel de sa retraite, dans un bidonville de chiffonniers. Emmanuelle a alors la confirmation de sa vocation : rejoindre les plus pauvres, comme le père Damien qui avait enthousiasmé son enfance. Le Christ lui apparaît alors dans ces enfants sales et misérables, dans ces femmes battues et toujours enceintes, dans ces hommes qui n’ont rien. La messe quotidienne, à laquelle elle tient tant, soutient sa prière. Jésus est là, elle en est certaine ! Cette vie dans les bidonvilles du Caire sera la grande aventure de sa vie. Elle va réussir l’impossible en faisant construire des écoles, des maisons et des dispensaires, bientôt soutenue par des dons venus du monde entier. Entre-temps, elle fonde une association, «Les amis de sœur Emmanuelle», qui deviendra en 2005 «ASMAE - Association Sœur Emmanuelle», qui aide aujourd'hui plus de 60 000 enfants de par le monde.
C’est dans sa vieillesse que la prière d’Emmanuelle se transformera. Revenue en France, en 1993, un peu contre son gré avouons-le, elle devient au fil des années qui passent une « sœur orante ». Riche de ses expériences, elle vit sa vieillesse comme un accomplissement. « Avant, j’étais aspirée par l’action, maintenant je me laisse aspirer par le silence et la sérénité ». Tout devient plus simple, tout se purifie. Dans son testament spirituel terminé juste avant sa mort en 2008, elle fait état de cette joie qui l’habite. Par la prière, le souffle de Dieu remplit son cœur.
https://youtu.be/vI6aJlLQ_c8Je crois à la communion des âmes
Je prie la Vierge en contemplant doucement la maternité spirituelle de Marie. J’unis ma prière à la sienne. Je fonds mon esprit dans sa lumière. Je joins mon cœur au sien. C’est un cœur à cœur ininterrompu.
Avec Marie, je me sens en relation avec ceux qui souffrent. Je ne dirais pas que je me sens responsable de ceux qui souffrent, ce serait trop fort. Mais je suis reliée profondément à mes frères et sœurs en humanité. Nous sommes unis dans une intimité particulière qui est celle de la prière.
Testament spirituel, Presses de la Renaissance
Être et avoir, d’Yves Duteil, extrait de Dans l’air des mots, Bayard Musique.