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Le blog de mim-nanou75.over-blog.com

Bienvenue sur mon site Une innovation pour mes anciens lecteurs, désormais je traite de divers sujet, en premier La religion judéo chrétienne signé" Monique Emounah", pour ceux qui ne peuvent se déplacer à l'églises quelques soit la raison, et le lieu de leurs résidences ils peuvent suivre les offices du jour, la politique (LR) et les infos, la poésie et les arts en général. Mes écrits, signé (Alumacom) également mes promos de mes dernières parutions et quelquefois un rappel pour mes anciens écrits. Merci de votre attention,

Francis Deniau : Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme ?

Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme ? 
ou : être audibles en demeurant nous-mêmes

Texte de l’intervention de Mgr Francis Deniau le dimanche 29 octobre 2006 pour le Colloque de l’ AJCF et du Bn’ai Brith sur le thème : 
"Judaïsme et Christianisme : un pas vers la reconnaissance mutuelle".

Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme ? ou : être audibles en demeurant nous -mêmes Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme, ce n’est pas à un chrétien de le dire; on a noté depuis toujours la dissymétrie qui affecte la relation . Cette dissymétrie, qui est constitutive, demeure aujourd’hui.   Elle est soulignée par les maîtres juifs.     Elle   est   aussi   sous-jacent   à   l’image   paulinienne   de   l’olivier   greffé   à   l’envers.     Mais l’intéressant,   ce  sont   les  voix  qui,  dans   le   Judaïsme   (et   dans  l’orthodoxie   juive)   manifestent  de l’intérêt pour le fait que, grâce au christianisme et malgré toutes les blessures et les traumatismes de l’histoire, quantité de non-juifs ont été touchés par la Torah d’Israël, par le Dieu d’Israël, qui est aussi l’Unique, le créateur du monde et de l’homme, Celui qui a fait l’humanité à son image...Ce qu’un chrétien peut dire: à quoi sommes-nous appelés, nous chrétiens, pour être acceptables devant les Juifs, tout en demeurant clairement chrétiens?  Gilles Bernheim aime à dire que « ce qui fait la grandeur d’une religion réside [non pas dans son pouvoir de conviction, et à plus forte raison dans son pouvoir de coercition, mais] dans sa capacité donner à penser à ceux qui ne croient pas dans cette religion »

.1 C’est le contraire d’un langage clos, langage   de   la   tribu, qui   n’est   audible   que   par   les   croyants   de   cette   religion, et   qui   ne   se préoccupe pas de sa recevabilité à l’extérieur (recevabilité qui n’est pas en soi un critère de vérité mais   qui   oblige   à   faire   la   vérité ;    L’importance   renouvelée   de   la   théologie   fondamentale). Contraire   de   la   fermeture   dans   le   particularisme, contraire   qui   suppose   la   reconnaissance   et l’acceptation de sa particularité. De là ma question : qu’a le chrétien à faire, à être, pour que cela devienne possible ? Trois préalables et trois questionsPréalables1.Permanence d’Israël. Les   chrétiens   ont   redécouvert   le   peuple   d’Israël, sa   légitimité   et   ses   origines, et   surtout   sa contemporanéité, sa   raison   d’être   dans   l’histoire.     À   partir   de   là, l’identité   de   celui   fait   cette découverte est elle-même remise en question.   Je peux apporter quelque chose à l’autre mais, tout   autant, la   présence   de   l’autre   me   bouleverse   et   peut   aussi   renouveler   mon   identité.  La rencontre de l’Église avec le Judaïsme remet en question l’identité de l’Église.  L’Église devient ainsi plus incertaine quant à son rôle au côté du Judaïsme, quant à la nature de l’Alliance qu’elle croit conclue entre Dieu et l’Église, par la médiation de Jésus reconnu comme Christ, Messie. Comment pouvons-nous exprimer notre foi, dans le respect de la vie du Peuple de Dieu qu’est et Voir « Un rabbin dans la cité, Calmann-Lévy, p.200 »

 

 Francis Deniau : Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme ?

2 que demeure à nos yeux le peuple d’Israël, alors que nous avons souvent dit que c’était désormais l’Église qui était le peuple de Dieu ? Parlera-t-on de deux Alliances, ou de l’unique Alliance qui fait place à l’une et l’autre fidélités ?  En tout cas, il s’agit pour les chrétiens (et d’autres non-juifs) de prendre en compte le secret de la perpétuation du peuple juif- qui est toujours quelque chose de très mystérieux pour un non juif. Pour le   chrétien, cette   exigence est d’abord  la   reconnaissance   d’Israël   comme  peuple   de   Dieu, peuple de l’Alliance (cette Alliance qui n’a jamais été révoquée, disait Jean-Paul II).  L’étonnement devant la permanence d’Israël n’est pas d’abord un étonnement historique ou sociologique, mais une contemplation de la fidélité de Dieu, une reconnaissance du lien d’Israël avec la Parole de Dieu reconnaissance d’Israël comme peuple de la Torah, comme peuple porteur du Ta NaK. Cette   dimension   ne   sera   d’ailleurs   pas   sans   conséquence   sur   l’interprétation   chrétienne   des Ecritures. Cela a été montré récemment dans le texte de la Commission biblique pontificale :  le peuple   juif   et   ses   Saintes   Écritures   dans   la   Bible   chrétienne.   Il   ne   s’agit pas   de   renoncer   à   une lecture   chrétienne   des   Écritures   juives,   mais   de   l’accepter   comme   une   des   lectures, concurremment ou mieux conjointement avec la lecture juive  -  l’une et l’autre étant bien entendu  plurielles. Ces deux lectures contemporaines supposent deux traditions, deux peuples de Dieu, même si les mots de tradition et de peuple n’ont pas le même sens pour l’un et pour l’autre. « Un peuple tirée toutes les nations» ne s’approche pas de la même façon que le peuple des fils d’Israël.   La catholicité de l’Église est autre chose que le qahal Israël.  Mais les deux subsistent l’un à côté de l’autre.  La nouvelle prise en compte de la permanence d’Israël bouscule l’Église, ses habitudes de pensée, sa manière de s’approcher d’elle-même. On   le   voit   bien   dans   le   texte   de   Vatican   II   consacré   aux   relations   de   l’Église   avec   le   Judaïsme, Nostra ætate n°4 : Scrutant le mystère de l’Église, le Concile rappelle le lien qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament avec la lignée d'Abraham. L’église   du   Christ, en   effet, reconnaît   que   les   prémices   de   sa   foi   et   de   son   élection   se trouvent, selon le mystère divin du salut, dans les patriarches, Moïse et les prophètes. Elle confesse que tous les fidèles du Christ, fils d'Abraham selon la foi (cf. Ga 3,7)), sont inclus dans la vocation de ce patriarche et que le salut de l’Église est mystérieusement préfiguré dans la sortie du peuple élu hors de la terre de servitude. C'est pourquoi l’Église ne peut oublier qu'elle a reçu la révélation de l'Ancien Testament par ce peuple avec lequel Dieu, dans sa miséricorde indicible, a daigné conclure l'antique Alliance, et qu'elle se nourrit de  la racine de l'olivier franc sur lequel ont été greffés les rameaux de l'olivier sauvage, que sont les gentils (cf. Ro 11, 17-24).Manifester cela et cheminer avec cela est sans doute le préalable pour que l’existence de l’Église puisse à son tour être prise en compte positivement par le judaïsme (au-delà des traumatismes du passé, au-delà de la repentance de l’Église)

Francis Deniau : Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme ?

C’est une première condition, qui est préalable à toute autre.

Mais le chrétien, bien sûr, croit en Jésus. En revenir à une christologie basse, fut-ce-t ’elle judéo-chrétienne, c’est ne plus être chrétien.   Ce qui sépare Judaïsme et Christianisme, ce n’est pas la reconnaissance de Jésus comme Rabbi, ni comme prophète, ni   même   peut-être   comme   Messie   ou   Christ,   c’est   sa   reconnaissance   comme   le   Fils Unique   du   Père.     On   peut   se   désoler   que   l’Église   des   premiers   siècles   ait   éliminé   les   judéo-chrétiens; ou qu’elle n’ait pas préservé la Torah pour les Juifs même devenus chrétiens; ou qu’elle n’est pas répondu aux attentes des Juifs du premier siècle, mais on ne reconstruit pas l’histoire, et un   chrétien   ne   peut   revenir   sur   ce   qui   fait   sa   foi,   dans   ce   qu’elle   a   d’inouï   et   peut   avoir d’insupportable; la question est de la dire d’une manière qui soit recevable, pour ce qui peut en être recevable  -  il y aura toujours ce qui ne peut être entendu qu’en devenant soi-même chrétien, et qui demeurera donc inaudible pour un Juif.  Mais peut-être la césure se situe-t-elle ailleurs que ce que les   Juifs   ont toujours   pensé  ET  ailleurs   de  ce  que  les  Chrétiens  ont toujours  pensé?    Le dialogue conduit les Chrétiens à un approfondissement, à des perplexités, à des remises en cause, que nous devons vivre, qui sont pour nous un appel de Dieu à partir de ce dialogue et en vue de ce dialogue, mais   qui   mettent   en   jeu   de   manière   beaucoup   plus   vaste   l’ensemble   de   la   tradition chrétienne et de notre expression de la foi

S’il nous faut rester nous-mêmes, et donc dans la foi en Jésus, était-il pour autant nécessaire que le passage aux païens se fasse au prix de la condamnation d’Israël perçu comme infidèle et rejeté, comme l’a trop répété la tradition chrétienne ?  La disparition d’un christianisme d’expression juive dans le courant du deuxième   siècle de l’ère  chrétienne  est probablement un  drame ;Francis Deniau: Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme?4commençons seulement à mesurer la dimension2.  La question « aurait-elle pu être évitée » ? est stérile: on ne reconstruit pas l’histoire.  La vraie question est: quelles conséquences en tirer pour aujourd’hui? comment interpréter cette histoire? et comment faire droit à cette expression juive du christianisme dans le passé?   -   mais aussi : que peut signifier aujourd’hui la présence d’une communauté chrétienne hébréophone, minorité parmi les minorités, en terre d’Israël ? Mais la question est aussi : comment le christianisme des Nations peut-il réellement reconnaître ce qu’il doit à Israël ?  Les chrétiens ont redécouvert aujourd’hui les chapitres 9 à 11 de la lettre de Paul aux Romains.  Et Nostra ætate (cité plus haut) remet en valeur la gratitude des chrétiens vis-à-vis du Judaïsme C’est donc l’appel à une nouvelle façon de se situer pour l’Église. Que nous soyons celles et ceux grâce   à qui la Torah d’Israël, le  Dieu  d’Israël,  intéressent  les  nations...    Cela   ne   peut nous être donné que par une grâce de Dieu. Une grâce qui, au premier abord, prend tout à l’envers : c’est l’image de l’olivier sauvage greffé sur l’olivier franc. C’est un second préalable

3. Dans la tradition chrétienne Le dialogue est dialogue entre deux traditions. Quand on parle de tradition, on parle de la vie et de la pratique de toute une communauté. Il ne s’agit donc pas seulement de la rencontre de quelques spécialistes du dialogue, responsables institutionnels ou théologiens. Du point de vue chrétien, c’est l’effort pour que ce qui a été exprimé à Vatican II par les évêques du monde entier passe dans la   vie   des   communautés   chrétiennes,  des   paroisses,   dans   les   réflexes   spontanés   du  peuple chrétien.  C’est en cours, et fortement encouragé par les responsables de l’Église catholique.  Mais il faut reconnaître que nous avons encore beaucoup à faire.  D’autre part, la rencontre de deux traditions, ce n’est pas la recherche d’accommodements pour aboutir   à   une   espèce   de   synthèse   ou   à   un   compromis.   Nous   n’aurions   alors   plus   rien   à   nous apporter. Le dialogue s’interdit à la fois le projet de faire changer l’autre de religion -  et celui de taire les questions qui fâchent, les différences irréductibles.  Nous sommes d’accord sur le fait que nous ne sommes pas d’accord.  Et c’est de là que nous partons, avec la prétention à la vérité qu’est celle de chacun, et qui reconnaît la prétention à la vérité de l’autre. 

4. Ce qui est tout autre chose que le relativisme ou le «à chacun sa vérité». Autre chose que la tolérance qui signifie souvent : «tu penses ce que tu veux, je m’en fous». Non : nous ne sommes pas d’accord, mais ce que tu penses,   ce   que   tu   vis,   me   concerne   et   me   parle,   et   me   fait   bouger   dans   ma   propre   tradition religieuse. Dans   cette   rencontre   de   deux   traditions,   la   tradition   chrétienne,   rencontrant   la   tradition   juive, peut aussi apprendre d’elle ce qu’est une vraie tradition.   Non pas: «tout le monde a toujours dit»; mais «rabbi X a dit ceci, et rabbi Y au nom de rabbi Z lui a répondu cela; et les sages ont suivi telle opinion».  Et si l’opinion de la majorité prévaut, il y a aussi une position minoritaire qui doit être respectée...  Personnellement, je crois que la tradition chrétienne travaille aussi de cette. Jean-Marie Lustiger, la promesse, Parole et Silence.

 

5 manière.  Les discussions entre écoles théologiques en sont témoin.  Et aussi les écrits du Nouveau Testament. Mais les chrétiens ont tendance à l’occulter (différemment selon les Églises).Questions1.Particulier et universel Une   tentation   chrétienne   est   de   se   situer   d’emblée   au   plan   de   l’universel,  en   oubliant   sa particularité  et   son   particularisme   (c’est   à   ce   moment-là   son   particularisme   qu’on   universalise, comme   il   est   aussi   arrivé   à   la   philosophie   des   Lumières,   lucide   à   ce   propos   au   sujet   du christianisme,   mais   pas   à   son   propre   sujet).  Petite   Église   dans   le   vaste   monde,  et   situation(nouvelle en Occident) de minoritaires. Mais en même temps le non-renoncement à l’universel est une question pour les chrétiens (tentés de se replier sur la secte chrétienne), comme elle l’est pour le  Juifs. Il y a une tentation hégélienne du christianisme.   Nous serions au soir du monde, et le chrétien aurait enfin le point de vue qui lui permettrait de tout interpréter, et de récapituler en pensée toute  l’histoire   du  monde.     Tel   l’oiseau   de   Minerve qui   ne   se   lève   qu’à   la  nuit.     Penser   en   ces termes est très tentant.    C’est tenir en son esprit  la totalité  de  l’histoire, voire  la faire  advenir comme dira Marx.  C’est aussi insupportable, si le chrétien se permet de dire la vérité de ce quel ’autre dit, pense, vit.  S’il interprète pour l’autre et à la place de l’autre.  Les psychanalystes parlent d’interprétation   sauvage.   Et   Nietzsche   oppose   le   perspectivisme   à   ce   point   de   vue   unique hégélien. La prise en compte du Judaïsme interdit au chrétien de tomber dans cette tentation.   Mais si le chrétien   reconnaît   sa   particularité   à   côté   de   la   particularité   juive,   s’il   se   situe   comme   une  interprétation   à   côté   d’une   autre,   un   don   et   un   appel   de   Dieu   à   côté   d’un   autre,   alors   peut-il devenir audible par le Judaïsme  -  et par le fait même audible par d’autres...  Je me demande si cette dualité, non pas judéo-chrétienne, mais juive ET chrétienne, n’est pas l’un des   canaux   par   lesquels   nous   pouvons   ensemble   apporter   quelque   chose   de   particulier   et d’original à la vie du monde. L’accomplissement, la tension entre « maintenant» et le «temps de la promesse» Cela renvoie aussi à la question de l’es chaton, du temps à venir, du temps qui vient. f. Nostra ætate : Avec les prophètes et l’Apôtre [Paul], l’Église attend le jour, connu de Dieu seul ,où tous les peuples invoqueront le Seigneur d'une seule voix et "le serviront sous un même joug"(Sophonie. 3-9 )Et   j’ai   entendu   à   New-York   le   Grand   Rabbin   d’Argentine   raconter   l’histoire   attribuée   à   Martin Buber: Quand, à la fin, le Messie rassemblera tous les peuples, nous aurons envie de lui poser la question: «étiez-vous déjà venu?».  Mais, ajoutait Martin Buber, il ne me demandera sans doute© Sens et AJCF – site www.ajcf.fr

Francis Deniau : Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme?

6-Pas de conseil, mais s’il me le demandait, je lui conseillerais de ne pas répondre...  Israël et l’Église sont loin encore, l’un et l’autre, de la rédemption espérée.   Le monde où nous sommes n’est pas le Royaume de Dieu.  Hélas, il en est souvent fort loin, même si, selon l’Évangile, le Royaume de Dieu le travaille à la manière d’un ferment.   Ici, le reproche fait à l’Église est à la fois, paradoxalement, de s’être trop engagée dans l’histoire (prenant la place d’Israël) et d’avoir ignoré les nécessités et les vicissitudes de l’histoire.  Mais ce paradoxe décrit assez bien la réalité historique, et en tout cas pointe  sur  une  tentation  de   l’Église:  se  croire  étranger  au  processus historique,   se   croire   déjà   dans   le   monde   d’après,   c’est   risquer   d’être   dans   l’histoire   réelle   de manière d’autant plus folle qu’on ne s’y croit pas présent.  Marx,   dans  l’idéologie   allemande,   ironisait   sur   «ces   doctes   sires   qui   se   demandent   sans   cesse comment passer du Royaume de Dieu au royaume des hommes, sans se rendre compte qu’ils sont sans   cesse  et  sans  s’en   douter   dans   ce  royaume  des  hommes   dont  ils  cherchent maintenant  le chemin».  Le dialogue presse les chrétiens de retrouver le sens d’une espérance eschatologique qui soit en même temps engagement concret dans le souci des autres, service du « prochain » qui n’a rien d’abstrait   mais   est   le   proche   au   sens   de Lévitique 19,   ou   de   la   parabole   du   Samaritain.     Sans angélisme, cet angélisme dont se méfie à juste titre la tradition juive. Pour  le   chrétien,  il  y   a  un   accomplissement  des  Écritures,  l’accomplissement  en  Jésus-Christ  et dans   l’Église   des   promesses   divines.     Mais,  comme   le   rappelle  Nostra   ætate,   nous   attendons toujours le jour où tous les peuples invoqueront le Seigneur d’une seule voix et le serviront sous un même joug.  Il est longuement abordé dans Le peuple Juif et ses saintes Écritures dans la Bible chrétienne,  P.   51-53.,   dans   une   double   direction:   d’une   part   ce   que   disent   les   chrétiens   de l’accomplissement des prophéties dans le mystère du Christ mort et ressuscité ne supprime pas le sens immédiat des paroles des prophètes, ni les relectures juives; d’autre part l’accomplissement dont nous sommes témoins est encore partiel et provisoire.   «Ce qui est déjà accompli dans le Christ doit encore s’accomplir en nous et dans le monde.  L’accomplissement définitif sera celui de la   fin,   avec   la   résurrection   des   morts,   les   cieux   nouveaux   et   la   terre   nouvelle.     L’attente   juive messianique   n’est   pas   vaine.     Elle   peut   devenir   un   puissant   stimulant   à   maintenir   vivante   la dimension eschatologique de notre foi.  Nous comme eux, nous vivons dans l’attente.  La différence[cf. l’histoire de Martin Buber] est que pour nous Celui qui viendra aura les traits de ce Jésus qui est déjà venu et est déjà présent et agissant dans l’histoire.» Il y aurait à penser le rapport ancien/nouveau, rapport toujours à l’œuvre et jamais figé, y comprise ce qui concerne l’un et l’autre Testament (cf. P. Beauchamp)

 Comment ceux qui croient en Jésus peuvent-ils reconnaître le non des Juifs à Jésus  -  et dans quelle mesure peuvent-ils exprimer ce qu’ils vivent de manière audible par l’Israël qui leur est contemporain? Pour moi, dans mon itinéraire de foi et dans ma responsabilité ecclésiale, c’est la double question devant laquelle je suis. Les réflexions qui précèdent me menaient jusque-là, et elles apportent sans© Francis Deniau : Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme?

7- Doute quelque lumière sur cette ultime question devant laquelle je demeure perplexe Je ne sais comment cette double question sera perçue du côté juif.  Mais pour moi chrétien, elle ouvre sur tout un travail à la fois théologique, spirituel et pratique. Je suis incapable de développer aujourd’hui. Juste quelques notes. Peut-être y a-t-il dans l’approche chrétienne quelque chose qui est irréductiblement non-juif. Mais il y a aussi eu un moment où des Juifs, dans leur sensibilité et leur tradition juives, ont approché delà résurrection de Jésus et ont été conduits à approcher du scandale de la croix en le relisant à la lumière   des   Écritures.    

7- Doutes quelque lumière sur cette ultime question devant laquelle je demeure perplexe Je ne sais comment cette double question sera perçue du côté juif.  Mais pour moi chrétien, elle ouvre sur tout un travail à la fois théologique, spirituel et pratique. Je suis incapable de développer aujourd’hui. Juste quelques notes. Peut-être y a-t-il dans l’approche chrétienne quelque chose qui est irréductiblement non-juif. Mais il y a aussi eu un moment où des Juifs, dans leur sensibilité et leur tradition juives, ont approché delà résurrection de Jésus et ont été conduits à approcher du scandale de la croix en le relisant à la lumière   des   Écritures.     Les   chrétiens   peuvent-ils   retrouver   cela, sans   renoncer   à   leur   foi, pour l’exprimer   de   façon   audible ?   Audible   par   les   Juifs, mais   aussi   audible   plus   largement   dans   le monde d’aujourd’hui ?   Est-ce un des points sur lesquels tradition juive ET tradition chrétienne peuvent, dans leurs différences, dire quelque chose au monde d’aujourd’hui ? En ce qui concerne la résurrection de Jésus.  Le nouveau Testament la présente souvent en relation avec la foi pharisienne en la résurrection.  Enracinée dans l’espérance que Dieu n’abandonne pas ses fidèles dans la mort, que la fidélité à la volonté de Dieu, aux mitzvot, à la Torah, n’aboutit pas à une   impasse, que   l’image   de   Dieu   en   l’homme   est   indestructible, même   là   où, hélas,   les événements de l’histoire laisseraient à penser le contraire. S’il en est ainsi, ce que disent les chrétiens de Jésus n’est pas étranger au judaïsme. La séparation entre nous se fera sur l’actualité de la résurrection de Jésus, anticipation pour les chrétiens de cette résurrection au dernier jour que nous évoquions tout à l’heure.   Et aussi pour nous force d’espérance   qui permet de   nous   rendre   activement solidaires de ceux  et  celles   dont  la  dignité humaine est bafouée. En ce qui concerne le sens de la croix du Christ.  C’est audacieux.  Je n’oublie pas que pour les Juifs, la croix du Christ a été au long des siècles plus signe de persécution que d’ouverture.  Mais c’est audacieux aussi pour les chrétiens, puisque c’est ce qui est au cœur de notre foi qu’il s’agit de nous risquer d’exprimer à frais nouveaux...Là aussi, l’affirmation chrétienne n’est pas étrangère au Judaïsme3, aux grands textes du second Isaïe qui parlent d’abord d’Israël, mais aussi du prophète qui prononce ou écrit ces passages   -mais qu’une relecture chrétienne lit en fonction de Jésus.   Comment, pour le chrétien, lire ces textes (et les psaumes) sans en dépouiller Israël ?   Comment la lecture (les multiples relectures) juive va-t-elle instruire l’approche   chrétienne ?   Mais aussi comment va-t-elle la rendre audible parce qu’enracinée dans la lecture juive et respectueuse de cette lecture ? Je ne fais que poser des questions sur lesquelles les chrétiens ont à travailler. Un dernier mot pour faire écho à une conférence d’Emmanuel Levinas

Il continue depuis trente-3cf. Le peuple juif et ses Saintes Écritures..., cité plus haut.  Cf. aussi Armand Abécassis, Judaïsmes, de l'hébraïsme aux messianités juives, Albin Michel, 2006 A la semaine des intellectuels catholiques, en 1968 : "Un Dieu homme ?"  in Qui est Jésus-Christ, Recherches et débats, n°62, Desclée de Brouwer, 1968, pp. 186-192

Francis Deniau : Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme ?

8- Huit ans d’habilitation, Invité   à   s’interroger   avec   des   orateurs   chrétiens   sur « un   Homme-Dieu ?»,   Levinas,   après   avoir renvoyé   de   côté   les   interprétations   païennes,   s’interroge   sur   ce   qui   peut   être   audible   par   la philosophie   des   idées   théologiques   chrétiennes,   qui   bouleversent   les   catégories   de   notre représentation.  Il retrouve dans les affirmations chrétiennes quelque chose de l’humilité de Dieu, qui   est   si   fortement   présente   dans   la   Bible, mais   aussi   qui   est   la   seule   manière   pour   la Transcendance de se manifester sans être immédiatement récupérée dans l’ordre du monde.   Le visage de l’autre, l’en-face de l’autre dans son dépouillement et sa nudité, est aussi «le dénuement et la pauvreté de l’absence qui constitue la proximité de Dieu  -  la trace.»  « Mais la trace n’est pas un mot de plus : elle est la proximité de Dieu dans le visage de mon prochain.»  Cela va situer la relation avec l’Infini, non comme une connaissance mais une proximité, préservant la démesure de l’inenglobable   qui   affleure.     Cela   veut   dire   aussi   que   le   Dieu   qui   se   révèle   ne   peut   le faire qu’incognito, dans l’énigme du visage de l’autre homme. Le second thème que développe Emmanuel Lévinas relève de la substitution, de la responsabilité d’autrui et pour autrui.  Il souligne que cela non plus ne peut être repris dans des catégories, mais relève du Moi.  C’est même, dans notre contexte culturel, la seule source de la subjectivité.  Cette source n’est pas dans l’activité ni dans la conscience, mais dans la passivité et la dessaisie de soi liées à la responsabilité pour les autres. Bien sûr, comme   l’avait   d’emblée   admis   Lévinas,  cette   approche   philosophique   «sera   jugée insuffisante par le croyant chrétien».  Elle nous indique pourtant des pistes fécondes pour parler de la foi chrétienne selon des thèmes qui peuvent être audibles...Conclusion: Parole de Dieu reçue et humanisation de l’humanité Nous avons abordé trois questions: •la reconnaissance  par le christianisme  de  sa particularité, de sa contemporanéité avec Israël, d’une vocation à l’égard de l’ensemble du monde qui ne peut que partir de là; les   tentations   chrétiennes   de   s’y   croire   déjà,   et   la   nécessité   de   prendre   au   sérieux   l’histoire présente avec ses joies et ses malheurs.

L’humilité de  Dieu  qui  se   révèle, et le dessaisissement du moi, qui le constitue par   l’irresponsabilité assumée devant l’autre et pour l’autre. Il me semble que Juifs et Chrétiens peuvent se rejoindre là   sont appelés à se rejoindre là pour un service commun de l’humanité.   Nous pouvons agir ensemble pour la guérison du siècle, agir ensemble au service de la justice et de la reconnaissance de la dignité de chaque personne créée à l’image de Dieu et appelée à vivre selon sa ressemblance. Chacun selon notre vocation, nous portons ce souci commun, avec les diverses initiatives prises à Francis Deniau : Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme ?

9- l’échelle du monde Mais dans cet agir ensemble, il y a la source.   Peut-être est-ce essentiel dans ce dont le monde d’aujourd’hui a besoin ? En deçà, pour l’une et l’autre tradition, il y a la prétention de recevoir une Parole révélée, parole qui n’est pas qu’humaine et qui est plus qu’humaine.   Ce n’est recevable que lorsqu’on perçoit bien que cela renvoie en vérité au souci des autres, et à l’humanisation de l’humanité.  Cette approche du Dieu de la révélation, qui s’est remis entre nos mains, est un défi commun, dans lequel nous pouvons sûrement nous apporter les uns aux autres  -  dans un monde qui, depuis trois siècles, est porté   à   refuser   tout   cela   (révélation,   élection,   parole   et   réponse)   au   nom   d’une   universalité abstraite, ou de l’affirmation que l’homme est l’être suprême pour l’homme (Feuerbach).Cette référence à une Transcendance qui ne se laisse pas replacer dans la cohérence de l’univers, qui rompt l’ordre du monde, qui ne se laisse approcher que dans l’humilité de la vérité persécutée, pour   reprendre   le   mot   de   Lévinas,   Juifs   ET   chrétiens,   nous   pouvons   en   porter   le   témoignage ensemble, avec la crédibilité que peut nous donner ce témoignage commun dans une différence irréductible. Nos vocations pour l’humanité, dans leur différence, peuvent maintenir ouverte cette brèche. *Nous pouvons, chrétiens, porter ces attentions.  Aux Juifs de nous dire ce qu’ils peuvent en faire. Ce8- Huit ans d’habilitation, Invité   à   s’interroger   avec   des   orateurs   chrétiens   sur « un   Homme-Dieu ?»,   Levinas,   après   avoir renvoyé   de   côté   les   interprétations   païennes,   s’interroge   sur   ce   qui   peut   être   audible   par   la philosophie   des   idées   théologiques   chrétiennes,   qui   bouleversent   les   catégories   de   notre représentation.  Il retrouve dans les affirmations chrétiennes quelque chose de l’humilité de Dieu, qui   est   si   fortement   présente   dans   la   Bible, mais   aussi   qui   est   la   seule   manière   pour   la Transcendance de se manifester sans être immédiatement récupérée dans l’ordre du monde.   Le visage de l’autre, l’en-face de l’autre dans son dépouillement et sa nudité, est aussi le dénuement et la pauvreté de l’absence qui constitue la proximité de Dieu  -  la trace.»  « Mais la trace n’est pas un mot de plus : elle est la proximité de Dieu dans le visage de mon prochain.»  Cela va situer la relation avec l’Infini, non comme une connaissance mais une proximité, préservant la démesure de l’inenglobable   qui   affleure.     Cela   veut   dire   aussi   que   le   Dieu   qui   se   révèle   ne   peut   le faire qu’incognito, dans l’énigme du visage de l’autre homme. Le second thème que développe Emmanuel Lévinas relève de la substitution, de la responsabilité d’autrui et pour autrui.  Il souligne que cela non plus ne peut être repris dans des catégories, mais relève du Moi.  C’est même, dans notre contexte culturel, la seule source de la subjectivité.  Cette source n’est pas dans l’activité ni dans la conscience, mais dans la passivité et la dessaisie de soi liées à la responsabilité pour les autres. Bien sûr, comme   l’avait   d’emblée   admis   Lévinas, cette   approche   philosophique   «sera   jugée insuffisante par le croyant chrétien».  Elle nous indique pourtant des pistes fécondes pour parler de la foi chrétienne selon des thèmes qui peuvent être audibles...Conclusion: Parole de Dieu reçue et humanisation de l’humanité Nous avons abordé trois questions: la reconnaissance  par le christianisme  de  sa particularité, de sa contemporanéité avec Israël, d’une vocation à l’égard de l’ensemble du monde qui ne peut que partir de là;•les   tentations   chrétiennes   de   s’y   croire   déjà,   et   la   nécessité   de   prendre   au   sérieux   l’histoire présente avec ses joies et ses

L’humilité de Dieu qui  se révèle, et le dessaisissement du moi, qui le constitue par   l’irresponsabilité assumée devant l’autre et pour l’autre. Il me semble que Juifs et Chrétiens peuvent se rejoindre là   sont appelés à se rejoindre là pour un service commun de l’humanité. Nous pouvons agir ensemble pour la guérison du siècle, agir ensemble au service de la justice et de la reconnaissance de la dignité de chaque personne créée à l’image de Dieu et appelée à vivre selon sa ressemblance. Chacun selon notre vocation, nous portons ce souci commun, avec les diverses initiatives prises à Francis Deniau : Ce que le christianisme peut apporter au judaïsme ?

là, par définition, nous échappe.   Et nous ne devons ni ne pouvons dire quelque chose pour plaire, ni interpréter à notre manière l’évaluation faite par l’autre. Francis Deniau Dimanche 29 octobre 2006 Colloque de l’AJCF et du Bn'ai  British sur le thème :

"Judaïsme et Christianisme : un pas vers la reconnaissance mutuelle".

 

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