Jean-François Solnon est un historien français,
prédilection comprennent notamment les
institutions et la société de la France d'Ancien
Régime, la société
des princes, le pouvoir royal et la famille royale,
ou bien encore les relations entre monde européen
et monde ottoman.
On ne s'étonne donc pas que l'historien ait choisi
une biographie d'Henri III, parue initialement en
2001 chez Perrin en grand format puis rééditée
dans la collection de poche Tempus quelques
années plus tard.
Curieux prologue que celui du livre, où l'historien
fait parler le duc de Nemours, qui demande au petit
Henri sa religion, alors que les protestants
projettent de l'éloigner de la cour et de le prendre
sous leur aile, en 1561.
Né en 1551, fils de Catherine de Médicis,
Henri, qui s'appelle alors Alexandre Edouard (choix
diplomatiques obligent...), reçoit l'éducation propre
à un prince, et sera l'un des plus éloquents du siècle.
C'est encore un enfant qui assiste à la mort de son père, Henri II, en 1559, par accident.
Son frère François II ne règne pas très longtemps et meurt en 1560. Le temps de pendre les
conjurés d'Amboise qui ont cherché à enlever le roi pour le soustraire à l'influence des Guise.
Catherine de Médicis oeuvre à la conciliation, à travers le colloque de Poissy, puis l'édit de Saint-Germain
(1562). Peine perdue, le massacre de Wassy ouvre les hostilités, dans lesquelles se jettent les
protestants. Catherine emmène Henri dans le grand tour de France que la cour réalise en 1564. Le frère
de Charles IX, le préféré de sa mère, promet déjà beaucoup, aux dires mêmes du duc d'Albe,
servant de Philippe II. Il est impressionné par les fêtes qu'organise Catherine pendant le voyage et qui ont
souvent un sens politique à peine déguisé.
C'est en 1567-1569 que Henri, devenu duc d'Anjou, s'affirme, sur le champ de bataille. Les victoires de
Jarnac et de Moncontour ne sont pas décisives mais elles façonnent l'homme, épaulé par le cardinal
de Lorraine qui devient une sorte de mentor. La paix boîteuse de 1570 n'apaise pas les tensions.
Henri accumule les conquêtes féminines mais répugne au projet envisagé par sa mère : épouser
Elisabeth Ière d'Angleterre. Tandis que Charles IX joue la conciliation avec Coligny, Henri incarne
le volet "catholique" d'une politique royale qui n'est pas fragmentée, selon l'historien, même si la guerre
en Hollande est lourde de menaces pour l'équilibre en France.
Henri n'a pas joué un rôle déterminant dans le massacre de la Saint-Barthélémy, contrairement à ce
qu'on a longtemps pensé, le tout relevant aussi de la légende noire qui entoure Catherine de Médicis.
En réalité, l'Espagne et les Guise ont piloté l'opération, pour la première dès l'attentat manqué contre
Coligny le 22 août, et pour les seconds deux jours plus tard. Henri n'a probablement pas participé au
massacre, et à dire vrai, on ne sait pas trop ce qu'il a fait. En outre depuis juillet 1572 il est occupé
par la succession au trône de Pologne, qu'il convoite. Henri part assiéger La Rochelle, jusqu'en 1573.
Il s'expose en première ligne, au grand dam de sa mère, mais se constitue aussi une cour de fidèles.
Devenu roi de Pologne par défaut, Henri doit quitter Marie de Clèves, et partir pour un royaume où le
système de gouvernement est bien différent de celui de la France.
Arrivé en Pologne en janvier 1574, après avoir traversé le Saint-Empire, non sans risques, Henri
se languit bientôt de porter la couronne. L'évasion, rocambolesque, ne tarde pas. Avant de revenir en
France, il s'attarde auprès de l'empereur Maximilien mais surtout des fastes de Venise, qui lui laissent
une impression durable. Henri III sera un roi qui rétablira l'étiquette, montrera une religiosité exacerbée,
épousera Louis de Vaudémont, qu'il aimait sincèrement et qui n'avait aucune ambition politique. Roi
désargenté, trahi par un frère, François d'Alençon, allié à des protestants, Henri III se réfugie dans
des divertissements vus comme indignes par la population, mais qui servent en fait de soupape.
Malgré la signature de l'édit de Beaulieu, pour lui un camouflet, Henri III obtient en 1576 le soutien
des premières ligues qui se forment comme une réaction catholique.
A la cour, les "mignons" du roi affrontent ceux de François d'Alençon et ceux du duc de Guise,
dans un duel resté célèbre en particulier. Le terme a pris en un sens péjoratif sous la plume
de leurs adversaires, mais les "mignons" étaient avant tout des hommes qui devaient tout au roi
et seulement à lui, ce qui était propre à exciter des jalousies. Pendant les 7 années que dure une
paix fragile, Henri III légifère beaucoup, règle le cérémonial de cour, tentant ainsi de domestiquer
la noblesse. La "guerre des amoureux" ne débouche sur rien. Et Henri III attend désespérement
un héritier... en favorisant les mignons, qui accumulent prébendes et dignités, le roi ne parvient pas
à détourner le mécontentement de sa propre personne.
Amateur de danse, Henri III fut aussi un homme de l'esprit, et non un mécène, bien qu'il ait gardé
des divertissements d'adolescent. Il reçoit ainsi un certain Giordano Bruno. Il introduit la
mode des petits chiens et des bilboquets. L'accusation d'homosexualité, proférée par les
adversaires du souverain, fait fi des nombreuses conquêtes féminines, même si le roi a pu paraître
éfféminé. En 1582, l'espoir d'un héritier le fait se tourner de plus en plus vers la religion.
Mais la mort de François d'Anjou, en 1584, place en successeur potentiel Henri de Navarre,
le huguenot. De quoi provoquer la naissance de la Sainte Ligue à Paris puis de la Ligue des Guises,
en 1585, soutenue par l'Espagne. Le traité de Nemours est une capitulation.
Joyeuse, le mignon du roi, est tué à Coutras contre Henri de Navarre, alors qu'Henri de Guise triomphe
des reîtres allemands. En mai 1588, Henri de Guise entre à Paris où les barricades se sont dressées
contre le roi, alors que l'Espagne s'apprête à lancer l'Invincible Armada contre l'Angleterre. La défaite
de la flotte donne des ailes à Henri III, réfugié à Blois. Après avoir changé son gouvernement pour
éliminer les fidèles de sa mère, il ordonne l'assassinat d'Henri et du cardinal de Guise, le 23 décembre.
Allié à Henri de Navarre, en avril 1589, c'est alors que les deux forces réunies assiègent Paris, où
les ligueurs se déchaînent contre le roi, que celui-ci est assassiné, le 1er août, par le moine dominicain
Jacques Clément. Lequel ne fait que traduire l'éloge du tyrannicide en vigueur pendant les guerres
de religion, d'abord chez les protestants, puis chez les catholiques ; s'il a agi seul, il a été entouré
d'un milieu qui a favorisé sa décision.
Henri III, au final, est une personnalité complexe. Ses goûts, ses penchants, ne sont pas ceux de
la majorité de ses contemporains. Soucieux de l'autorité royale, Henri III a gouverné, légiféré, ne
se révélant pleinement qu'avec la crise de successsion ouverte en 1584. Digne héritier de François Ier,
il a assuré la survie de la monarchie française en des temps plus que troublés.
La biographie de J.-F. Solnon se présente, au total, comme une oeuvre de vulgarisation destinée
au grand public -ce qui explique d'ailleurs la faiblesse de l'appareil critique, qui fait suite à une
chronologie du souverain et à des arbres généalogiques. Néanmoins l'historien maîtrise son sujet,
et la réhabilitation d'Henri III, déjà entamée lorsqu'il écrit, est plutôt convaincante.