Ils sont de plus en plus nombreux à tirer la sonnette d’alarme, et, à parler, déjà, de troisième vague. Des économistes et des essayistes, comme Nicolas Baverez, parlent eux de l’hyperdette, voire de l’hyperfaillite. La planche à billets de la dette souveraine tourne à plein régime. Pour arrêter ces vagues successives, le gouvernement a décidé de reconfiner sa population. Conséquence, une grande partie de notre économie est à l’arrêt. La France vivrait-elle sa grande dépression ? Derrière ce sombre tableau, où la peur s’installe, des lueurs apparaîssent au bout du tunnel : celles de l’espérance, du digital et de Noël.
Depuis quelques mois, les CCI de France s’affolent. Les faillites sont reparties à la hausse. Elles avaient augmenté de 10 % en 2019. La raison ? Essentiellement, les manifestations des gilets jaunes. Lors de la première vague de Covid-19, l’assureur-crédit Euler Hermes avait déclaré que la hausse des faillites pourrait « atteindre +25% en France ». Avec la deuxième vague, la fonte des trésoreries des PME-PMI ne s’est pas interrompue. Le nombre de faillites pourrait doubler : de 50 000 à 100 000. Les petits commerces jugés non-essentiels, les bars, les restaurants, les hôtels, ont dû fermer. Les musées, les salles de cinéma, les théâtres aussi. Pendant ce temps, les transports en commun restent bondés. Le virus ne prend jamais le bus, ni le métro. Une partie de la France qui travaille et qui entreprend mange la poussière. Alinéa, André Conforama, La Halle ont dû déposer le bilan. Les enseignes françaises de l’habillement, et, de l’ameublement sont en train de mourir à petit feu. Au niveau Européen la situation n’est pas meilleure. Il y a quelques heures, la Commission Européenne s’inquiétait des dérives de nos déficits et de nos faillites. L’industrie aéronautique et celle de l’automobile sont sous perfusion. Dans le monde 193 aéroports (sur 500) seraient au bord du dépôt de bilan, selon l’association internationale non-gouvernementale, Airport Council International. Les aéroports français ne voient pas le bout du tunnel. Et, le chômage est reparti à la hausse.
+ 900 000 chômeurs en un mois
Les chiffres officiels de la forte augmentation du chômage sont tombés, implacables. Au premier trimestre, le nombre de chômeurs avait fait un bon de +23 %, selon Pôle Emploi. Plus de 8 millions de salariés ont ainsi été mis au chômage partiel, lors de la première vague. Ainsi, en Seine-et-Marne, le nombre d’inscrits sans aucun emploi a augmenté de + 15%. La région de France, qui aujourd’hui est la plus touchée par la seconde vague, est l’Auvergne-Rhône-Alpes, présidée par Laurent Wauquiez. Déjà au second trimestre une hausse du nombre de chômeurs de près de 27% avait été constatée, par rapport au premier trimestre. Qu’en sera-t-il au 31/12/2020 ? Globalement, pas un département Français n’est épargné par ce tsunami sociétal. Selon l’INSEE, « au troisième trimestre 2020, le nombre de chômeurs au sens du BIT atteint 2,7 millions de personnes en France (hors Mayotte), en hausse de 628 000 personnes. » Toutes catégories confondues, le nombre total de personnes sans aucune activité salariée pourrait dépasser les 6 millions en fin d’année. En même temps, pour bien appréhender la situation, il faut regarder du côté de la pauvreté. Le taux de pauvreté a atteint, lui-aussi, un record historique.
Le Secours Catholique et l’Eglise de France
Dans son dernier rapport, publié en novembre, le Secours Catholique interpelle sur l’état de la pauvreté en France. Les chiffres sont sans appel pour les 1,4 million de personnes, dont s’est occupée l’association en 2019, avec plus de 500 000 enfants concernés. Ils ne sont pas bons. La fin d’année risque d’être très difficile. Le rapport note que « leur niveau de vie n’a pas augmenté en un an. Il est stable à 537 euros par mois, soit un niveau inférieur de moitié au seuil de pauvreté ». La présidente du Secours Catholique, Véronique Fayet, explique que « l’aide pour pouvoir se nourrir demeure, après la demande d’écoute, la deuxième raison pour laquelle 1,4 million de personnes se tournent vers nous chaque année, c’est l’insuffisance des revenus». Du côté des départements qui ont en charge les bénéficiaires du RSA, leur nombre devrait augmenter en 2020 de + 10 à + 30%. Pour l’INSEE, la barre des 10 millions de pauvres devrait être dépassée cette année. Quel rôle l’Eglise joue face à cela ? Dans toutes les églises de France, dont les messes publiques sont interdites en raison de la Covid-19, ce dimanche 15 novembre est le dimanche de la journée mondiale qui leur est consacrée. Elle est, également, celle du Secours Catholique. Mgr Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence de Evêques de France (la CEF), qui avait déposé un référé liberté au Conseil d’Etat pour obtenir la liberté de culte, s’est exprimé sur le sujet lors de la messe célébrée en privé dans la chapelle Saint-Sixte de Reims. Il a émis le vœu que « dans nos communautés paroissiales, nous puissions mettre les personnes pauvres au centre, et, recevoir ce qu’elles ont à nous apporter ».
Le Vendée Globe, Entourage et LinkedOut
Entre Grenoble et Paris, où il continue de se rendre, le fondateur d’Entourage a été pris de cours par le virus. Cette association créée il y a 6 ans, le 14 novembre 2014, vient en aide aux personnes déclassées socialement. Jean-Marc Potdevin a fait un pari audacieux, cette année, sans doute pour contrecarrer la pandémie. Il a misé sur le Vendée Globe, pour faire connaître son association et sa dernière application : LinkedOut. C’est le nouveau réseau social des personnes qui n’ont plus de réseau professionnel, et, qui n’ont plus de perspective d’emploi.
« Mon actualité ? répond-il, c’est le Vendée Globe et c’est LinkedOut. Grâce à notre partenaire Advens, qui sponsorisait déjà le bateau de Thomas Ruyan en 2016, nous avons eu l’opportunité d’être mis en avant dans cette belle aventure, que vient de rejoindre SwissLife France.
Alexandre Fayeulle, le Président-fondateur d’Advens, (NDLR : société qui est spécialisée dans la cybersécurité), un de nos partenaires, a décidé en avril, en plein confinement, de nous offrir la visibilité et le naming du bateau. C’est une surface médiatique incroyable. L’enjeu sociétal, c’est l’inclusion des personnes en précarité dans leur retour à l’emploi. Et, ça marche. Sauf, qu’au dernier moment, il y a eu ce reconfinement. Tous les évènements que nous avions organisés pour le départ du Vendée Globe, le dimanche 8 novembre, sont tombés à l’eau. Cela ne nous empêche pas de suivre la course de très près, et, d’avoir déjà des retours médiatiques incroyables. LinkedOut vise à remettre près de 100 personnes en grande précarité à l’emploi. » Jean-Marc, qui travaille deux jours par semaine chez Qapa, un cabinet de recrutement intérimaire, passe le reste de la semaine au service d’Entourage. Il est, plus que jamais, sur le pont.
« Des pans entiers de notre économie risquent de disparaître »
Des raisons d’espérerSur le reconfinement et ses conséquences, cet ancien Vice-Président Europe de Kelkoo, un comparateur de prix qui s’est revendu à Yahoo en 2004 pour plusieurs centaines de millions de dollars, reste prudent. Il a conscience que « des pans entiers de notre économie risquent de disparaître. Chez Qapa, qui a digitalisé toute la chaîne du recrutement-intérim la machine ne s’est pas arrêtée. Alors que le marché traditionnel de l’intérim, avec les agences physiques, a perdu entre 50 et 70% de son activité, nous avons eu une augmentation de notre activité. Je me souviens de la première semaine du confinement. Du 15 mars au 22 mars, nous avons réussi à répondre à la demande de magasins dans l’alimentaire, en mettant à leur disposition plus de 800 personnes. La première leçon qu’il faut retenir de tout cela : c’est la supériorité des modèles numériques sur les modèles traditionnels. Et la deuxième leçon, c’est qu’il faudrait que les 2/3 des commerces traditionnels se digitalisent. C’est une question de survie. » Jean-Marc et sa famille vivent dans un petit village au sud de Grenoble. Ce fan d’intelligence artificielle est rompu au télé-travail. Mais il se rend souvent sur Paris, pour rejoindre ses équipes d’Entourage. Plus loin, dans un autre univers, du côté de Laval, Philippe Royer est le dirigeant du groupe Seenergi, le spécialiste du conseil auprès du monde agricole. Il dirige, aussi, une librairie. Il est, enfin, le président des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens (les EDC), mouvement patronal national créé en 1926, qui regroupe plus de 3000 dirigeants.
Dans une interview longue qu’il nous a accordé, il alerte le gouvernement et ses concitoyens sur le risque de la fracture sociale. Il témoigne de ce qu’il a vécu dans son propre groupe : « l’impact du premier confinement a été réel mais supportable et nous étions prêts à faire face à un second confinement. Nous avions prouvé que les mesures de prévention sanitaire mises en œuvre avaient été efficaces.
Dans mon autre activité, la librairie, nous avons dû procéder au licenciement économique de 3 personnes. » En réponse à cette crise sanitaire, devenue économique et sociétale, au nom des EDC, il appelle les adhérents des EDC « au devoir de l’espérance, cette petite flamme parfois bien petite qu’évoquait Charles Peguy. L’espérance c’est de prendre conscience qu’en suivant le Christ, nous trouverons la paix et la consolation dans ces situations dramatiques pour certains et surtout que nous sommes appelés au salut et à la vie éternelle. Et cela doit nous donner une joie profonde qui nous permet de faire face aux épreuves. » Il a été choqué par les « élites de notre pays qui n’ont plus de considération et de compassion pour les plus fragiles. Il y aurait ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien. A une période où la France entière salue la mémoire du Général de Gaulle, il nous faut retrouver ce sens du peuple et cette capacité à se réconcilier. Notre société doit lâcher son idolâtrie matérialiste pour redevenir plus humaine et plus spirituelle. »
Jean-Marc et Philippe espèrent vivre les fêtes de fin d’année en famille. Avec comme point d’orgue, une valeur chrétienne qui reste populaire : la Messe de Noël.
Antoine BORDIER