22 Décembre 2021
Sully (1560 - 1641)
Un administrateur talentueux
Aucun ministre français n'a laissé dans l'Histoire une meilleure impression que Sully, né Maximilien de Béthune.
Issu d'une famille de petite noblesse, les barons de Rosny, c'est un élève studieux du collège de Bourgogne, à Paris, quand survient le massacre de la Saint-Barthélemy. De confession calviniste, il échappe à la mort en se cachant chez le principal du collège.
Soldat courageux
Compagnon de jeunesse du futur Henri IV, Maximilien de Béthune met ses talents à son service sans jamais renoncer à sa foi protestante.
Pendant les guerres de religion, il sert Henri dans les combats avec grand courage. Il se distingue à Cahors comme à Coutras, en 1587. Il est blessé à Ivry comme au siège de Chartres, en 1591. Cette fidélité n'exclut pas la franchise et il arrive à plusieurs reprises que les deux hommes se mettent en colère l'un contre l'autre et se brouillent.
En 1593, Maximilien de Béthune, sans cesser de rester fidèle à sa foi calviniste, conseille à son ami d'y renoncer pour se faire enfin accepter de la majorité du peuple. Le mot qu'on lui prête : « Paris vaut bien une messe », est toutefois apocryphe. C'est ainsi que le roi se convertit le 25 juillet 1593 devant l'abbatiale de Saint-Denis et se fait sacrer à Chartres l'année suivante.
Gestionnaire rigoureux
En 1598, Maximilien de Béthune, baron de Rosny, devient surintendant des Finances. Gestionnaire rigoureux, il redresse les finances du royaume, ruiné par les guerres de religion, au point que le budget retrouve l'équilibre dès 1604.
Il emploie pour cela des moyens peu orthodoxes. Ainsi impose-t-il au roi d'épouser Marie de Médicis, laquelle lui amène une dot conséquente. Il instaure aussi la Paulette, ce qui est moins drôle : en échange de cette taxe aux funestes conséquences, les officiers (fonctionnaires et magistrats) obtiennent le droit de léguer leur charge (et les revenus qui l'accompagnent).
Maximilien de Béthune cumule d'autres titres comme grand maître de l'artillerie et des fortifications, grand voyer de France (en quelque sorte ministre des ponts et chaussées), surintendant des bâtiments, capitaine héréditaire des eaux et rivières, gouverneur de la Bastille (il surveille les opposants qui y sont incarcérés), gouverneur du Poitou.
Attaché aux traditions agricoles et dédaigneux de l'industrie, Sully encourage les recherches menées par Olivier de Serres. Ce dernier est connu pour avoir publié en 1600 le premier ouvrage d'agronomie scientifique : Théâtre d'agriculture et mesnage des champs. On prête au ministre lui-même la formule : « Les labourage et pastourage sont les deux mamelles dont la France est alimentée et les vraies mines et trésors du Pérou ». Celle-ci sera reprise à la fin du XIXe siècle pour expliquer et justifier le retard industriel du pays !
En 1606, le ministre devient duc de Sully et pair de France après le rachat du château de Sully-sur-Loire et des terres environnantes. C'est désormais sous ce nom qu'il restera dans la postérité.
Retraité fantasque
Le 26 janvier 1611, quelques mois après l'assassinat du roi, Marie de Médicis exclut Sully du conseil de régence sur l'intervention de son favori Concini.
En disgrâce mais nanti d'une grosse pension, Sully publie ses Mémoires sur les Économies royales dans lesquelles il magnifie Henri IV (Henri le Grand) et par voie de conséquence lui-même. Il prête au roi le Grand dessein d'une confédération chrétienne qui aurait regroupé une quinzaine d'États catholiques d'Europe.
Doté d'une immense fortune, l'ancien ministre mène un train de vie royal dans son château de Sully, sur les bords de la Loire. Il savoure par ailleurs une vieillesse fantasque dans le bel hôtel classique qu'il a acquis en 1634 dans le quartier du Marais, à Paris, sur la place Royale (aujourd'hui place des Vosges). La même année, Richelieu, son lointain disciple, l'élève à la dignité de maréchal.
Publié ou mis à jour le : 2021-12-21 17:32:16
22 décembre 1688
Échec au roi en Angleterre
Le 22 décembre 1688, le roi Jacques II Stuart est chassé de Londres et s'enfuit sur le Continent, à la Cour de Louis XIV. Cette « Heureuse et Glorieuse Révolution », sans effusion de sang, met fin aux dissensions religieuses et débouche sur l'instauration en Angleterre d'une monarchie parlementaire, la première de l'Histoire universelle !
C'est à cette époque que le mot « révolution » prend le sens que nous lui connaissons. Ce mot, qui désigne ordinairement un tour complet sur soi, est depuis lors employé pour désigner dans le domaine politique le retour à un hypothétique Âge d'Or, avant l'obscurantisme et l'absolutisme de la période antérieure !
Alban Dignat
D'une Révolution à l'autre
La dynastie anglaise des Stuart a été renversée par Cromwell au profit d'une éphémère république, puis restaurée en la personne de Charles II en 1660. Le roi laisse à sa mort, le 6 février 1685, plusieurs enfants bâtards de ses nombreuses maîtresses mais aucun enfant légitime de son épouse Catherine de Bragance, de sorte que le trône revient à son frère cadet, le duc d'York, qui devient roi sous le nom de Jacques II.
Portrait de Jacques II Stuart, par sir Peter LelyDevenu roi de Grande-Bretagne et d'Irlande sous le nom de Jacques II,
le duc d'York ne manifeste pas autant de prudence que son frère... Charles II est resté officiellement fidèle à l'Église anglicane dont il était le chef. Catholique de coeur, il a attendu l'heure de sa mort pour se faire baptiser dans le catholicisme.
Quant à Jacques II, il a renoué discrètement avec le catholicisme de ses ancêtres bien avant son accession au trône, en 1672, et l'année suivante, il s'est remarié avec une princesse italienne catholique, Marie de Modène, à la grande irritation des Anglais.
Ne cachant pas son désir d'imposer la religion catholique à l'ensemble de ses sujets, le nouveau monarque se montre attiré par l'exemple de Louis XIV, qui pourchasse en France les protestants et vient de révoquer l'Édit de Nantes. D'emblée, il suscite des oppositions qu'il doit réprimer par les armes.
Pour ne rien arranger, le roi, qui a eu deux filles, Marie et Anne, de son premier mariage avec Anne Hyde, a la satisfaction d'avoir enfin un garçon de sa deuxième épouse. Avec la naissance de cet héritier, en 1688, les Anglais craignent un renforcement du catholicisme.
Pour s'y opposer, ils font appel au stathouder (ou gouverneur) des Provinces-Unies (Hollande), Guillaume III de Nassau-Orange. Celui-ci, qui tient son nom de la ville d'Orange, en Provence, est le petit-fils de Charles Ier et l'époux de Marie, la fille aînée du roi.
Guillaume et Marie sont de fervents protestants. Ils sont aussi des ennemis inconditionnels de la France et de Louis XIV. Autant dire qu'ils ont tout pour plaire aux Anglais. Tandis que les armées de Louis XIV saccagent le Palatinat allemand, Guillaume en profite pour débarquer avec une petite troupe en Angleterre, à Torbay, le 5 novembre 1688.
Personne ne retient Jacques II quand il choisit la fuite. C'est ainsi que les Anglais échappent à une nouvelle guerre civile. Guillaume et Marie sont élevés de concert à la royauté par le Parlement.
Le « Bill of Rights » et l'avènement du parlementarisme
Le nouveau roi Guillaume III ne se fait pas prier pour lui accorder un droit de regard sur les affaires publiques par le « Bill of Rights » du 13 février 1689. Cette Déclaration des Droits marque la véritable naissance de la démocratie moderne.
Selon ce texte :
– Le roi ne peut pas lever des troupes sans le consentement du Parlement,
– Le Parlement est librement élu et se réunit périodiquement pour voter les lois,
– La protection des citoyens et la liberté individuelle sont garanties.
Le Parlement est composé d'une chambre basse, la Chambre des Communes (House of Commons), qui vote les lois, tandis qu'une Chambre haute, la Chambre des Lords, contrôle celles-ci et peut les modifier.
La même année, le philosophe John Locke publie un Traité de gouvernement où il expose une théorie du gouvernement démocratique et fait une apologie de la liberté individuelle, la présentant comme un droit naturel et inaliénable.
Son livre recueille un vif écho en Europe. Il va inspirer les écrits politiques de Montesquieu et les diatribes de Voltaire.
Fin de Partie
Chassé de son pays, Jacques II Stuart tente l'année suivante de reprendre son trône les armes à la main. Il débarque en Irlande, fief catholique, avec l'aide intéressée du roi de France Louis XIV. Mais l'armée « jacobite » est écrasée à la bataille de la Boyne le 12 juillet 1690 (1er juillet selon le calendrier julien encore en usage en Angleterre). De nos jours, tous les ans, les militants protestants de l'Ordre d'Orange, en Irlande du Nord, commémorent l'événement sous le slogan : « Remember 1690 ! ».
Le roi déchu s'en retourne définitivement en France et va finir sa vie à Saint-Germain-en-Laye, où on ne le connaît plus que comme le « Prétendant ». Resté stathouder des Provinces-Unies, Guillaume III entre peu après dans la guerre de la Ligue d'Augsbourg, dirigée contre Louis XIV. Par la paix de Ryswick, en 1697, il obtient du roi de France qu'il le reconnaisse enfin comme roi d'Angleterre.
Jacques II et New York
Le souvenir de Jacques II Stuart se perpétue dans le nom de la plus grande ville du monde actuel. Né avec le titre de duc d'York, il eut l'honneur, sous le règne de son frère, de voir le port nord-américain de la Nouvelle Amsterdam rebaptisé en... New York.