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14 Octobre 2018
Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme ?
ou : être audibles en demeurant nous-mêmes
Texte de l’intervention de Mgr Francis Deniau le dimanche 29 octobre 2006 pour le Colloque de l’ AJCF et du Bn’ai Brith sur le thème :
"Judaïsme et Christianisme : un pas vers la reconnaissance mutuelle".
Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme ? ou : être audibles en demeurant nous -mêmes Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme, ce n’est pas à un chrétien de le dire; on a noté depuis toujours la dissymétrie qui affecte la relation . Cette dissymétrie, qui est constitutive, demeure aujourd’hui. Elle est soulignée par les maîtres juifs. Elle est aussi sous-jacent à l’image paulinienne de l’olivier greffé à l’envers. Mais l’intéressant, ce sont les voix qui, dans le Judaïsme (et dans l’orthodoxie juive) manifestent de l’intérêt pour le fait que, grâce au christianisme et malgré toutes les blessures et les traumatismes de l’histoire, quantité de non-juifs ont été touchés par la Torah d’Israël, par le Dieu d’Israël, qui est aussi l’Unique, le créateur du monde et de l’homme, Celui qui a fait l’humanité à son image...Ce qu’un chrétien peut dire: à quoi sommes-nous appelés, nous chrétiens, pour être acceptables devant les Juifs, tout en demeurant clairement chrétiens? Gilles Bernheim aime à dire que « ce qui fait la grandeur d’une religion réside [non pas dans son pouvoir de conviction, et à plus forte raison dans son pouvoir de coercition, mais] dans sa capacité donner à penser à ceux qui ne croient pas dans cette religion »
.1 C’est le contraire d’un langage clos, langage de la tribu, qui n’est audible que par les croyants de cette religion, et qui ne se préoccupe pas de sa recevabilité à l’extérieur (recevabilité qui n’est pas en soi un critère de vérité mais qui oblige à faire la vérité ; L’importance renouvelée de la théologie fondamentale). Contraire de la fermeture dans le particularisme, contraire qui suppose la reconnaissance et l’acceptation de sa particularité. De là ma question : qu’a le chrétien à faire, à être, pour que cela devienne possible ? Trois préalables et trois questionsPréalables1.Permanence d’Israël. Les chrétiens ont redécouvert le peuple d’Israël, sa légitimité et ses origines, et surtout sa contemporanéité, sa raison d’être dans l’histoire. À partir de là, l’identité de celui fait cette découverte est elle-même remise en question. Je peux apporter quelque chose à l’autre mais, tout autant, la présence de l’autre me bouleverse et peut aussi renouveler mon identité. La rencontre de l’Église avec le Judaïsme remet en question l’identité de l’Église. L’Église devient ainsi plus incertaine quant à son rôle au côté du Judaïsme, quant à la nature de l’Alliance qu’elle croit conclue entre Dieu et l’Église, par la médiation de Jésus reconnu comme Christ, Messie. Comment pouvons-nous exprimer notre foi, dans le respect de la vie du Peuple de Dieu qu’est et Voir « Un rabbin dans la cité, Calmann-Lévy, p.200 »
Francis Deniau : Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme ?
2 que demeure à nos yeux le peuple d’Israël, alors que nous avons souvent dit que c’était désormais l’Église qui était le peuple de Dieu ? Parlera-t-on de deux Alliances, ou de l’unique Alliance qui fait place à l’une et l’autre fidélités ? En tout cas, il s’agit pour les chrétiens (et d’autres non-juifs) de prendre en compte le secret de la perpétuation du peuple juif- qui est toujours quelque chose de très mystérieux pour un non juif. Pour le chrétien, cette exigence est d’abord la reconnaissance d’Israël comme peuple de Dieu, peuple de l’Alliance (cette Alliance qui n’a jamais été révoquée, disait Jean-Paul II). L’étonnement devant la permanence d’Israël n’est pas d’abord un étonnement historique ou sociologique, mais une contemplation de la fidélité de Dieu, une reconnaissance du lien d’Israël avec la Parole de Dieu reconnaissance d’Israël comme peuple de la Torah, comme peuple porteur du Ta NaK. Cette dimension ne sera d’ailleurs pas sans conséquence sur l’interprétation chrétienne des Ecritures. Cela a été montré récemment dans le texte de la Commission biblique pontificale : le peuple juif et ses Saintes Écritures dans la Bible chrétienne. Il ne s’agit pas de renoncer à une lecture chrétienne des Écritures juives, mais de l’accepter comme une des lectures, concurremment ou mieux conjointement avec la lecture juive - l’une et l’autre étant bien entendu plurielles. Ces deux lectures contemporaines supposent deux traditions, deux peuples de Dieu, même si les mots de tradition et de peuple n’ont pas le même sens pour l’un et pour l’autre. « Un peuple tirée toutes les nations» ne s’approche pas de la même façon que le peuple des fils d’Israël. La catholicité de l’Église est autre chose que le qahal Israël. Mais les deux subsistent l’un à côté de l’autre. La nouvelle prise en compte de la permanence d’Israël bouscule l’Église, ses habitudes de pensée, sa manière de s’approcher d’elle-même. On le voit bien dans le texte de Vatican II consacré aux relations de l’Église avec le Judaïsme, Nostra ætate n°4 : Scrutant le mystère de l’Église, le Concile rappelle le lien qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament avec la lignée d'Abraham. L’église du Christ, en effet, reconnaît que les prémices de sa foi et de son élection se trouvent, selon le mystère divin du salut, dans les patriarches, Moïse et les prophètes. Elle confesse que tous les fidèles du Christ, fils d'Abraham selon la foi (cf. Ga 3,7)), sont inclus dans la vocation de ce patriarche et que le salut de l’Église est mystérieusement préfiguré dans la sortie du peuple élu hors de la terre de servitude. C'est pourquoi l’Église ne peut oublier qu'elle a reçu la révélation de l'Ancien Testament par ce peuple avec lequel Dieu, dans sa miséricorde indicible, a daigné conclure l'antique Alliance, et qu'elle se nourrit de la racine de l'olivier franc sur lequel ont été greffés les rameaux de l'olivier sauvage, que sont les gentils (cf. Ro 11, 17-24).Manifester cela et cheminer avec cela est sans doute le préalable pour que l’existence de l’Église puisse à son tour être prise en compte positivement par le judaïsme (au-delà des traumatismes du passé, au-delà de la repentance de l’Église)
Francis Deniau : Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme ?
C’est une première condition, qui est préalable à toute autre.
Mais le chrétien, bien sûr, croit en Jésus. En revenir à une christologie basse, fut-ce-t ’elle judéo-chrétienne, c’est ne plus être chrétien. Ce qui sépare Judaïsme et Christianisme, ce n’est pas la reconnaissance de Jésus comme Rabbi, ni comme prophète, ni même peut-être comme Messie ou Christ, c’est sa reconnaissance comme le Fils Unique du Père. On peut se désoler que l’Église des premiers siècles ait éliminé les judéo-chrétiens; ou qu’elle n’ait pas préservé la Torah pour les Juifs même devenus chrétiens; ou qu’elle n’est pas répondu aux attentes des Juifs du premier siècle, mais on ne reconstruit pas l’histoire, et un chrétien ne peut revenir sur ce qui fait sa foi, dans ce qu’elle a d’inouï et peut avoir d’insupportable; la question est de la dire d’une manière qui soit recevable, pour ce qui peut en être recevable - il y aura toujours ce qui ne peut être entendu qu’en devenant soi-même chrétien, et qui demeurera donc inaudible pour un Juif. Mais peut-être la césure se situe-t-elle ailleurs que ce que les Juifs ont toujours pensé ET ailleurs de ce que les Chrétiens ont toujours pensé? Le dialogue conduit les Chrétiens à un approfondissement, à des perplexités, à des remises en cause, que nous devons vivre, qui sont pour nous un appel de Dieu à partir de ce dialogue et en vue de ce dialogue, mais qui mettent en jeu de manière beaucoup plus vaste l’ensemble de la tradition chrétienne et de notre expression de la foi
S’il nous faut rester nous-mêmes, et donc dans la foi en Jésus, était-il pour autant nécessaire que le passage aux païens se fasse au prix de la condamnation d’Israël perçu comme infidèle et rejeté, comme l’a trop répété la tradition chrétienne ? La disparition d’un christianisme d’expression juive dans le courant du deuxième siècle de l’ère chrétienne est probablement un drame ;Francis Deniau: Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme?4commençons seulement à mesurer la dimension2. La question « aurait-elle pu être évitée » ? est stérile: on ne reconstruit pas l’histoire. La vraie question est: quelles conséquences en tirer pour aujourd’hui? comment interpréter cette histoire? et comment faire droit à cette expression juive du christianisme dans le passé? - mais aussi : que peut signifier aujourd’hui la présence d’une communauté chrétienne hébréophone, minorité parmi les minorités, en terre d’Israël ? Mais la question est aussi : comment le christianisme des Nations peut-il réellement reconnaître ce qu’il doit à Israël ? Les chrétiens ont redécouvert aujourd’hui les chapitres 9 à 11 de la lettre de Paul aux Romains. Et Nostra ætate (cité plus haut) remet en valeur la gratitude des chrétiens vis-à-vis du Judaïsme C’est donc l’appel à une nouvelle façon de se situer pour l’Église. Que nous soyons celles et ceux grâce à qui la Torah d’Israël, le Dieu d’Israël, intéressent les nations... Cela ne peut nous être donné que par une grâce de Dieu. Une grâce qui, au premier abord, prend tout à l’envers : c’est l’image de l’olivier sauvage greffé sur l’olivier franc. C’est un second préalable
3. Dans la tradition chrétienne Le dialogue est dialogue entre deux traditions. Quand on parle de tradition, on parle de la vie et de la pratique de toute une communauté. Il ne s’agit donc pas seulement de la rencontre de quelques spécialistes du dialogue, responsables institutionnels ou théologiens. Du point de vue chrétien, c’est l’effort pour que ce qui a été exprimé à Vatican II par les évêques du monde entier passe dans la vie des communautés chrétiennes, des paroisses, dans les réflexes spontanés du peuple chrétien. C’est en cours, et fortement encouragé par les responsables de l’Église catholique. Mais il faut reconnaître que nous avons encore beaucoup à faire. D’autre part, la rencontre de deux traditions, ce n’est pas la recherche d’accommodements pour aboutir à une espèce de synthèse ou à un compromis. Nous n’aurions alors plus rien à nous apporter. Le dialogue s’interdit à la fois le projet de faire changer l’autre de religion - et celui de taire les questions qui fâchent, les différences irréductibles. Nous sommes d’accord sur le fait que nous ne sommes pas d’accord. Et c’est de là que nous partons, avec la prétention à la vérité qu’est celle de chacun, et qui reconnaît la prétention à la vérité de l’autre.
4. Ce qui est tout autre chose que le relativisme ou le «à chacun sa vérité». Autre chose que la tolérance qui signifie souvent : «tu penses ce que tu veux, je m’en fous». Non : nous ne sommes pas d’accord, mais ce que tu penses, ce que tu vis, me concerne et me parle, et me fait bouger dans ma propre tradition religieuse. Dans cette rencontre de deux traditions, la tradition chrétienne, rencontrant la tradition juive, peut aussi apprendre d’elle ce qu’est une vraie tradition. Non pas: «tout le monde a toujours dit»; mais «rabbi X a dit ceci, et rabbi Y au nom de rabbi Z lui a répondu cela; et les sages ont suivi telle opinion». Et si l’opinion de la majorité prévaut, il y a aussi une position minoritaire qui doit être respectée... Personnellement, je crois que la tradition chrétienne travaille aussi de cette. Jean-Marie Lustiger, la promesse, Parole et Silence.
5 manière. Les discussions entre écoles théologiques en sont témoin. Et aussi les écrits du Nouveau Testament. Mais les chrétiens ont tendance à l’occulter (différemment selon les Églises).Questions1.Particulier et universel Une tentation chrétienne est de se situer d’emblée au plan de l’universel, en oubliant sa particularité et son particularisme (c’est à ce moment-là son particularisme qu’on universalise, comme il est aussi arrivé à la philosophie des Lumières, lucide à ce propos au sujet du christianisme, mais pas à son propre sujet). Petite Église dans le vaste monde, et situation(nouvelle en Occident) de minoritaires. Mais en même temps le non-renoncement à l’universel est une question pour les chrétiens (tentés de se replier sur la secte chrétienne), comme elle l’est pour le Juifs. Il y a une tentation hégélienne du christianisme. Nous serions au soir du monde, et le chrétien aurait enfin le point de vue qui lui permettrait de tout interpréter, et de récapituler en pensée toute l’histoire du monde. Tel l’oiseau de Minerve qui ne se lève qu’à la nuit. Penser en ces termes est très tentant. C’est tenir en son esprit la totalité de l’histoire, voire la faire advenir comme dira Marx. C’est aussi insupportable, si le chrétien se permet de dire la vérité de ce quel ’autre dit, pense, vit. S’il interprète pour l’autre et à la place de l’autre. Les psychanalystes parlent d’interprétation sauvage. Et Nietzsche oppose le perspectivisme à ce point de vue unique hégélien. La prise en compte du Judaïsme interdit au chrétien de tomber dans cette tentation. Mais si le chrétien reconnaît sa particularité à côté de la particularité juive, s’il se situe comme une interprétation à côté d’une autre, un don et un appel de Dieu à côté d’un autre, alors peut-il devenir audible par le Judaïsme - et par le fait même audible par d’autres... Je me demande si cette dualité, non pas judéo-chrétienne, mais juive ET chrétienne, n’est pas l’un des canaux par lesquels nous pouvons ensemble apporter quelque chose de particulier et d’original à la vie du monde. L’accomplissement, la tension entre « maintenant» et le «temps de la promesse» Cela renvoie aussi à la question de l’es chaton, du temps à venir, du temps qui vient. f. Nostra ætate : Avec les prophètes et l’Apôtre [Paul], l’Église attend le jour, connu de Dieu seul ,où tous les peuples invoqueront le Seigneur d'une seule voix et "le serviront sous un même joug"(Sophonie. 3-9 )Et j’ai entendu à New-York le Grand Rabbin d’Argentine raconter l’histoire attribuée à Martin Buber: Quand, à la fin, le Messie rassemblera tous les peuples, nous aurons envie de lui poser la question: «étiez-vous déjà venu?». Mais, ajoutait Martin Buber, il ne me demandera sans doute© Sens et AJCF – site www.ajcf.fr
Francis Deniau : Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme?
6-Pas de conseil, mais s’il me le demandait, je lui conseillerais de ne pas répondre... Israël et l’Église sont loin encore, l’un et l’autre, de la rédemption espérée. Le monde où nous sommes n’est pas le Royaume de Dieu. Hélas, il en est souvent fort loin, même si, selon l’Évangile, le Royaume de Dieu le travaille à la manière d’un ferment. Ici, le reproche fait à l’Église est à la fois, paradoxalement, de s’être trop engagée dans l’histoire (prenant la place d’Israël) et d’avoir ignoré les nécessités et les vicissitudes de l’histoire. Mais ce paradoxe décrit assez bien la réalité historique, et en tout cas pointe sur une tentation de l’Église: se croire étranger au processus historique, se croire déjà dans le monde d’après, c’est risquer d’être dans l’histoire réelle de manière d’autant plus folle qu’on ne s’y croit pas présent. Marx, dans l’idéologie allemande, ironisait sur «ces doctes sires qui se demandent sans cesse comment passer du Royaume de Dieu au royaume des hommes, sans se rendre compte qu’ils sont sans cesse et sans s’en douter dans ce royaume des hommes dont ils cherchent maintenant le chemin». Le dialogue presse les chrétiens de retrouver le sens d’une espérance eschatologique qui soit en même temps engagement concret dans le souci des autres, service du « prochain » qui n’a rien d’abstrait mais est le proche au sens de Lévitique 19, ou de la parabole du Samaritain. Sans angélisme, cet angélisme dont se méfie à juste titre la tradition juive. Pour le chrétien, il y a un accomplissement des Écritures, l’accomplissement en Jésus-Christ et dans l’Église des promesses divines. Mais, comme le rappelle Nostra ætate, nous attendons toujours le jour où tous les peuples invoqueront le Seigneur d’une seule voix et le serviront sous un même joug. Il est longuement abordé dans Le peuple Juif et ses saintes Écritures dans la Bible chrétienne, P. 51-53., dans une double direction: d’une part ce que disent les chrétiens de l’accomplissement des prophéties dans le mystère du Christ mort et ressuscité ne supprime pas le sens immédiat des paroles des prophètes, ni les relectures juives; d’autre part l’accomplissement dont nous sommes témoins est encore partiel et provisoire. «Ce qui est déjà accompli dans le Christ doit encore s’accomplir en nous et dans le monde. L’accomplissement définitif sera celui de la fin, avec la résurrection des morts, les cieux nouveaux et la terre nouvelle. L’attente juive messianique n’est pas vaine. Elle peut devenir un puissant stimulant à maintenir vivante la dimension eschatologique de notre foi. Nous comme eux, nous vivons dans l’attente. La différence[cf. l’histoire de Martin Buber] est que pour nous Celui qui viendra aura les traits de ce Jésus qui est déjà venu et est déjà présent et agissant dans l’histoire.» Il y aurait à penser le rapport ancien/nouveau, rapport toujours à l’œuvre et jamais figé, y comprise ce qui concerne l’un et l’autre Testament (cf. P. Beauchamp)
Comment ceux qui croient en Jésus peuvent-ils reconnaître le non des Juifs à Jésus - et dans quelle mesure peuvent-ils exprimer ce qu’ils vivent de manière audible par l’Israël qui leur est contemporain? Pour moi, dans mon itinéraire de foi et dans ma responsabilité ecclésiale, c’est la double question devant laquelle je suis. Les réflexions qui précèdent me menaient jusque-là, et elles apportent sans© Francis Deniau : Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme?
7- Doute quelque lumière sur cette ultime question devant laquelle je demeure perplexe Je ne sais comment cette double question sera perçue du côté juif. Mais pour moi chrétien, elle ouvre sur tout un travail à la fois théologique, spirituel et pratique. Je suis incapable de développer aujourd’hui. Juste quelques notes. Peut-être y a-t-il dans l’approche chrétienne quelque chose qui est irréductiblement non-juif. Mais il y a aussi eu un moment où des Juifs, dans leur sensibilité et leur tradition juives, ont approché delà résurrection de Jésus et ont été conduits à approcher du scandale de la croix en le relisant à la lumière des Écritures.
7- Doutes quelque lumière sur cette ultime question devant laquelle je demeure perplexe Je ne sais comment cette double question sera perçue du côté juif. Mais pour moi chrétien, elle ouvre sur tout un travail à la fois théologique, spirituel et pratique. Je suis incapable de développer aujourd’hui. Juste quelques notes. Peut-être y a-t-il dans l’approche chrétienne quelque chose qui est irréductiblement non-juif. Mais il y a aussi eu un moment où des Juifs, dans leur sensibilité et leur tradition juives, ont approché delà résurrection de Jésus et ont été conduits à approcher du scandale de la croix en le relisant à la lumière des Écritures. Les chrétiens peuvent-ils retrouver cela, sans renoncer à leur foi, pour l’exprimer de façon audible ? Audible par les Juifs, mais aussi audible plus largement dans le monde d’aujourd’hui ? Est-ce un des points sur lesquels tradition juive ET tradition chrétienne peuvent, dans leurs différences, dire quelque chose au monde d’aujourd’hui ? En ce qui concerne la résurrection de Jésus. Le nouveau Testament la présente souvent en relation avec la foi pharisienne en la résurrection. Enracinée dans l’espérance que Dieu n’abandonne pas ses fidèles dans la mort, que la fidélité à la volonté de Dieu, aux mitzvot, à la Torah, n’aboutit pas à une impasse, que l’image de Dieu en l’homme est indestructible, même là où, hélas, les événements de l’histoire laisseraient à penser le contraire. S’il en est ainsi, ce que disent les chrétiens de Jésus n’est pas étranger au judaïsme. La séparation entre nous se fera sur l’actualité de la résurrection de Jésus, anticipation pour les chrétiens de cette résurrection au dernier jour que nous évoquions tout à l’heure. Et aussi pour nous force d’espérance qui permet de nous rendre activement solidaires de ceux et celles dont la dignité humaine est bafouée. En ce qui concerne le sens de la croix du Christ. C’est audacieux. Je n’oublie pas que pour les Juifs, la croix du Christ a été au long des siècles plus signe de persécution que d’ouverture. Mais c’est audacieux aussi pour les chrétiens, puisque c’est ce qui est au cœur de notre foi qu’il s’agit de nous risquer d’exprimer à frais nouveaux...Là aussi, l’affirmation chrétienne n’est pas étrangère au Judaïsme3, aux grands textes du second Isaïe qui parlent d’abord d’Israël, mais aussi du prophète qui prononce ou écrit ces passages -mais qu’une relecture chrétienne lit en fonction de Jésus. Comment, pour le chrétien, lire ces textes (et les psaumes) sans en dépouiller Israël ? Comment la lecture (les multiples relectures) juive va-t-elle instruire l’approche chrétienne ? Mais aussi comment va-t-elle la rendre audible parce qu’enracinée dans la lecture juive et respectueuse de cette lecture ? Je ne fais que poser des questions sur lesquelles les chrétiens ont à travailler. Un dernier mot pour faire écho à une conférence d’Emmanuel Levinas
Il continue depuis trente-3cf. Le peuple juif et ses Saintes Écritures..., cité plus haut. Cf. aussi Armand Abécassis, Judaïsmes, de l'hébraïsme aux messianités juives, Albin Michel, 2006 A la semaine des intellectuels catholiques, en 1968 : "Un Dieu homme ?" in Qui est Jésus-Christ, Recherches et débats, n°62, Desclée de Brouwer, 1968, pp. 186-192
Francis Deniau : Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme ?
8- Huit ans d’habilitation, Invité à s’interroger avec des orateurs chrétiens sur « un Homme-Dieu ?», Levinas, après avoir renvoyé de côté les interprétations païennes, s’interroge sur ce qui peut être audible par la philosophie des idées théologiques chrétiennes, qui bouleversent les catégories de notre représentation. Il retrouve dans les affirmations chrétiennes quelque chose de l’humilité de Dieu, qui est si fortement présente dans la Bible, mais aussi qui est la seule manière pour la Transcendance de se manifester sans être immédiatement récupérée dans l’ordre du monde. Le visage de l’autre, l’en-face de l’autre dans son dépouillement et sa nudité, est aussi «le dénuement et la pauvreté de l’absence qui constitue la proximité de Dieu - la trace.» « Mais la trace n’est pas un mot de plus : elle est la proximité de Dieu dans le visage de mon prochain.» Cela va situer la relation avec l’Infini, non comme une connaissance mais une proximité, préservant la démesure de l’inenglobable qui affleure. Cela veut dire aussi que le Dieu qui se révèle ne peut le faire qu’incognito, dans l’énigme du visage de l’autre homme. Le second thème que développe Emmanuel Lévinas relève de la substitution, de la responsabilité d’autrui et pour autrui. Il souligne que cela non plus ne peut être repris dans des catégories, mais relève du Moi. C’est même, dans notre contexte culturel, la seule source de la subjectivité. Cette source n’est pas dans l’activité ni dans la conscience, mais dans la passivité et la dessaisie de soi liées à la responsabilité pour les autres. Bien sûr, comme l’avait d’emblée admis Lévinas, cette approche philosophique «sera jugée insuffisante par le croyant chrétien». Elle nous indique pourtant des pistes fécondes pour parler de la foi chrétienne selon des thèmes qui peuvent être audibles...Conclusion: Parole de Dieu reçue et humanisation de l’humanité Nous avons abordé trois questions: •la reconnaissance par le christianisme de sa particularité, de sa contemporanéité avec Israël, d’une vocation à l’égard de l’ensemble du monde qui ne peut que partir de là; les tentations chrétiennes de s’y croire déjà, et la nécessité de prendre au sérieux l’histoire présente avec ses joies et ses malheurs.
L’humilité de Dieu qui se révèle, et le dessaisissement du moi, qui le constitue par l’irresponsabilité assumée devant l’autre et pour l’autre. Il me semble que Juifs et Chrétiens peuvent se rejoindre là sont appelés à se rejoindre là pour un service commun de l’humanité. Nous pouvons agir ensemble pour la guérison du siècle, agir ensemble au service de la justice et de la reconnaissance de la dignité de chaque personne créée à l’image de Dieu et appelée à vivre selon sa ressemblance. Chacun selon notre vocation, nous portons ce souci commun, avec les diverses initiatives prises à Francis Deniau : Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme ?
9- l’échelle du monde Mais dans cet agir ensemble, il y a la source. Peut-être est-ce essentiel dans ce dont le monde d’aujourd’hui a besoin ? En deçà, pour l’une et l’autre tradition, il y a la prétention de recevoir une Parole révélée, parole qui n’est pas qu’humaine et qui est plus qu’humaine. Ce n’est recevable que lorsqu’on perçoit bien que cela renvoie en vérité au souci des autres, et à l’humanisation de l’humanité. Cette approche du Dieu de la révélation, qui s’est remis entre nos mains, est un défi commun, dans lequel nous pouvons sûrement nous apporter les uns aux autres - dans un monde qui, depuis trois siècles, est porté à refuser tout cela (révélation, élection, parole et réponse) au nom d’une universalité abstraite, ou de l’affirmation que l’homme est l’être suprême pour l’homme (Feuerbach).Cette référence à une Transcendance qui ne se laisse pas replacer dans la cohérence de l’univers, qui rompt l’ordre du monde, qui ne se laisse approcher que dans l’humilité de la vérité persécutée, pour reprendre le mot de Lévinas, Juifs ET chrétiens, nous pouvons en porter le témoignage ensemble, avec la crédibilité que peut nous donner ce témoignage commun dans une différence irréductible. Nos vocations pour l’humanité, dans leur différence, peuvent maintenir ouverte cette brèche. *Nous pouvons, chrétiens, porter ces attentions. Aux Juifs de nous dire ce qu’ils peuvent en faire. Ce8- Huit ans d’habilitation, Invité à s’interroger avec des orateurs chrétiens sur « un Homme-Dieu ?», Levinas, après avoir renvoyé de côté les interprétations païennes, s’interroge sur ce qui peut être audible par la philosophie des idées théologiques chrétiennes, qui bouleversent les catégories de notre représentation. Il retrouve dans les affirmations chrétiennes quelque chose de l’humilité de Dieu, qui est si fortement présente dans la Bible, mais aussi qui est la seule manière pour la Transcendance de se manifester sans être immédiatement récupérée dans l’ordre du monde. Le visage de l’autre, l’en-face de l’autre dans son dépouillement et sa nudité, est aussi le dénuement et la pauvreté de l’absence qui constitue la proximité de Dieu - la trace.» « Mais la trace n’est pas un mot de plus : elle est la proximité de Dieu dans le visage de mon prochain.» Cela va situer la relation avec l’Infini, non comme une connaissance mais une proximité, préservant la démesure de l’inenglobable qui affleure. Cela veut dire aussi que le Dieu qui se révèle ne peut le faire qu’incognito, dans l’énigme du visage de l’autre homme. Le second thème que développe Emmanuel Lévinas relève de la substitution, de la responsabilité d’autrui et pour autrui. Il souligne que cela non plus ne peut être repris dans des catégories, mais relève du Moi. C’est même, dans notre contexte culturel, la seule source de la subjectivité. Cette source n’est pas dans l’activité ni dans la conscience, mais dans la passivité et la dessaisie de soi liées à la responsabilité pour les autres. Bien sûr, comme l’avait d’emblée admis Lévinas, cette approche philosophique «sera jugée insuffisante par le croyant chrétien». Elle nous indique pourtant des pistes fécondes pour parler de la foi chrétienne selon des thèmes qui peuvent être audibles...Conclusion: Parole de Dieu reçue et humanisation de l’humanité Nous avons abordé trois questions: la reconnaissance par le christianisme de sa particularité, de sa contemporanéité avec Israël, d’une vocation à l’égard de l’ensemble du monde qui ne peut que partir de là;•les tentations chrétiennes de s’y croire déjà, et la nécessité de prendre au sérieux l’histoire présente avec ses joies et ses
L’humilité de Dieu qui se révèle, et le dessaisissement du moi, qui le constitue par l’irresponsabilité assumée devant l’autre et pour l’autre. Il me semble que Juifs et Chrétiens peuvent se rejoindre là sont appelés à se rejoindre là pour un service commun de l’humanité. Nous pouvons agir ensemble pour la guérison du siècle, agir ensemble au service de la justice et de la reconnaissance de la dignité de chaque personne créée à l’image de Dieu et appelée à vivre selon sa ressemblance. Chacun selon notre vocation, nous portons ce souci commun, avec les diverses initiatives prises à Francis Deniau : Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme ?
là, par définition, nous échappe. Et nous ne devons ni ne pouvons dire quelque chose pour plaire, ni interpréter à notre manière l’évaluation faite par l’autre. Francis Deniau Dimanche 29 octobre 2006 Colloque de l’AJCF et du Bn'ai British sur le thème :
"Judaïsme et Christianisme : un pas vers la reconnaissance mutuelle".