28 Novembre 2021
La Floride connaît une mortalité sans précédent de lamantins cette année, avec 959 décès documentés au 1er octobre, un triste record. Selon les estimations de l'Etat américain, les décès devraient doubler en 2021, par rapport à 2020.
Dans les eaux qui bordent la Floride, c'est une hécatombe qui fait grand bruit qui se déroule cette année : l'Etat américain connaît une mortalité sans précédent de lamantins cette année, avec pas moins de 959 décès documentés au 1er octobre - c'est déjà plus que le nombre de décès jamais enregistré sur n'importe quelle année complète.
En 2021, les décès de lamantins devraient atteindre le double des 593 décès enregistrés en 2020. Aujourd'hui, la Floride compte entre 7 500 et 10 200 individus de cette espèce de gros mammifères herbivores le long de ses deux côtes, bordées d'une part par l'océan Atlantique, de l'autre par le golfe du Mexique.
La détérioration des eaux en cause
Les autorités connaissent la raison de cette hausse impressionnante de la mortalité : la destruction des herbiers sous-marins. En effet, les lamantins se nourrissent d'algues et de plantes aquatiques, qui se raréfient à mesure que la qualité de l'eau se détériore. En clair, les lamantins meurent de faim à cause de la raréfaction d’herbiers marins dans le lagon, conséquence de la hausse de la pollution des eaux. Depuis 2009, plus de la moitié des herbiers dans la lagune de l'Indian River a disparu, affirme l'État de Floride.
La faute au ruissellement des engrais et au rejet d'eaux usées, notamment, qui entraînent une prolifération d'algues tellement épaisses que les herbiers marins n'ont pas assez de lumière du soleil pour survivre.
Les scientifiques craignent en outre que la mortalité au sein de ces mammifères thermosensibles, surnommés "vaches de mer", ne s'aggrave avec le temps plus froid à venir. En effet, les causes principales de la mortalité chez les lamantins sont généralement la maladie, la perte d'habitat, le froid et les collisions avec des bateaux.
Pour tenter de sauver ces cousins éloignés de l'éléphant, les responsables de l'environnement au sein de l'État de Floride ont lancé, avec le gouvernement fédéral, un programme de restauration de l'habitat du lamantin. Alors que les législateurs ont débloqué 8 millions de dollars, soit un peu moins de 7 millions d'euros, la commission "Wildlife Conservation" réclame 7 millions de dollars supplémentaires.
Malgré les revers, la Guadeloupe
veut toujours réintroduire le lamantin
Malgré plusieurs revers, le projet de réintroduction du lamantin, gros mammifère aquatique herbivore, se poursuit en Guadeloupe : Kai, arrivé en 2016, malade et déphasé, devrait bientôt quitter l'archipel, mais d'autres spécimens venus du Mexique, plus "adaptables" et directement relâchables, doivent lui succéder.
"Le projet va être orienté sur des lamantins élevés en zoo mais qui sont nés en milieu naturel", explique Maurice Anselme, directeur du Parc national de la Guadeloupe. Des discussions sont "en bonne voie" avec le Mexique qui pourrait donner "deux mâles et deux femelles".
Ces animaux, nés en captivité, mais dans des bassins naturels, seraient plus "adaptables" que Kai, né et élevé dans un bassin couvert, au zoo de Singapour.
Le jeune lamantin était tombé malade en juillet dernier, suscitant une vive inquiétude au sein du parc après la mort, neuf mois plus tôt, de son congénère Junior.
Kai n'a "jamais vu l’orage, le soleil ou la pluie : il est déphasé", selon le directeur du parc, qui "envisage éventuellement de l'envoyer soit dans un zoo européen, soit dans le zoo de Singapour".
L'animal souffrant devait être intégré à un programme de reproduction dans un bassin semi-ouvert, spécialement construit à Blachon, au Lamentin (commune du nord Basse-Terre), mais "on n’arrive pas à tenir les délais de l'Europe sur le protocole initial", déplore Maurice Anselme.
L'UE, qui finance le projet à hauteur de 3,5 millions d’euros jusqu’en 2020, a finalement donné son feu vert, fin octobre, pour un projet réorienté.
Il s’agit dorénavant de réintroduire directement les animaux sans passer par la case reproduction.
"Je suis soulagé", souffle M. Anselme. Depuis l'arrivée en urgence de Kai et Junior, en août 2016, les discussions engagées avec différents pays n'avaient jusqu'alors rien donné.
- Décision controversée -
Le départ de Kai, unique lamantin en Guadeloupe depuis un an, a fait pourtant débat au sein du parc: Nicolas Barré, vétérinaire et membre du conseil scientifique, déplore une décision "pas suffisamment réfléchie".
Selon lui, il faudrait déterminer avec précision les causes du mal de l'animal : "est-ce lié à l’alimentation, à un stress, à un environnement très polluant dans les bassins ?", interroge-t-il.
Selon le vétérinaire, il aurait été opportun que Kai reste en Guadeloupe afin de "tester une aptitude à survivre dans le milieu extérieur" ou comme "donneur de sperme pour une plus grande diversité génétique".
Mais "un mort, ça suffit !", balaie un dirigeant du parc ; "Kai, il tousse, la Guadeloupe a la fièvre", renchérit Maurice Anselme.
Deux conditions doivent encore être réunies pour que le lamantin malade quitte l'archipel : des financements et qu'"'il puisse supporter le voyage", rappelle le patron du parc.
Le bassin semi-ouvert de Blachon, spécialement construit pour accueillir les lamantins, est vide depuis la convalescence de Kai, placé en bassin artificiel. "Trop pollué", le site de Blachon devrait être transformé "en lieu pédagogique", selon le parc.
S'ils arrivent en Guadeloupe, les spécimens mexicains devraient évoluer dans "un parc de pré-lâcher", c'est-à-dire un enclos naturel d'un hectare environ, délimité par des filets ancrés dans le sol. Ils seraient ensuite suivis par puce électronique.
Pour que la théorie se concrétise, le parc a lancé un appel au mécénat dans les médias locaux : le partenariat avec le Mexique n'est en effet "pas éligible dans le cadre des financements européens".
Mammifère pesant entre 450 et 500 kg et mesurant près de 3 mètres, au corps en fuseau épais et à nageoire non creusée, le lamantin, une "vache des mers" herbivore, est référencé comme espèce "vulnérable" dans la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).