5 Juillet 2021
Cette union entre les deux Églises a été promulguée au cours du concile de Bâle-Ferrare-Florence-Rome, concile dont la complexité, les péripéties et les tentatives de schisme menées par quelques prélats latins, nuisent à la connaissance de ce rapprochement historique. Pendant la tenue de ce concile qui s’était d’abord réuni à Bâle, une conjoncture favorable s’opéra pour une tentative de dialogue avec l’Église orientale (orthodoxe). En effet, l’empereur byzantin Jean VIII Paléologue et le patriarche Joseph II de Constantinople souhaitaient un rapprochement avec Rome. Le pape Eugène IV se saisit de cette opportunité et envoya une ambassade à Constantinople pour discuter des modalités d’un concile, véritablement œcuménique.
Les lettres de ces ambassadeurs soulignent l’enthousiasme des Grecs pour ce projet et décrivent les prières et les processions qui se multipliaient dans la ville en faveur de cette union. Les Grecs acceptèrent de se déplacer en Italie. Ils arrivèrent au mois de mars 1438 à Ferrare et la séance inaugurale du concile eut lieu le 9 avril. Étaient présents le pape Eugène IV, plus de 70 prélats occidentaux, l’empereur byzantin, le patriarche de Constantinople, les archevêques d’Éphèse, de Nicée et de Kiev, des représentants des patriarches d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem, ainsi qu’un nombre important de Pères abbés et de théologiens. Comme on le voit, les Grecs s’étaient déplacés en grand nombre, prouvant ainsi l’importance que revêtait pour eux cet évènement.
D’emblée le sujet fut clair : le concile qui s’ouvrait à Ferrare avait pour objet la question de l’union des Grecs et des Latins. En janvier 1439, le concile fut transféré à Florence pour des questions pécuniaires, la ville de Florence ayant proposé de supporter une partie des coûts financiers de la tenue du concile. Pendant les premières semaines, le Pape fit de nombreuses concessions sur des points annexes de protocole, car il désirait ardemment cette réconciliation et ne souhaitait pas la faire capoter pour des questions assez mesquines de simple préséance.
Le principal point d’achoppement entre les deux parties concernait la question dogmatique de la Procession de Saint-Esprit. Les Latins affirment que l’Esprit saint procède du Père et du Fils, ce qui est représenté par la formule filioque dans le Credo, et ce que justement les Grecs rejettent, considérant qu’il est suffisant de dire que l’Esprit saint procède du Père. Les discussions théologiques et patristiques sur ce sujet furent particulièrement épineuses. Les mois se passèrent sans qu’un accord ne semble possible. Plusieurs fois le concile fut au bord de la rupture, mais la ténacité du Pape et de l’empereur permit de toujours maintenir un lien diplomatique entre les Pères.
On a souvent accusé les Grecs d’avoir davantage recherché une aide politique qu’un accord doctrinal, en raison des menaces que les Ottomans faisaient peser sur l’empire byzantin. Certes, l’insécurité grandissante dans laquelle se trouvait l’empire leur faisait aussi espérer un soutien matériel de la part de l’Occident. Cependant, une très grande partie du haut clergé grec désirait ardemment le dialogue, et il serait réducteur, injuste et même erroné de dénier aux protagonistes de ce concile un sincère désir de réconciliation. On constate d’ailleurs que, malgré les incompréhensions et les tensions, les Grecs ne peuvent se résoudre à quitter la terre italienne et restent jusqu’à ce que l’accord soit trouvé. Un vrai travail de l’Esprit saint, selon toute apparence.
Pourquoi ce décret d’union tomba-t-il si rapidement en déshérence ? Plusieurs éléments viennent expliquer cet état de fait. De retour dans l’empire en février 1440, les Pères grecs n’ont pas tous eu la force de faire accepter cette union à un clergé local qui avait développé, selon Hubert Jedin, « une forte répulsion à l’égard des Latins ». D’autre part, l’invasion de l’empire byzantin en 1453 par les Ottomans détourna les priorités de l’Église grecque vers un sujet plus immédiat et plus urgent : la sauvegarde de la foi chrétienne dans un monde devenu hostile. Enfin, l’absence de réaction de l’Occident face à cette invasion alimenta une durable rancœur. Cependant, le chemin était tracé pour d’autres bulles d’union et, durant les années 1440, des accords furent signés avec les Arméniens, les Coptes, les Chaldéens, les Syriens et les Maronites.