5 Avril 2022
Guerre en Ukraine : viols, exécutions sommaires... l'accablant rapport pour la Russie de Human Rights Watch
Publié le 05/04/2022 à 06:29
L'organisation non gouvernementale Human Rights Watch (HRW) a dit avoir réuni des éléments sur "plusieurs cas de violation des lois de la guerre par les forces militaires russes" dans les régions ukrainiennes de Tchernihiv, Kharkiv et Kyiv. Les témoignages de civils font état d'exécutions sommaires, de pillages et de viols.
Le rapport est sans appel. "Des exécutions sommaires et d’autres violations graves des droits humains ont manifestement été perpétrées par les forces russes", indique ce 3 avril l'ONG de défense des droits de l'homme, Human Rights Watch (HRW).
Dans ce premier document rendu public, l'ONG évoque des cas de "violations des droits de la guerre" évidents. Un rapport précipité après la découverte de centaines de corps de civils dans la ville martyre de Boutcha ce week-end. Après un peu plus d’un mois de guerre en Ukraine, cela pourrait être un tournant. Les images des corps suppliciés après le départ de l’occupant russe ont provoqué une onde de choc à travers la planète.
Viols et exécutions sommaires
Ces crimes, qualifiés de "crimes de guerre apparents", ont pu être documentés grâce à des rescapés et témoins des violences. Au total, HRW a mené une dizaine d'entretiens "avec des témoins oculaires, des survivants et des témoins secondaires" sur place.
Parmi les témoignages, figurent clairement des exécutions sommaires, "de six hommes dans un cas, et d’un autre homme dans un cas distinct" ainsi que de nombreuses violences visant des civils. Plus inquiétant encore, certains actes remontent au moins au 27 février. Dès les premiers jours du conflit donc.
L'ONG a interrogé Viktoria, la mère et belle-sœur de deux des victimes : "Les soldats nous ont dit de ne pas nous inquiéter, qu'ils leur feraient un peu peur puis qu'ils les laisseraient partir. Nous avons fait 50 mètres... et nous avons entendu des tirs", confie-t-elle.
Ils étaient couchés là. Il y avait des blessures par balle au niveau de leurs têtes. Leurs mains étaient liées dans le dos. J'ai regardé le corps de mon fils, ses poches étaient vides. - Viktoria, mère d'une victime
"Les cas que nous avons documentés témoignent d’une cruauté et d’une violence indicibles et délibérées à l’encontre des civils ukrainiens", a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. "Les viols, meurtres et autres actes de violence contre des personnes détenues par les forces russes devraient faire l’objet d’enquêtes en tant que crimes de guerre."
Un autre témoignage, celui d'une femme, rapporte "à plusieurs reprises dans une école de la région de Kharkiv, où elle avait trouvé refuge avec sa famille le 13 mars". Elle a également affirmé avoir été "battue, et lacérée au visage et au cou avec un couteau", indique l'ONG.
Les soldats russes ont pris d'assaut ce même sous-sol et ont lancé une grenade fumigène à l'intérieur. Plusieurs personnes ont paniqué et se sont enfuies à l'extérieur, où des soldats russes leur ont tiré dessus - HRW
Répondre de ces crimes
"Ceux qui ont été à l’origine de ces crimes devront en répondre", a prévenu lundi Emmanuel Macron sur France Inter, en jugeant que "ce qui vient de se passer à Boutcha impose un nouveau train de sanctions et des mesures très claires".
Alors que l’Union européenne planchait en urgence sur de nouvelles mesures coercitives, Paris a annoncé lundi l’expulsion de 35 diplomates russes, Berlin un "nombre élevé", et les États-Unis ont demandé la "suspension" de la Russie du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Zelensky dénonce un génocide
Accordant peu de crédit aux dénégations de Moscou, qui crie à la mise en scène, Joe Biden a de nouveau qualifié Vladimir Poutine de "criminel de guerre", appelant à un procès. Il faut "préserver toutes les preuves", a souligné Michelle Bachelet, la Haute-commissaire aux droits de l’homme.
Malgré les menaces qui pèsent sur sa propre sécurité, Volodymyr Zelensky s’est rendu lui-même lundi, à Boutcha, vêtu d’un gilet pare-balles et entouré de militaires. Dans ces rues transformées en cimetière à ciel ouvert, parsemées de corps de personnes abattues à bout portant, certaines les mains attachées dans le dos, le président ukrainien a prévenu qu’il devenait plus difficile désormais de négocier avec la Russie. "Ce sont des crimes de guerre et ils seront reconnus dans le monde comme un génocide", a martelé le président ukrainien.
Crime contre l'humanité
"Nous avons connaissance de milliers de personnes tuées et torturées, avec des membres arrachés, de femmes violées et d’enfants assassinés", a poursuivi le président ukrainien.
Invitée lundi soir sur BFMTV, la procureure générale d’Ukraine Iryna Venediktova, s’est dit en capacité de mettre un nom sur chacune de ces victimes en expliquant que les corps sans vie de 410 civils ont été retrouvés dans ces territoires de la région de Kiev, parfois entassés dans des fosses communes.
Au total, "nous avons compté 4 000 crimes de guerre et nous n’avons même pas encore pu voir ce qu’il se passe à Marioupol", a-t-elle expliqué. "Pour moi il s’agit de crimes de guerre et même de crimes contre l’humanité". Parmi ces victimes, a-t-elle précisé, figurent 168 enfants.
Théo Ruiz
THÉO RUIZ