27 Avril 2021
Homélie du P. Boris Bobrinskoy
pour le Jeudi Saint 1996
Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit.
Mes amis, je voudrais vous redire les paroles du chant que vient
de chanter la chorale avant la communion :
« Fidèles, venons dans la chambre haute. Jouissons de l'hospitalité du Maître, de la table immortelle. Élevons nos cœurs, apprenons la Parole suprême du Verbe que nous exaltons ».
Dans toute la liturgie, nous sommes avec le Seigneur, à la fois
dans la chambre haute, devant la Croix et le tombeau vide, mais
aussi dans le ciel, où le Seigneur se tient à la droite du Père. Nous
pouvons être avec Lui par la communion eucharistique, car communier à la divine
Eucharistie, c'est communier au Saint Corps et au Saint Sang, c'est communier à la
présence vivifiante du Seigneur là où Il se trouve. Aujourd'hui, en ce Jeudi saint où nous
commémorons la Dernière Cène, aujourd'hui particulièrement, nous sommes avec Lui et
avec les disciples. – avec les Douze, qui comptent encore Judas –, dans la chambre haute,
là où le Seigneur, semblable à la Sagesse de l'Ancien Testament qui dressait la table et
invitait tout le monde (Pr 9,1-5), a dressé la table pour ses disciples et pour les disciples
que nous sommes, tous, jusqu'à la fin des temps.
Nous sommes là, au milieu des parois de cette chambre haute qui existent dans tous
les sens, dans le sens horizontal et dans le sens vertical, nous sommes présents, nous
aussi, partageant le pain, c'est-à-dire mangeant au Corps du Christ et buvant à Son Sang
sous les signes du pain et du vin que nous venons de goûter. Nous sommes là, avec le
Seigneur, écoutant Sa parole, écoutant Son dernier enseignement. Nous l'entendrons ce
soir en entier, lors de la lecture des douze Évangiles, nous entendrons Ses dernières
paroles qui sont à la fois un enseignement ultime sur la venue du Saint Esprit et une
consolation, parce que le Seigneur nous l'apprend : « il vaut mieux pour vous que je m'en
aille » (Jn 16,7). Ce départ du Seigneur est un départ qui jette les disciples dans
l'angoisse, dans une stupéfaction et une tristesse extrêmes, telles qu'ils ne savent plus où
ils sont ni ce qu'ils sont. Et lorsque viendra le moment de l'épreuve, ils se disperseront.
Mais ils se retrouveront ensemble avec la Mère de Dieu et avec les femmes auprès du
tombeau et ensuite auprès du Seigneur ressuscité.
Pour le moment, nous sommes encore au Cénacle, dans la chambre haute, là où le
Seigneur partage Sa vie même et nous donne d'être avec Lui dans une extraordinaire
ORTHODOXES DE LANGUE FRANÇAISE
FEUILLET DE ST SYMÉON
N°71 PÂQUES COMPLÉMENT 2021
douceur. Lui, comme le pasteur qui rassemble ses agneaux, Nous, qui sommes
maintenant les agneaux du Seigneur, puissions-nous nous purifier pour que justement
nous soyons parfaits, parfaits comme devaient l'être les agneaux que l'on menait au
sacrifice, parfaits, à l'image de l'Agneau divin lui-même. Puissions-nous purifier nos
cœurs et notre être tout entier pour être dignes d'être également présents devant la
Croix et devant le Tombeau. Que le Seigneur vous bénisse tous et vous donne de vivre
avec Lui ce temps, ce temps unique, ce temps de grâce, ce temps de force, ce temps de
lumière, ce temps de totale douceur.
Amen.
Homélie du P. Boris Bobrinskoy pour le Samedi Saint 1982
Mystère de la Passion
"Tout est consommé". Ces paroles de Jésus sur la croix peuvent être dites, sont vraies
pour chacun des jours, pour chacune des étapes du mystère de la Passion, de
l'ensevelissement et de la résurrection du Christ.
Tout est consommé déjà à la venue de Jésus sur terre.
Tout est consommé quand Il prend sur Lui l'Agneau sans tache, le péché du monde,
notre péché, nos péchés.
Tout est consommé quand Il part librement de l'enterrement et monte vers
Jérusalem, tout est consommé quand Il rompt le pain et partage le vin, le pain et le vin,
son propre corps et son sang avec ses disciples leur annonçant Sa mort, Sa Passion
prochaine et les consolant de cela en leur remettant Son Esprit Saint.
Tout est consommé quand Il se laisse saisir, quand Il se laisse battre et bafouer.
Tout est consommé quand Il tend ses bras sur la Croix et quand Il est écartelé par
amour pour les hommes, embrassant tous les hommes de tous les temps et tous les lieux
dans Son Amour.
Tout est consommé quand Il rend au Père Son Esprit et que par le fait même Il ouvre
les flots de l'Esprit, les flots d'eau vive pour la terre entière, cette terre qui était devenue
un désert et qui redevient verdoyante.
Tout est consommé lorsqu’Il descend aux enfers et lorsque luit là-bas la lumière
divine en un lieu qui était tout entier ténèbres extérieures.
Tout est consommé lorsque Jésus revient et nous manifeste déjà la lumière, à nous
qui sommes encore dans l'entre deux, entre l'enfer et le ciel ; non plus totalement dans
l'enfer mais pas· encore entièrement dans le ciel. Et nous sommes entraînés dans cette
montée, que Jésus anticipe pour nous, lorsqu'Il pénètre à la droite du Père dans Son
sanctuaire céleste et éternel avec notre nature humaine.
Tout est consommé aussi aujourd’hui maintenant dans cette église, dans ce Samedi
Saint où nous savons que Jésus est ressuscité.
Nous sommes déjà revêtus de vêtements blancs qui annoncent encore modestement
mais dans la certitude aussi entière que celle qui émanera de nous cette nuit de Pâques,
que Jésus est ressuscité et par conséquent il n'y a plus de mort, qu'il n'y a plus d'échecs,
qu'il n'y a plus d'impasse, qu'il n'y a plus de souffrance sans consolation, car notre seule
et vraie consolation, notre seule espérance c'est Jésus ressuscité dans l'Esprit Saint.
Amen.
Homélie du P. Boris Bobrinskoy pour la Nuit de Pâques 2007
Au cours de la nuit de Pâques des 7 et 8 avril 2007 à la paroisse de la sainte Trinité,
Père Boris prit la parole pour deux courtes interventions homilétiques, une première
fois lors de la veillée et une seconde fois après la liturgie pascale.
Avant la procession solennelle
Chers amis,
Tandis que nous attendons l’annonce de la Résurrection du Christ, j’aimerais dans un
premier temps mettre l’accent sur la dimension baptismale de l’événement que nous
vivons et vous rappeler qu’il n’y a qu’un seul baptême. En effet, il n’y a pas d’autre
baptême que celui de Jésus Lui-même comme le rappelle le Seigneur à Ses disciples
quand Il leur demande « Pouvez-vous boire la coupe que Je dois boire, ou être baptisés
du baptême dont Je dois être baptisé ? » Vous ne le pouvez pas pour l’instant mais « Il est
vrai que vous boirez la coupe que Je dois boire, et que vous serez baptisés du baptême
dont Je dois être baptisé ».
Il n’y a que le baptême du Seigneur auquel Il nous offre de participer. Le Christ ayant
été enseveli, par Sa mort et Sa résurrection Il nous a conféré ce grand mystère du
baptême pour qu’à Sa suite, nous puissions à notre tour y pénétrer.
Certes, nous avons été baptisés une fois pour toutes mais nous devons vivre et
revivre ce baptême de jour en jour, d’année en année, tous les jours de notre vie et bien
sûr en particulier dans ces jours saints et mémorables de la sainte Pâque du Christ.
Car aujourd’hui se réalise la parole du Christ qu’Il avait figurée par Son baptême dans
le Jourdain, Oui ! Aujourd’hui le Seigneur S’est immergé Lui-même dans l’eau
baptismale, Il est descendu dans les entrailles de la terre et Il remonte dans la vie
nouvelle. Son corps humain, Son corps périssable devient lui-même immortel et devient
pour nous gage d’immortalité.
J’aimerais vous dire encore que si, dans cette liturgie, nous sommes dès maintenant
en vêtements blancs c’est parce que nous vivons déjà une certitude bien que nous
n’ayons pas encore entendu la parole, le cri, le son de la Résurrection qui va bientôt
déchirer la nuit.
Nos vêtements liturgiques anticipent la Résurrection car nous savons que le Christ est
déjà vainqueur de la mort, nous en avons la certitude. Nous connaissons le sens profond
de la descente du Christ dans les antres de l’enfer, Il y est descendu non pas en
prisonnier ni en captif mais en vainqueur, et par conséquent, désormais se réalise en Lui
cette parole du chant de Pâques « Aujourd’hui tout est illuminé tout est rempli de
lumière »... la terre, les cieux et même les enfers sont illuminés. Tellement irradiés de
lumière qu’ils sont obligés de rendre leurs captifs.
Ainsi, pour notre vie entière, nous avons cette grande espérance que la résurrection
du Christ est déjà en marche et en œuvre, non seulement dans le monde, mais plus
encore dans nos vies et dans notre propre cœur à condition toutefois qu’à notre tour
nous coopérions à ce baptême du Christ.
Il faut bien sûr que nous sentions dans notre être que nous avons été baptisés du
baptême du Christ, que nous nous souvenions de notre baptême et que nous percevions
à quel point la dimension baptismale implique, conditionne et marque notre vie entière
Au plus profond de cette nuit puissions-nous vivre – avec encore un peu de patience –
dans l’attente de l’annonce en pleine lumière de la résurrection, où nous pourrons nous
réjouir, chanter et crier désormais que le Christ ressuscite et est ressuscité. Puissions-
nous vivre tous les jours de notre vie dans la même certitude et la même confiance
l’attente en la Résurrection.
Attendons encore mais vivons déjà cette résurrection dans le fond de notre cœur
pour notre vie entière
Amen
Puis, après la liturgie pascale.
Le Christ est ressuscité !
En vérité Il est ressuscité !
Mes Amis,
Je pensais ne pas parler, mais je dois admettre qu’il n’est pas possible de taire notre
joie. Il nous faut dire et annoncer à quel point cette Résurrection du Christ signifie pour
nous la promesse de notre propre résurrection, de notre propre vie. Il nous faut crier
notre joie car sans le Christ nous serions dans les ténèbres.
Rappelons-nous ce que nous venons d’entendre dans l’Évangile « et la Lumière luit
dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont point envahie ». Les ténèbres, en effet,
cherchent toujours à voiler, obscurcir, détruire mais la Lumière est la plus forte parce
qu’elle est la Vérité et la Vie. Et rappelons-nous aussi que cette lumière du Christ, cette
vie du Christ est déjà semée au plus profond de nos cœurs et même au plus profond du
monde.
On peut dire en effet, qu’au-delà des enfers, dans le noyau même de la terre, dans ce
noyau que nous pensons incandescent il y a une autre lumière, la lumière du Christ.
La lumière du Christ illumine tout et tous et donne à tous une espérance infinie : une
espérance de pardon, de résurrection et de vie éternelle.
Il en est de même dans nos propres cœurs : si nous sommes loin de Dieu, nous vivons
dans les ténèbres, et celles-ci nous inondent, nous submergent et nous pénètrent. Elles
nous envahissent pour nous saisir, nous éloigner et nous exiler dans la tristesse, le
dégoût, la nausée, le désespoir et le néant.
Voilà pourquoi il importe que nous retrouvions justement ce sens de la vie et que
nous choisissions la fidélité à la Lumière en nous greffant à notre tour au Christ. Nous
avons entendu ces jours-ci « vous tous qui avez été baptisés vous avez revêtu le Christ »,
c’est-à-dire vous avez été greffés en Lui.
Dès lors, le Seigneur nous marque, nous ravit, nous entraîne dans un chemin au-delà
de la mort car c’est dans Sa mort que nous avons été baptisés. Il nous conduit à la vie
véritable et ce sont véritablement des graines, des semences de résurrection qu’Il a déjà
jetées dans la terre de nos cœurs.
Bien souvent le Seigneur compare les cœurs humains à une terre ! Soit une terre
fertile soit une terre stérile, couverte de ronces. Mais c’est une terre qui peut être
régénérée et dont les ronces peuvent être arrachées. Ainsi, par la purification, par le
retournement profond de notre être, nous pouvons nous convertir et nous réorienter
dans le sens de la vie en retrouvant le Seigneur à la base et à la source de la vie, c’est
dire, en définitive : en rencontrant le Ressuscité, car il n’y a pas d’autre Christ que le
Christ ressuscité qui était mort et qui est vivant.
Oui ! Le Christ est vivant et Il marque notre vie entière. Ce mystère de la Résurrection
s’opère, se réalise et se vit de jour en jour, et d’année en année.
Aujourd’hui, nous vivons cette Pâque annuelle, mais n’oublions pas la Pâque
hebdomadaire, la Pâque du dimanche car il y a Pâque à chaque eucharistie. Et il y a aussi
Pâque à chaque moment de notre vie où nous cherchons le Christ, où nous Le
rencontrons et Lui disons que nous voulons L’aimer et Le servir car, alors le Christ
Ressuscité vient illuminer notre propre cœur.
Puisse cette Pâque être véritablement non seulement le symbole, le signe, le rappel
du sens même de notre existence mais encore le moteur, la motivation, l’orientation de
notre vie car notre existence est une marche.
Notre existence est, en effet, une marche vers le Royaume et, pour nous guider, nous
avons des lumignons, des lampes, des phares qui nous éclairent en la personne de la
Mère de Dieu, des saints, de ceux qui ont vécu cette résurrection du Christ et de tous
ceux qui en sont les témoins. Or, comme nous le chantons à chaque liturgie, comme nous
l’avons aujourd’hui chanté « ayant contemplé la Résurrection du Christ », n’oublions pas
que, nous aussi, nous sommes les témoins de la Résurrection du Christ.
Comment pouvons-nous contempler cette Résurrection nous qui sommes tellement
loin, deux mille se sont déjà écoulés ? Et pourtant, nous contemplons la Résurrection du
Christ, nous la connaissons, nous pouvons l’attester et la crier au monde avec une totale
certitude et une totale évidence.
Bien sûr, aux yeux du monde cette proclamation de la Résurrection peut paraître une
folie ou un scandale. Elle peut paraître une absurdité ou un non-sens pour un monde
rationnel et pour un monde entièrement voué à la quête de ses valeurs humaines. Et
pourtant, ce qui est folie pour le monde est sagesse pour Dieu. Ce qui est scandale pour
le monde est puissance et sagesse pour Dieu.
Par conséquent, nous devons tenir ce pari, accomplir ce saut, nous plonger hardiment
dans cette évidence profonde ; et si cette évidence nous pénètre nous pourrons la
proclamer autour de nous.
Voilà pourquoi dès à présent nous pouvons crier au monde avec certitude et dans la
joie :
Le Christ est ressuscité
En vérité Il est ressuscité.