Lundi, l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis ont appelé à nouveau gouvernement et séparatistes à négocier en faveur d'un apaisement dans le sud du Yémen, théâtre d'affrontements meurtriers depuis près de trois semaines.
Les combats ont pour toile de fond des différends entre les séparatistes et le gouvernement, deux entités faisant théoriquement partie d'un seul et même camp. Ils ont ainsi affecté l'alliance entre Abou Dhabi et Ryad, piliers de la coalition qui intervient au Yémen contre les rebelles Houthis. Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique de l'Arabie du Sud (Emirats Arabes Unis, Oman et Yémen), qui d'Abou Dhabi suit de près les événements au Yémen, grâce aussi aux sources dans le pays, et attendant de revenir après des années d'absence, parle d’une «situation confuse qui manque de transparence», dans un entretien accordé à AsiaNews.
Au niveau officiel, souligne Mgr Hinder, tous les acteurs extérieurs «déclarent vouloir maintenir l'unité». En fait, même «l'alliance sous la direction de l'Arabie saoudite n'est plus cohérente et montre des divisions» en son sein «en raison d'intérêts divergents». Le Président Abd Rabbih Mansour Hadi, qui représente le gouvernement internationalement reconnu, «ne bénéficie pas d'un grand soutien». En même temps, Aden, qui avait déjà été la capitale dans le passé, «essaie à nouveau de devenir indépendante».
57000 Morts
La guerre au Yémen qui a éclaté en 2014 sous la
forme d'un conflit interne entre le gouvernement
pro-saoudiens et les rebelles chiites Houthis
proches de l'Iran, et qui a dégénéré en mars 2015
avec l'intervention de la coalition arabe dirigée
par Riyad, a fait plus de 10 000 morts et 55 000
blessés. Des organismes indépendants ont fixé le
bilan (entre janvier 2016 et fin juillet 2018) à
environ 57 000 morts. Pour l'ONU, le conflit a
déclenché «la pire crise humanitaire du monde»,
environ 24 millions de Yéménites (80% de la
population) ont un besoin d'aide humanitaire et
l'urgence du choléra est toujours préoccupante.
Les enfants sont également victimes de ce conflit :
l'on recense environ 2 500 enfants soldats dans le
pays et la moitié des filles se marient avant l'âge
de 15 ans.
La fragmentation accrue de la coalition anti-Houthis
complique la situation. Ces dernières semaines,
l'affrontement a dépassé les frontières d'Aden pour
s'étendre à Taiz dans le centre du pays. Depuis des
jours, des affrontements se déroulent le long de la
route Aden-Taiz entre des séparatistes du Sud et
des groupes salafistes parrainés par Abou Dhabi
et les forces gouvernementales liées au parti du
président Hadi al-Islah, sous l'aile de Riyad. Au
cours du week-end, des diplomates saoudiens et
émiratis se sont rendus dans les provinces
contestées d'Abyan et de Shabwa pour conclure
un cessez-le-feu allié.
Pour le vicaire d'Arabie, les puissances
internationales promeuvent une politique
«qui conduira à la division en deux ou trois parties»
, car tous «ont peur d'un Yémen centralisé» sauf
ceux «qui auront le vrai pouvoir». Dans ce contexte,
un État confédéré serait une solution «valable»
si les parties «étaient capables d'élaborer une
Constitution équilibrée et juste, respectant les
attentes légitimes des acteurs tribaux et
régionaux». Mais pour atteindre cet objectif,
prévient-il, il faut «être capable de faire des
compromis raisonnables».
Il prévient que d'éventuels accords ne seront
possibles «que dans un climat minimum de
confiance», dans lequel les «puissances
extérieures» contribueront également à
restaurer le pays «plutôt qu'à le déstabiliser».
Les espoirs d'une trêve à court terme sont
peu nombreux car trop d'aspects «sont
largement hors de contrôle» et ceux qui
souffrent «sont la population civile qui lutte
contre la violence, la maladie et la faim»,
alors que la communauté internationale
«ne sait pas comment réagir. Et il se tait»,
mais ce silence «pourrait s'avérer fatal».