Cyprien Viet – Cité du Vatican
Alors que la pandémie de coronavirus se poursuit et que des rumeurs de reconfinement plus ou moins strict selon les régions continuent à agiter l’actualité en France et dans de nombreux pays, une relecture spirituelle du confinement vécu par l’ensemble de la population française de mars à mai 2020 peut aider à se situer comme chrétiens dans ce contexte déstabilisant, angoissant, paradoxal, qui empêche de nombreux contacts pourtant naturels et vitaux, notamment les gestes de tendresse précieux dans les échanges entre petits-enfants et grands-parents.
Le père David Lerouge est le curé de Saint-Pair-sur-Mer, une localité normande située dans le département de la Manche, dans le diocèse de Coutances. Dans un ouvrage intitulé Il y eut un matin (publié aux éditions du Signe, avec une préface de son évêque, Mgr Laurent le Boulc’h), il reprend les messages adressés à ses paroissiens et à ses amis sous forme de mails rédigés chaque matin à l'aube, et illustrés avec une image prise par ce passionné de photographie, souvent depuis le presbytère de cette ville située en bord de mer. Apprendre à regarder, à observer, à ressentir, est en effet pour lui une façon de discerner les signes de la présence de Dieu jusque dans les recoins les plus inattendus de la nature, de la vie quotidienne ou de la culture.
«Je me suis dit qu’il était plus simple d’écrire à des gens que de leur montrer par une vidéo ou par une messe filmée ce qu’on essayait de vivre, explique le prêtre normand. D’autant plus qu’il se trouve que j’habite seul dans ce presbytère et que cette messe filmée aurait donné un prêtre seul face à la caméra, ce qui n’était pas pour moi le bon signe de l’essentiel».
D’une façon qui pourrait sembler paradoxale, ce prêtre “connecté”, très actif sur Twitter, n’entrera donc pas dans la danse de la “virtualisation liturgique” observée durant cette période, porteuse de chances mais aussi de risques, car le christianisme ne peut se vivre pleinement par écrans interposés, sans incarnation. À ces propositions de substitution technologique, le père David Lerouge a préféré la sobriété de simples photos contemplatives et de textes qui, tout en faisant de nombreuses références à la vie pratique et à la culture populaire, constituent aussi des invitations à se nourrir de la Parole de Dieu.
À travers ces photos, il ne s’agissait pas de «rechercher la beauté pour elle-même», mais de «se demander ce qu’elle invite à vivre comme lien, comme relation». Dans cette perspective relationnelle, le confinement a été vécu comme une «catastrophe» car toutes les relations gratuites qui s’expriment dans une communauté chrétienne ont été sacrifiées. «Il faut absolument que l’on retrouve le sens du frère qui nous fait prendre soin de lui, lui permettre de nous écouter, et nous, de l’écouter. Le confinement a été très violent, car il a tout réduit à des intentions délibérées, quand il se passe tellement de choses dans le secret de nos cœurs et dans le secret de nos communautés», remarque le père David Lerouge.
Ce recueil, bien que se basant sur des messages spontanés qui n’avaient à l’origine pas vocation à former l’ossature d’une publication littéraire, apporte de nombreux éléments de réflexion sur la façon dont un curé de paroisse et, plus largement, un chrétien, peut et doit redimensionner sa vie en tenant des nouvelles contraintes induites par la pandémie de coronavirus. Ses mots donnent un relief spirituel à ce temps de désert relationnel, qui reste néanmoins une blessure douloureuse et une contradiction par rapport à la foi chrétienne, qui trouve sa dynamique dans le corps, dans la relation, dans la présence physique, à la suite de Jésus qui ne reculait pas devant le risque.
Le père David Lerouge revient sur la genèse de ce projet, et il nous dit ses interrogations face aux conséquences du nouveau mode de vie induit par le coronavirus et sur la façon d’appréhender, avec un regard chrétien, la relation et la communication dans ce nouveau contexte.