Entretien réalisé par Fausta Speranza - Cité du Vatican
Des centaines de personnes manifestent chaque jour au Liban, dénonçant la mauvaise gestion de la crise économique majeure qui frappe le pays. La semaine dernière, la monnaie libanaise a franchi le seuil de 5.000 livres pour un dollar. Le gouvernement, réunit en urgence, a alors annoncé l'injection de billets verts sur le marché pour faire baisser le taux de change et enrayer la flambée des prix. Les autorités tablent sur une inflation de plus de 50% pour 2020.
Le cardinal Raï décrit «une période très critique pour le Liban». Il y a beaucoup à faire sur le plan politique, économique et financier, reconnait-il, mais «nous sommes convaincus que la main de Dieu nous protège». Les jeunes qui manifestent, précise le patriarche d’Antioche des Maronites, sont des chrétiens et des musulmans qui ne se connaissent pas mais se retrouvent ensemble pour réclamer les mêmes droits. «Ils ont faim, ils sont sans travail et sans avenir».
«Nous comprenons et soutenons cette révolution positive des jeunes», déclare le cardinal Raï, tout en déplorant «qu’il y ait des groupes qui s’infiltrent parmi les jeunes, envoyés par des agents politiques pour défendre leurs propres intérêts et qui créent le chaos, détruisent et cela viole le vrai visage de la révolution».
Les forces politiques libanaises sont ainsi appelées à s’unir afin de trouver une solution pour le pays et le cardinal Bechara Boutros Raï exhorte à ne pas «rester dans la critique, ou dans l’attente de la chute du gouvernement ou du pays». «Nous avons beaucoup de réserves, affirme t-il, vis-à-vis de tous les politiciens et partis politiques qui ne font rien pour l’unité et la reconstruction du Liban»
Dans un pays où près de 50% des habitants vit sous le seuil de pauvreté et plus de 35% de la population active est au chômage, l’Église s’organise. Elle vient en aide au peuple libanais, et notamment aux familles qui sont très nombreuses à souffrir des conséquences de la crise, à travers une chaine de solidarité sur tout le territoire, «afin que personne ne meurt de faim», indique le cardinal Raï.
Le pays vit actuellement la pire récession depuis la fin de la guerre civile (1975-1990). La crise économique a été le déclencheur, en octobre 2019, d'un soulèvement populaire inédit contre la classe politique, quasi-inchangée depuis des décennies et accusée de corruption, de népotisme et de clientélisme. Surendetté et en défaut de paiement depuis mars dernier, le Liban a demandé fin avril une aide du FMI dans l'espoir de sortir de l'ornière.