25 Février 2021
Le 25 février 1117 meurt Robert d'Arbrissel, fondateur de l'abbaye de Fontevrault. Curieuse époque de foi, d'espérance et de misère que celle-là qui voit un va-nu-pieds fonder l'une des abbayes les plus prestigieuses d'Occident...
Le 25 février 1429, Jeanne d'Arc rencontre le roi Charles VII à Chinon. Venue tout droit de Vaucouleurs, aux marches de Lorraine, la jeune paysanne illettrée était attendue avec une certaine impatience et beaucoup d'appréhension.
Le souverain, désespérant de conserver sa couronne face à l'offensive des Anglais, n'attendait plus guère qu'un miracle. Aussi avait-il accueilli avec faveur la proposition de Robert de Beaudricourt, son fidèle prévôt de Vaucouleurs, de lui envoyer une jeune fille guidée par des voix célestes et ardemment désireuse de sauver le pays et la monarchie...
Deux rois pour un royaume
À la mort du roi de France Charles VI le Fou, en 1422, sa veuve Isabeau de Bavière a reconnu pour roi de France l'enfant de sa fille Catherine et du roi d'Angleterre Henri V. Son propre fils aîné, Charles, a été exclu de la succession en raison de son implication dans l'assassinat de Jean sans Peur, le puissant duc de Bourgogne.
La France se trouve donc avec deux rois aussi légitimes l'un que l'autre. Le jeune Henri VI tient sa légitimité du traité de Troyes. L'enfant règne sur Paris et le nord du royaume. Il est représenté sur place par son oncle Jean de Lancastre, duc de Bedford, et bénéficie du soutien de l'Église, de l'Université et du peuple de Paris. Il est également allié au puissant parti bourguignon.
Quant à Charles VII de Valois, fils de Charles VI et Isabeau de Bavière, il règne seulement au centre et au sud du royaume, essentiellement en pays d'oc. On le surnomme par dérision le « petit roi de Bourges ».
Il n'a ni argent, ni beaucoup de soutiens, mis à part les redoutables Armagnacs et quelques mercenaires de toutes origines, en particulier des Écossais, ardents à combattre les Anglais. Ses chefs de guerre et courtisans se déchirent en de vaines querelles, se disputant à qui mieux mieux les dépouilles du royaume. L'héritier des Valois est au bord du renoncement quand il rencontre Jeanne d'Arc.
La France de Charles VII et Jeanne d'Arc
La France de Charles VII et Jeanne d'Arc (1429)À la mort de Charles VI le Fou, en 1422, la France est une mosaïque de territoires, les uns soumis aux Anglais, les autres aux Bourguignons, les derniers enfin au Dauphin, futur Charles VII. Sans compter les provinces périphériques, aujourd'hui françaises, qui sont encore terres d'Empire (Lorraine, Provence...).
Noter à l'est de la Lorraine l'enclave de Vaucouleurs et Domrémy, dont le seigneur fait allégeance au Dauphin. De cette terre lointaine va surgir Jeanne d'Arc...
Jeanne et ses anges gardiens
Elle serait née le 6 janvier 1412 dans le ménage d'un prospère laboureur du nom de Jean Darc, à Domrémy (la famille sera en décembre 1429 anoblie par Charles VII et changera son nom en d'Arc).
Domrémy (Vosges) : la maison natale de Jeanne d'ArcEnclavé en Lorraine, terre d'Empire, ce village des bords de la Meuse relève du roi de France et de son représentant, qui réside à Vaucouleurs.
Quatrième enfant de la fratrie, Jeanne est éduquée dans la foi chrétienne par sa mère Isabelle Romée (ce surnom pourrait signaler un pèlerinage à Rome).
D'après ce qu'elle dira plus tard à son procès, elle entend pour la première fois, à l'âge de douze ou treize ans, dans la cour de sa maison, derrière l'église, une « voix » qui lui demande de « bouter l'Anglais hors de toute France » et de restaurer Charles comme seul roi légitime.
Interrogée sur la nature de la « voix », elle conviendra devant ses juges qu'il aurait pu s'agir de saint Michel, sainte Catherine d'Alexandrie et sainte Marguerite, des saints auxiliateurs honorés dans son village ou les environs.
Jeanne bergère (lettrine d'un manuscrit du XVe siècle, BNF)En attendant, jusqu'à son procès, Jeanne se garde d'évoquer une quelconque « voix » mais invoque une prophétie de l'époque d'après laquelle le pays, perdu par une femme (la reine Isabeau de Bavière, signataire du traité de Troyes), sera sauvé par une vierge venue des Marches de Lorraine (elle-même).
Avec l'aide de son oncle et en cachette de ses parents, la jeune paysanne se rend à Vaucouleurs, chez le capitaine des gens d'armes, Robert de Baudricourt, qui, dans un premier temps, la repousse avec hauteur.
Mais Jeanne s'entête, forte de quelques soutiens dans son village et alentours. Une légende ne dit-elle pas que la France, perdue par une femme (la reine Isabeau de Bavière) sera également sauvée par une femme ! L'époque, il est vrai, est fertile en légendes de ce genre et en faux prophètes...
La « pucelle» (jeune fille dans le langage de l'époque) revient à Vaucouleurs et supplie Robert de Baudricourt une deuxième, puis une troisième fois. Entretemps, elle a la douleur de voir son village mis à sac par une bande de soudards bourguignons ; ce drame ne fait que renforcer sa détermination.
À la troisième visite, elle ne réussit toujours pas à amadouer le redoutable capitaine mais un témoin de l'entrevue, Jean de Metz, se laisse impressionner et la mène à Nancy, auprès du duc Charles de Lorraine, malade, dans l'espoir d'une guérison miraculeuse. Jeanne, refusant d'intervenir, recommande seulement au vieux duc de quitter ses maîtresses et se remettre sagement en ménage avec son épouse.
Il est vraisemblable, si l'on en croit l'historien Philippe Erlanger, qu'à la cour du duc, elle rencontre René d'Anjou, beau-frère du dauphin et fils de Yolande d'Aragon.
Celle-ci, maîtresse femme, a épousé Louis II d'Anjou, grand-oncle du dauphin, et donné sa fille Marie en mariage à ce dernier, qu'elle aime comme son propre fils. Le dauphin lui rend son affection et l'appelle « bonne mère ». Yolande, douée d'un remarquable sens politique, a sans doute perçu tout le parti qu'elle pouvait tirer de Jeanne d'Arc d'après les compte-rendus qu'on dû lui faire son fils René et ses agents locaux.
Toujours est-il qu'à son retour de Nancy, Jeanne croise à Vaucouleurs un chevaucheur du dauphin, Jean Colet de Vienne, qui convainc Baudricourt de l'amener à Chinon. La population de la petite ville abonde dans le même sens et se cotise même pour offrir des habits d'homme et un cheval à la jeune fille.
Le départ a lieu enfin le 13 février 1429, à la porte de France. Robert de Baudricourt lui remet une épée avec ces mots : « Va, va, et advienne que pourra ! ». Jeanne, à dater de ce jour, choisit de revêtir ses habits d'homme et de se couper les cheveux. À cela une raison impérieuse : se protéger des hommes de rencontre et se faire respecter des soldats de son escorte et de ses armées futures.
Elle va voyager dans des conditions périlleuses, souvent en territoire hostile, le plus souvent la nuit et par les bois, accomplissant 500 kilomètres en onze jours, tout juste accompagnée de son frère Pierre, Jean Colet de Vienne, Jean de Metz et quatre autres personnes.
Tandis que la jeune fille quittait Vaucouleurs, le dauphin Charles connaissait un nouvel et humiliant échec avec la « journée des harengs ». Bien que supérieure en nombre, l'une de ses troupes était défaite par l'escorte d'un convoi de harengs destiné à ravitailler les troupes anglaises qui assiégeaient Orléans.
Dans cette situation devenue désespérée, Jeanne est attendue avec une impatience extrême.
Le 23 février, son arrivée à Chinon, qui a fait l'objet d'une intense publicité (peut-être par les agents de Yolande d'Aragon) se fait sous les acclamations. Avant l'audience, la Pucelle s'héberge chez un magistrat lié à la maison d'Anjou et Yolande d'Aragon. Sans doute à cette occasion lui apprend-on quelques bonnes manières et quelques secrets de la cour. On n'est jamais trop prudent...
Enfin arrive l'audience tant attendue. La jeune paysanne entre dans la grande salle, accompagnée du grand maître de l'hôtel du roi, le comte de Vendôme. Le roi l'attend, en petit comité. Elle fait sa révérence puis lui lance d'une voix claire : « Gentil Dauphin, j'ai nom Jeanne la Pucelle ; et vous mande le Roi des cieux, par moi, que vous serez sacré et couronné dans la ville de Reims (...). Baillez-moi gens pour que je fasse lever le siège d'Orléans et vous mène sacrer à Reims. C'est le plaisir de Dieu que nos ennemis les Anglais s'en aillent en leur pays ».
Elle amène ensuite Charles à l'écart. Dans le secret de leurs entretiens, elle lui confie sans doute que Dieu lui a pardonné le meurtre du duc de Bourgogne, sur le pont de Montereau, et qu'il est prêt à lui rendre son royaume. Elle l'assure aussi de sa filiation royale.
Le regard de Charles VII s'illumine. Convaincu par la foi de Jeanne, il accepte de lui confier quelques troupes, à charge pour elle d'aller délivrer Orléans au plus vite de l'assaut anglais.
La Pucelle doit au préalable se soumettre à Poitiers à l'examen de quelques docteurs et théologiens. L'un d'eux, origine du Limousin, demande à Jeanne avec son accent rocailleux :
« - Dans quelle langue s'expriment vos voix ? »
« - Meilleure que la vôtre ! » répond-elle avec humour dans son bel accent français de Lorraine.
Qui plus est, trois femmes déléguées par Yolande d'Aragon s'assurent de sa virginité pour écarter toute médisance.
Après ces formalités, la Pucelle se dispose à rejoindre l'armée réunie à Blois en vue de délivrer Orléans. L'enjeu est capital. La perte de cette ville entraînerait le franchissement de la Loire par les Anglais et la conquête des derniers territoires encore inféodés au dauphin.
Emblèmes johanniques
Avant le départ, le roi octroie à Jeanne Darc une escorte avec pages et héraut, comme à un véritable chevalier.
Jeanne, assez bonne cavalière, se fait également confectionner deux étendards sur lesquel sont figurés le Christ et deux anges, avec les mots Jésus Maria. Le premier brûlera accidentellement à Orléans ; le second sera piétiné et détruite à Compiègne. En attendant, il mènera les troupes à la victoire et aura l'insigne honneur de figurer auprès du roi lors de son sacre à Reims.
Par ailleurs, Jeanne demande que lui soit remise une épée qui lui aurait été recommandée par sa « voix ». Selon ses indications, le roi l'envoie quérir à Sainte-Catherine de Fierbois, au sud de Tours, près de l'autel du petit sanctuaire, où elle aurait été abandonnée en des temps anciens.
Jeanne va dès lors porter l'épée de Fierbois à la ceinture en se gardant bien de l'utiliser. Elle va toutefois la briser irrémédiablement peu après le sacre en voulant frapper du plat de l'épée une ribaude qui suivait les troupes. Chacun, le roi compris, ne manquera pas d'y voir un mauvais présage. Plus tard, après le siège raté de Paris, Jeanne, devenue chef de bande, aura moins de scrupule à utiliser une épée « de taille et d'estoc » au combat...
25 février 1803 : Recez de Francfort
Le 25 février 1803, la Diète de Ratisbonne, réunie par le Premier Consul Napoléon Bonaparte, adopte le recez de Francfort qui redécoupe l'Allemagne et entérine la déchéance du Saint Empire Germanique.
Le 25 février 1830 se déroule à la Comédie française, à Paris la plus fameuse bataille qu'aient jamais livrée des hommes de plume et des artistes ! Elle reste connue sous le nom de « bataille d'Hernani », du nom d'une pièce de Victor Hugo que l'on jouait ce soir-là pour la première fois...
Un jeune chef de file
Victor Hugo, alors âgé de 27 ans, est déjà un écrivain à succès. Il anime le Cénacle romantique, l'un des salons littéraires confidentiels dans lesquels se réunissent les jeunes romantiques en quête de gloire et de reconnaissance dans les années 1820.
Le Cénacle tient ses réunions chez Hugo lui-même, à Paris, rue Notre-Dame-des-Champs, dans la « chambre au lys d'or » (elle tient son nom de la fleur remportée par Hugo à l'âge de 17 ans aux Jeux Floraux de Toulouse). On y rencontre Balzac, Nerval, Vigny, Musset, Dumas, Sainte-Beuve, le peintre Delacroix, les frères Devéria, peintres, le sculpteur Pierre-Jean David d'Angers etc.
Le jeune Hugo lit lors de ces réunions ses œuvres poétiques. Il fait figure de chef de file et sa puissance créatrice suscite l'admiration de ses invités. La réunion du 30 septembre 1829 est consacrée à la lecture d'Hernani. Elle annonce la prochaine bataille.
On s'enthousiasme pour cette pièce qui brise les canons du théâtre classique et notamment les trois unités de temps, de lieu et d'action énoncées par Boileau sous le règne lointain de... Louis XIV. Elle raconte l'histoire d'amour malheureuse d'un proscrit, Hernani, pour une jeune infante, doña Sol.
Arrive le jour de la première, à la Comédie-Française. Puisque désormais, selon l'auteur, « il n’y a ni règles, ni modèles », les tenants de la tradition s'attendent au pire. Et ils ont raison : la pièce détruit méthodiquement toutes les conventions en matière d'écriture théâtrale : fini, le lieu unique, l'intrigue de 24 heures ! Les décors se succèdent, les personnages vieillissent de quelques mois en un entracte. La bienséance ? Ridiculisée par une armoire à balais où est obligé de se cacher le roi d'Espagne.
Le spectacle est dans la salle davantage que sur la scène, si ce n'est que l'héroïne, jouée par Mademoiselle Mars, écorche le célébrissime vers : « Vous êtes mon lion, superbe et généreux ».
La première d'Hernani, Avant la bataille (25 février 1830), Albert Besnard, Paris, Maison de Victor Hugo, RMN-Grand Palais, DR.
Le spectacle est dans la salle
Remontés à bloc, échauffés par de longues discussions préliminaires, les « Jeune-France » et « chevelus » romantiques du parterre, parmi lesquels se signalent Gérard de Nerval et Théophile Gautier, revêtu de son gilet rouge flamboyant, insultent copieusement les « perruques » et les « philistins » des tribunes qui restent fidèles aux règles classiques. Très vite, on en vient aux mains. On se bat et l'on joue du poing au milieu des fauteuils d'orchestre.
Victor Hugo, chef de file des « Jeune-France », assiste à la bagarre en gardant ses distances, toujours beau, élégant et strict.
Les lendemains sont plus tristes. Victor Hugo s'apprête à publier un roman à succès, Notre-Dame de Paris. Tout à son travail, il ne voit pas que les visites de Sainte-Beuve à son domicile ne sont plus guère motivées par les batailles poétiques !...
La Bataille d’Hernani, Jean-Jacques Grandville, 1830, Paris, maison de Victor Hugo. Sainte-Beuve, devenu l'amant d'Adèle Hugo, rompt avec son ami. L'amertume de ce dernier transparaît dans les intitulés de ses recueils de poèmes des années suivantes : Les feuilles d'automne, Les chants du crépuscule... Mais il ne tarde pas à prendre sa revanche avec l'actrice Juliette Drouet, qu'il rencontre à la faveur des répétitions de Lucrèce Borgia.
Le Cénacle se disperse mais la fabuleuse créativité littéraire des romantiques n'en est encore qu'à ses débuts. Elle s'épanouira sous le règne tranquille de Louis-Philippe Ier.
La révolution romantique ne se limite pas au théâtre. L'année d'Hernani (1830) est aussi celle de la Symphonie fantastique de Berlioz et du Rouge et le Noir de Stendhal... Et c'est aussi celle des « Trois Glorieuses », une drôle de révolution, sentimentale, violente... et réactionnaire, à l'image de nos poètes.
Hernani raconté par un témoin
Adèle Hugo, épouse du grand homme, était aux premières loges lors de l'aventure d'Hernani. Elle se souvient ici de l'arrivée tapageuse des partisans du dramaturge lors de la première représentation :
« Toute la bande entrée, la petite porte fut refermée. Voilà tous ces jeunes gens obligés d’attendre depuis 3 heures jusqu’à 7, sur leurs banquettes, sans pouvoir bouger. Sachant d’avance qu’ils allaient être mis sous le séquestre ils avaient fait provision de pain, de cervelas, de fromage, de pommes, de tout ce qui peut s’emporter dans les poches. Au moment qu’ils avaient arrêté pour leur repas, vers 5 heures, ils se mirent à cheval sur les banquettes et formèrent en se faisant vis-à-vis des espèces de tables.
Ils prolongèrent le plus longtemps possible cet attablement pour tuer le temps. Ils étaient encore à leur couvert quand le public commença à entrer dans la salle. Grande fut sa stupéfaction et celle des beaux messieurs et des belles dames en voyant ces individus barbus, chevelus, ayant poil partout sur la tête, dévorant de la nourriture, accroupis, à cheval, étendus sur les banquettes, tous dans des positions malséantes ou choquantes. Ces êtres ainsi tassés faisaient l’effet aux habitants des loges de boucs bivouaquant. Ce n’était pas tout : d’autres besoins que ceux de l’estomac s’étaient manifestés chez ces êtres insolites. Les ouvreuses, geôliers du plus secret endroit, n’étaient pas encore à leurs postes. Que faire ? Les prisonniers cherchèrent un lieu élevé, reculé, sombre, dans le théâtre, pour remplacer celui qui, par l’absence des ouvreuses, leur faisait défaut. Il s’ensuivit des accidents fâcheux pour les belles dames aux souliers blancs ou roses qui avaient leur loge au quatrième. […] Lorsque l'auteur se présenta chez son actrice avant le lever du rideau, comme c'était son habitude, Mlle Mars lui dit de cet air de maîtresse d'école revêche qui lui était particulier :
- Vous avez de jolis amis, monsieur, je vous fais mon compliment […].
- Madame, vous serez peut-être bien aise ce soir de trouver mes amis pour combattre vos ennemis. Ce soir, mes ennemis sont les vôtres ». (Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, 1863).
Le 25 février 1948, par le « coup de Prague », le président de la République tchécoslovaque, Édouard Benes, doit céder tout le pouvoir aux communistes et à leur chef, Gottwald, après deux semaines de pressions intenses des Soviétiques...
Mainmise sur une démocratie
De tous les pays d'Europe centrale qui ont été libérés des nazis et occupés par les Soviétiques, la Tchécoslovaquie était le seul qui avait une tradition démocratique et un parti communiste puissant. Celui-ci avait obtenu 38% des suffrages aux élections de 1946 et tenait une place importante au gouvernement.
En juillet 1947, le gouvernement tchécoslovaque accepte à l'unanimité l'octroi d'une aide américaine, dans le cadre du plan Marshall. Mais voilà que Staline y met son veto ! Il est vrai que les Tchécoslovaques n'ont guère la possibilité de lui résister, l'Armée rouge (soviétique) occupant son territoire depuis la chute du nazisme.
Là-dessus, à l'automne 1947, les communistes tchécoslovaques s'activent à tous les échelons. Ils font capoter un projet d'alliance avec la France. Le pays commence à s'isoler de l'Occident.
Une enquête policière met à jour des tentatives d'assassinat contre des dirigeants non communistes. Les communistes répliquent en dénonçant un complot de « fascistes slovaques » visant à assassiner le président Benès. Mais ils commencent à s'inquiéter d'un tassement de leur électorat.
Le ministre communiste de l'Intérieur place de jeunes militants à tous les rouages de la police. Par décret, il remplace d'un coup huit commissaires de police de la région de Prague. Jugeant que cela dépasse les bornes, les ministres non-communistes exigent le 17 février 1948 l'abrogation du décret.
Klement Gottwald annonce la prise de pouvoir de son parti à Prague, 25 février 1948Le 19 février, le parti communiste appelle ses militants à se mobiliser. Le lendemain, les ministres modérés du gouvernement mettent leur démission dans la balance en signe de protestation.
Le dimanche 22 février, tandis que le président Benès se repose à la campagne (!), plusieurs régiments de police marchent sur Prague, sur ordre du ministre de l'intérieur, et effectuent de premières arrestations.
Le mercredi 25 février, épuisé, le président de la République se laisse convaincre d'appeler Gottwald lui-même à former un nouveau gouvernement. La légalité est sauve. Dans les faits, il s'agit d'un coup d'État qui a pu réussir grâce à la naïveté des démocrates tchécoslovaques.
Le 30 mai suivant, des élections sur liste unique donnent près de 90% de suffrages aux communistes. Le 14 juin, Gottwald est porté à la présidence de la République.
Le ministre des affaires étrangères Jan Masaryk, fils d'un champion de l'indépendance de la Tchécoslovaquie (1918), est retrouvé mort sous les fenêtres de son appartement, le 10 mars 1948, sans doute tué pour s'être opposé au coup d'État. Édouard Benès, autre champion de l'indépendance tchécoslovaque, s'éteint le 3 septembre 1948.
Le pays plonge dans l'obscurantisme pour quarante ans, sauf une brève parenthèse à l'occasion du « printemps de Prague » de 1968.
Menace de conflagration mondiale
À l'Ouest, le coup de Prague est perçu comme un premier pas vers une troisième guerre mondiale. En Allemagne, les zones d'occupation alliées évoluent chacune de leur côté et Staline tente, mais en vain, d'asphyxier Berlin-Ouest par un blocus terrestre.
Le 4 avril 1949 est signé le traité de fondation de l' OTAN, alliance militaire de toutes les démocraties occidentales. La guerre froide entre dans une phase active et durera jusqu'à la fin des années 80.
André Larané
Le film des événements de Prague
Pour en savoir plus, rendez-vous sur : http://www.herodote.net/25_fevrier_1948-evenement-19480225.php
Le 25 février 1954, Gamal Abdal Nasser devient chef du gouvernement égyptien. Ce lieutenant-colonel de 36 ans avait, quelques mois plus tôt, renversé le régime corrompu du roi Farouk avec un groupe de jeunes officiers. Il est après Cléopâtre le premier chef proprement égyptien qu'ait eu le pays.