7 Novembre 2019
La Cour Européenne des Droits de l’Homme s’est opposée à la décision du gouvernement suisse car le jeune chrétien risquait « persécution » et « peine de mort » en cas de retour en Afghanistan.
Le cas d’un jeune homme d’une vingtaine d’années a été examiné mardi par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Cet afghan a fui son pays en 2012 après s’être converti au christianisme. Arrivé en Suisse, il y avait déposé une demande d’asile, qui fut rejetée en 2015. Mais à Strasbourg, la CEDH vient de s’opposer à son expulsion qui l’exposerait à « un risque de persécution » qui pourrait « conduire à la peine de mort ».
Le jeune afghan est semble-t-il âgé d’une vingtaine d’années, mais n’a jamais eu de papiers d’identité, ni même connu sa date de naissance. Enfant, il grandit dans une famille chiite, de l’éthnie hazara. Il quitte tôt l’école et devient rapidement carrossier. En grandissant, il se convertit au christianisme et commence à distribuer des Bibles dans son village.
Mais en 2012, des policiers viennent enquêter à ce sujet à son domicile. À son retour chez lui, sa mère et son frère l’encouragent à fuir pour sa sécurité. Il quitte donc l’Afghanistan, traverse l’Iran, reste un an et demi en Turquie, puis rejoint la Suisse en passant par l’Italie.
Dès son arrivée en Suisse le 30 mars 2014, il dépose une demande d’asile. Il est convoqué à plusieurs entretiens où il évoque l’insécurité qui règne dans son pays et sa conversion. Mais le 27 février 2015, sa demande est rejetée au motif que « l’exposé des motifs d’asile était superficiel et manquait de précision ». Il fait recours de cette décision, mais le Tribunal administratif le rejette en octobre 2016.
Son cas vient d’être examiné par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Devant celle-ci, l’Afghan en appelait à l’article 3 de la Convention.
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Il précise « que, s’il est renvoyé en Afghanistan, il sera exposé à des traitements inhumains et dégradants en raison de son prosélytisme et de sa conversion au christianisme ». ADF International, un organisme de défense des droits à la liberté religieuse, confirme cette situation, comme le précise le rapport de la CEDH.
« ADF International a fourni des informations sur la situation des convertis en Afghanistan, relevant que ceux-ci ne pouvaient pas se prévaloir de la liberté de croyance garantie par le droit international. Légalement, la conversion d’un individu de l’islam au christianisme, qualifiée d’apostasie, serait contraire à la législation nationale et la personne concernée serait exposée à des poursuites pénales, voire des sanctions pouvant aller jusqu’à la peine de mort. Socialement, la persécution de chrétiens en Afghanistan aurait atteint un niveau sévère. La peur généralisée et l’intimidation auraient jeté un nuage sombre sur la communauté chrétienne. Par crainte d’être tués, les chrétiens seraient forcés de vivre cachés, sans lieu de culte où pratiquer leur foi et cela sur l’ensemble du territoire afghan. »
La Cour réaffirme les risques de « persécution » et de « peine de mort ».
« La Cour relève qu’il ressort des informations sur la situation en Afghanistan […] que les Afghans convertis au christianisme, ou soupçonnés de l’être, sont exposés sur place à un risque de persécution émanant de divers groupes. Ces persécutions peuvent également prendre une forme étatique et conduire à une condamnation à la peine de mort, laquelle est encore appliquée en Afghanistan. »
Elle juge en outre l’argumentation suisse, « pour le moins contradictoire » et ne révélant pas « d’un examen rigoureux et approfondi des circonstances du cas particulier ».
« Pour la Cour, l’explication du Tribunal administratif fédéral selon laquelle le renvoi du requérant à Kaboul ne serait pas problématique parce qu’il avait partagé ses croyances seulement avec ses proches les plus intimes, implique que,bien que le tribunal ait admis la sincérité de la conversion du requérant, celui-ci serait à son retour contraint de modifier son comportement social de manière à cantonner sa nouvelle foi dans le domaine strictement privé.Il ressort clairement des sources consultées qu’un apostat n’est pas libre d’exprimer ouvertement ses croyances en Afghanistan. L’intéressé serait contraint de vivre dans le mensonge et pourrait se voir forcé de renoncer à tout contact avec d’autres personnes de sa confession par crainte d’être découvert.Le Tribunal administratif fédéral suisse, dans un jugement de référence publié quelques mois seulement après l’arrêt rendu dans la présente affaire, a d’ailleurs lui-même concédé que la dissimulation et la négation quotidiennes de convictions intimes dans le contexte de la société afghane conservatrice pouvaient, dans certains cas, être qualifiées de pression psychique insupportable (paragraphe22 ci‑dessus).Cela étant, le tribunal ne pouvait, sans préalablement chercher à savoir comment le requérant allait pratiquer sa nouvelle religion en Afghanistan, exiger de lui qu’il se contente de cacher ses croyances à Kaboul, étant souligné encore une fois que ses oncles censés l’accueillir ne seraient pas au courant de son apostasie.«
La Cour estime qu’effectivement, il y aurait violation de l’article 3 de la Convention en cas de renvoi en Afghanistan et s’oppose donc à ce renvoi.
Pour ADF International, « le jugement est un signe clair pour protéger ceux qui fuient la persécution religieuse ». Lorcán Price, conseiller juridique d’ADF International à Strasbourg, a rappelé que le droit international impose la protection de « ceux qui fuient les persécutions religieuses ».
« Nous sommes heureux que la Cour de Strasbourg ait utilisé cette affaire pour défendre le droit des chrétiens de professer ouvertement leur religion sans faire face à la menace de violences physiques, d’emprisonnement et éventuellement de peine de mort. La Suisse et tous les autres États membres de la Convention européenne des droits de l’homme ont l’obligation, en droit international, de protéger ceux qui fuient les persécutions religieuses. »
M.C.
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