5 Juin 2019
Au milieu du XVIIIe siècle, Paris s'achève où commence la plaine de Grenelle, sur la rive gauche de la Seine, en face de la très bucolique colline de Chaillot, dont les vignes descendent jusqu'au village de Passy.
L'urbanisation rattrape ces espaces, quand le maréchal de Saxe, soutenu par la Pompadour, propose au roi Louis XV de bâtir une école d'officiers, capable d'accueillir 500 élèves, en prenant en charge leur formation. Jusque-là, les nobles doivent eux-mêmes payer l'instruction des cadets de famille voués à la carrière des armes.
L'Ecole militaire, dont la construction est confiée à Ange-Jacques Gabriel, ouvre en 1756. L'enseignement porte l'esprit de ce siècle des Lumières, ajoutant, par exemple, l'astronomie et la balistique à l'apprentissage du maniement des armes. L'école va former une nouvelle catégorie d'officiers, par le mérite et le diplôme, qui ne tardent pas à s'opposer aux généraux héréditaires. Parmi eux, nombre de futurs officiers des armées de la République, dont Davout et Bonaparte. La plaine qui descend jusqu'aux rives marécageuses de la Seine devient un terrain de manœuvre et de parade, le Champ-de-Mars.
Ce vaste espace accueille les premières expériences d'aérostation. Le duc d'Orléans y organise les premières courses hippiques, afin d'encourager l'amélioration de la race chevaline et, surtout, de corriger une énorme erreur de Louis XV. Il a laissé partir en Angleterre un étalon arabe qui a permis à lord Goldophin de créer une nouvelle race, particulièrement rapide, le pur-sang.
Lieu d'expérimentation et terrain militaire, mais aussi espace ouvert, à la différence des parcs royaux, le Champ-de-Mars est aménagé pour accueillir la Fête de la fédération, organisée par La Fayette, pour commémorer la prise de la Bastille et marquer la réconciliation de la nation et du roi Louis XVI.
Aveu d'impuissance, naïveté… ou les deux ? Alors que General Electric (GE) s'est distingué par sa constance à ne pas tenir en France les promesses formulées en 2015, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a réclamé publiquement, ce mercredi 5 juin sur BFMTV, l'assurance du président du géant américain que la "restructuration" du site de Belfort annoncée fin mai n'était pas une liquidation déguisée des usines de turbines à gaz. En tout, ce sont près de 1.044 salariés qui pourraient être mis sur le carreau en France, principalement en Bourgogne-Franche-Comté.
"Il y avait une chose que je n'avais pas mesurée - on ne le mesure pas de son bureau à Paris, il faut aller sur le site industriel -, c'est que les salariés peuvent comprendre qu'on réduise la charge à un moment parce qu'il y a moins de commandes de turbines à gaz mais que ce dont ils veulent être certains, et je ne le suis pas non plus, c'est que derrière, ce ne soit pas un plan de liquidation des usines à gaz de Belfort", a développé le ministre.
Eurêka, Bruno Le Maire a donc un doute ! Mais alors General Electric, qui devait créer 1.000 emplois en rachetant Alstom et n'en a créé aucun, qui s'était engagé à ne supprimer aucun emploi de sa branche Energie pendant trois ans mais s'empresse de le faire sitôt libéré de ses obligations, pourrait tromper son monde ?
Le gouvernement a beau faire valoir que le site de Belfort, dans le giron de GE depuis 1999, n'était pas concerné par l'accord conclu en 2015 par un certain Emmanuel Macron, l'attitude du géant américain n'en reste pas moins éloquente sur la valeur de ses engagements.
Voulant prouver qu'on ne l'y prendra pas deux fois, le ministre de l'Economie assure prendre ses précautions : "Je demande à Larry Culp, le président de General Electric, l'assurance formelle que derrière, il n'y a pas l'envie ou la volonté de liquider l'activité de centrale à gaz à Belfort", a-t-il lancé solennellement. "J'ai demandé à Larry Culp, et je le redemande formellement : qu'il revoie son plan social. Il faut le revoir sur le nombre de salariés qui sont concernés : 1.045, c'est trop. Et puis surtout je demande de le revoir sur le fond, en donnant les garanties nécessaires aux salariés que derrière, il n'y a pas de plan caché", a martèle Bruno Le Maire, qui avait été sifflé par les salariés lors de sa visite à Belfort ce lundi 3 juin.
"Et si la direction de GE ne vous donne pas ces garanties ?", demande-t-on au ministre histoire de vérifier qu'il ne bluffe pas. "General Electric a 15.000 salariés en France, ce n'est pas la même situation que Ford ou que d'autres grandes entreprises américaines, c'est une entreprise qui a une histoire profonde avec les territoires français, avec les sites industriels français, donc nous pouvons entrer en discussion", veut croire Bruno Le Maire. L'usine Ford de Blanquefort, justement, était installée en France depuis 1972, ce qui n'a pas empêché le groupe américain d'en acter la fermeture début mars, en prévoyant le licenciement de 400 à 500 des 850 salariés du site.
Mais que les salariés de GE se rassurent, "l'activité turbine à gaz ne va pas cesser" puisque Bruno Le Maire a repris son numéro fétiche, les moulinets face aux géants industriels. En 2015, Emmanuel Macron, son prédécesseur comme ministre de l'Economie, avait déjà assuré que "Belfort a[vait] un avenir industriel". Peut-on le dire mille fois aux salariés ?