Or le Catéchisme de l’Église catholique met les points sur les i : « Le mensonge est l’offense la plus directe à la vérité. Mentir, c’est parler ou agir contre la vérité pour induire en erreur celui qui a le droit de la connaître. En blessant la relation de l’homme à la vérité et au prochain, le mensonge offense la relation fondatrice de l’homme et de sa parole au Seigneur ». Et si on osait un peu de vérité sur le mensonge ?
Si le mensonge est universel, certains mentent néanmoins plus que d’autres. Qui croire ? L’ère de la grande défiance est arrivée. « On n’a jamais menti autant que de nos jours, affirme Alexandre Koyré. Ni d’une manière aussi éhontée, systématique et constante. » N’omettons pas non plus les fausses informations qui circulent sur les réseaux sociaux, en fournissant des rumeurs et des accusations infondées. En mars 2018, des chercheurs de Cambridge ont publié une étude démontrant que les fausses informations courent plus vite que celles qui sont vérifiées, car le ragot et la rumeur attirent le chaland.
« Je vois le mensonge comme un mal nécessaire qui contribue à l’harmonie sociale. Mais la vertu réside bel et bien dans la vérité et l’honnêteté », soutient le psychologue québécois Jean Gervais. Ouf ! Cela dit, si toute vérité n’est pas bonne à dire, il faut tenter de dire la vérité… mais pas n’importe comment, ni forcément à tout le monde. La vertu de prudence demeure indispensable : la vérité, privée de sa sœur, la charité, est souvent intolérable. La vérité sans la charité blesse.
Un paradoxe brûlant demeure entre cette normalisation du mensonge et le besoin de vérité qu’exige toute vie sociale. Nos contemporains sentent confusément qu’on ne peut être heureux ensemble si chacun ment. Lorsqu’on ne peut pas se fier, on se défile… Notre bonheur relationnel dépend de la franchise et de l’honnêteté de notre entourage, que cela soit celle de notre conjoint, employeur, percepteur, baby-sitter, ami de cœur, collègues de bureau, caissière, postière, vicaire, plombier ou électricien. Le mensonge qui blesse le plus est celui qui vient de notre prochain : époux, épouse, enfant, voisin, parents… « Plus nous sommes proches d’une personne, plus nous nous sentons trahis si nous découvrons qu’elle nous ment », souligne la psychologue Marie-France Cyr, qui identifie deux sortes de mensonges, différents par l’intention qui les porte. Il y a le « mensonge par besoin de protection », motivé par la délicatesse, voire la charité. Et le « mensonge de faire-valoir », motivé par l’orgueil, l’égoïsme, la vanité, la lâcheté, la cupidité… Les deux pouvant bien sûr cohabiter.