21 Janvier 2022
Recherchons la paix avec nos frères dans la foi
Ci-dessus : Le patriarche Cyrille de Moscou et le pape François se donnant l'accolade à l'aéroport de La Havane (Cuba) le 12 février 2016.
Dans la suite de son « Discours synodal », saint Nersès de Lambron met en lumière un douloureux paradoxe : alors que les chrétiens reçoivent les uns des autres le pain ordinaire et le mangent, une fois que ce pain a été consacré pour devenir l'Eucharistie, ils refusent de le manger.
Dieu a fait le pain pour être la nourriture du corps, et le vin pour être sa boisson. Ce pain et ce vin, le Christ, notre espérance, les prit, les bénit, les sanctifia et les appela son corps et son sang, et il nous les transmit comme mémorial de notre rédemption. Or, nous avons l'habitude de bénir ce pain pour la gloire et en mémoire du Christ, et unique est la bénédiction, unique le nom du Christ que nous, les nations, nous prononçons dessus, chacun en une langue différente. Mais une fois survenue l'inimitié entre nous, le même pain, nous l'acceptons les uns des autres et nous le mangeons sans scrupule avant de l'avoir béni au nom du Christ ; mais quand nous invoquons dessus le nom du Christ et que nous en faisons son corps par une même bénédiction, l'Arménien répugne à y participer dans le sacrifice béni par le Grec, et le Grec dans celui béni par l'Arménien. Et ce pain que, grâce à une même prière et une même bénédiction, nous appelons le Christ, et que chacun de nous a consacré par la grâce d'un même Esprit, désormais nous le méprisons chez les autres ; avant de le bénir, nous le mangions sans en avoir horreur, et après l'avoir béni au nom du Christ, nous l'avons en abomination.
L'occasion des maux qui ont pris des proportions de montagnes, nous l'avons trouvée dans des ombres inconsistantes. Ce dont nous avons conseillé aux chrétiens de s'entourer contre les païens [allusion à la règle de ne pas admettre les non chrétiens à l'Eucharistie], nous l'étendons comme un mur de séparation entre nous. Et les écrits des saints Pères ont enfermé sous le péché, non des étrangers, mais nous, parce qu'ils ont interdit ce Mystère aux infidèles. Et nous, alors que nous avons la même foi en ce Mystère, et que nous le célébrons avec les mêmes prières, nous vitupérons impudemment contre nos sacrifices respectifs, sans nous rendre compte que le coup et le sentiment d'inimitié se retournent contre nous, et plus encore, à dire vrai, contre le Christ, qui est la fin de nos sacrifices à tous deux. Voilà le fruit de la haine ; voilà ses conséquences.
Tels sont les enfants de la fille de Babylone que je demande instamment de briser sur la pierre (cf. Ps 137, 9). Or çà ! Mettons à mort ceux qui sont nés il y a longtemps, et commençons aujourd'hui à faire germer la semence que le Christ a jetée dans le sein de notre esprit : la grande charité, l'immense miséricorde, l'offrande de notre vie pour les autres ; sinon de notre vie, du moins de notre volonté.
Il n'y a rien de meilleur dans notre vie, si nous le voulons, que la paix ; non pas celle que donne ce monde, mais celle que le Christ a apportée du ciel (cf. Jn 14, 27). C'est pour cela qu'il a confié à l'Église le soin de la demander continuellement. Le germe de la paix avec Dieu, c'est la paix avec les frères. Nul ne peut être en paix avec Dieu s'il n'a d'abord fait la paix avec les hommes. Donc, puisque nous avons tous besoin de la paix avec Dieu, posons comme fondement de celle-ci la concorde avec les frères.
Je prends un instant pour méditer toutes ces choses dans mon cœur (cf Luc 2,19)