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7 Novembre 2019
Mali : « Il faut utiliser les opérations militaires pour amener les djihadistes à négocier
Dans son nouveau rapport, Ibrahim Yahaya, chercheur à l’International Crisis Group, analyse la négociation avec l’ennemi comme une nécessité pour l’Etat malien.
Un véhicule blindé de la force « Barkhane » antidjihadiste française, près des monts Hombori, dans le centre du Mali, en mars 2019. DAPHNE BENOIT / AFP
Le débat monte depuis des mois. L’Etat doit-il négocier avec les djihadistes pour contenir les conflits au centre du Mali ? Région la plus violente du Sahel, cette zone est plongée depuis 2016 dans une crise qui ne cesse de s’amplifier, entre attaques terroristes et conflits miliciens. Dans son nouveau rapport intitulé « Parler aux djihadistes au centre du Mali : le dialogue est-il possible ? », l’International Crisis Group (ICG) dresse le constat d’une guerre antiterroriste ingagnable par les armes et explore les voies que l’Etat malien pourrait emprunter pour négocier avec l’ennemi. Pour le chercheur Ibrahim Yahaya, auteur principal de ce rapport rendu public le 28 mai, négocier est une nécessité pour l’Etat.
Ibrahim Yahaya C’est ce qu’on essaie de faire depuis six ans et on voit bien que cela ne marche pas. Les djihadistes adaptent leur stratégie à la pression militaire. Quand l’armée malienne a essayé de reprendre les villes, les djihadistes se sont davantage centrés sur la brousse. Ils ont mis au moins une dizaine de localités sous embargo et ont continué à occuper les villages, qu’ils gouvernent à distance. C’est une tactique de guérilla qui les rend quasiment insaisissables. L’action militaire classique n’est pas adaptée à leur système de combat.
Il n’y a pas d’autres alternatives crédibles et il devient urgent de sortir de l’impasse. Ce conflit djihadiste est en train d’alimenter une violence intercommunautaire qui fait beaucoup plus de morts que le terrorisme. Il suffit de regarder l’augmentation de la violence : au centre, elle s’est multipliée par dix entre 2015 et 2018. Si l’Etat ne pense pas à une solution alternative, on va vers
On ne dit pas qu’il faut arrêter de combattre l’ennemi, mais qu’il faut changer de tactique. Les opérations militaires ont été engagées dans l’objectif de défaire les djihadistes par les armes. On n’y parviendra pas. Il faudrait utiliser ces opérations comme un moyen de pression pour amener les djihadistes à la table des négociations. Les arrêter dans les endroits où les combattants se disent prêts à négocier, les poursuivre lorsqu’ils ne veulent pas venir.
Il faudrait mener un dialogue inclusif avec toutes les communautés du centre, ouvert aux populations qui soutiennent les djihadistes. Cela permettrait à l’Etat de comprendre les causes profondes de la crise et de tout mettre sur la table. Mais pour que cela fonctionne réellement, il faudrait d’abord que l’Etat malien engage un dialogue avec Amadou Koufa [fondateur de la katiba Macina, principal groupe terroriste au centre du pays] par l’entremise d’oulémas. En 2017, il a lui-même dit qu’il était disposé à rencontrer trois d’entre eux. C’est une ouverture dans laquelle l’Etat devrait s’engouffrer.
Ils veulent changer radicalement le système politique malien, remplacer la démocratie par un système théocratique inspiré de la charia. Ils souhaitent aussi que le Mali coupe ses liens avec les pays occidentaux, en particulier avec la France. L’Etat malien est très attaché à toutes ces valeurs. Mais négocier ne veut pas dire accéder à toutes les doléances des djihadistes et accepter l’instauration de la charia. Il faut que l’Etat définisse des lignes rouges et détermine des compromis acceptables par les deux côtés.
Dialoguer pourrait permettre d’obtenir des cessez-le-feu locaux, donc de réduire la violence exercée contre les civils, mais aussi de négocier un meilleur acheminement de l’aide humanitaire et la réouverture de centres de santé dont la population a besoin. Les oulémas envoyés par l’Etat pourraient engager des discussions sur des réformes politico-religieuses acceptables par tous, autour des écoles coraniques et du rôle des cadis par exemple.
Oui. L’entreprise la plus ambitieuse a été la mission de bons offices engagée par l’ancien premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga en 2017. Là où l’Etat n’était pas en mesure d’imposer sa présence, il utilisait des leaders religieux pour obtenir la paix par le dialogue. Il avait créé une commission présidée par l’imam Mahmoud Dicko [à l’époque à la tête du Haut Conseil islamique du Mali]. Une rencontre entre ce dernier et Amadou Koufa, ou un de ses émissaires, était programmée. Ils ont préféré la reporter après la saison des pluies, à cause des inondations. Mais le premier ministre a été démis de ses fonctions et la mission arrêtée. Pour éviter cela, il faut que les négociations soient portées par la présidence.
Il est plus facile de faire des négociations transactionnelles que de faire des compromis politiques. Politiquement, assumer un dialogue avec les djihadistes coûterait très cher à l’Etat. Beaucoup d’acteurs seraient frustrés, tant sur la scène nationale qu’internationale.
L’élite laïque malienne est contre. Elle pense qu’ouvrir des négociations risquerait de renforcer la place d’un islam politique au Mali, qui compromettrait la nature laïque de l’Etat. Il y a aussi les leaders religieux musulmans soufis qui ont toujours été contre, car ils pensent que ces négociations risquent de consolider une vision salafiste de l’islam au détriment du soufisme. Et, surtout, la communauté internationale y est opposée. La France et les Etats-Unis ont des positions très fermes là-dessus. Certains Occidentaux pensent que la lutte contre le terrorisme au Mali est liée au terrorisme chez eux, que l’ennemi est le même et que si les Maliens essaient d’ouvrir la boîte de Pandore ici, ils seront probablement obligés de l’ouvrir chez eux. Mais ce n’est pas la même chose !
Nous ne sommes pas sûrs du degré d’autorité que Iyad Ag-Ghali a sur Amadou Koufa et c’est la raison pour laquelle nous pensons possible de parler avec ce dernier. La katiba Macina est très ancrée dans le contexte politique et économique du centre du Mali. Bien que Koufa ait des revendications territoriales, il ne demande pas vraiment l’établissement d’un califat. Mais les choses sont en train de changer. En 2018, il a commencé à sortir de ce discours local en appelant tous les Peuls d’Afrique de l’Ouest à rejoindre le djihad. Raison de plus pour engager la discussion avec lui, avant qu’il ne soit trop tard.
Si l’objectif de ces groupes est vraiment la paix et que l’Etat leur explique que cela doit passer par le dialogue, je pense qu’ils peuvent le comprendre. Cela reste sans garantie, le risque est là. Mais quelles autres options crédibles le Mali a-t-il pour sortir de l’impasse ? Négocier avec les djihadistes est un processus controversé, long et incertain, mais ça vaut la peine d’essayer.
La situation continue à s’aggraver au Sahel, comme le montrent l’attaque revendiquée par le groupe Etat islamique (EI) du camp militaire d’Indelimane (49 soldats maliens tués) dans le nord-est du Mali, le 1er novembre 2019, et la mort du militaire français Ronan Pointeau, le 2 novembre dans la même région. L’universitaire Christian Bouquet, professeur émérite de géographie politique à l’Université Bordeaux-Montaigne et chercheur au Laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM) à Sciences Po Bordeaux, répond aux questions de franceinfo Afrique.
Franceinfo Afrique : selon "Le Canard enchaîné", le chef d’état-major des armées François Lecointre, interrogé par des députés, a expliqué que l’intervention française au Sahel pourrait encore durer une quinzaine d’années. Comment jugez-vous la situation ?
Christian Bouquet : je suis tout à fait d’accord avec cette analyse. Je suis même encore plus pessimiste. A mon sens il faudrait entre 25 et 30 ans pour pacifier cet immense territoire de 3000 km de long sur 1500 de large. Aujourd’hui, Barkhane, seule force militaire aguerrie dans la région, s’efforce de parer au plus pressé. Mais dès que celle-ci quitte un endroit, la crise repart de plus belle. Il faudrait y aller morceau par morceau. Quand on pacifie une zone, il faudrait y rester pendant que l’Etat reconquiert le territoire en construisant des écoles, en améliorant la situation économique… Ce n’est que comme cela que la confiance des populations peut revenir.
Cette confiance a disparu ?
Elle n’est plus là. Il faut dire que les régions concernées par la crise sont oubliées, négligées depuis des années par les pouvoirs centraux. Progressivement sollicitées et effrayées par les groupes terroristes, les populations ont basculé. Dans le même temps, ces groupes ont souvent des agents infiltrés. Par exemple, au lac Tchad, région que je connais depuis une trentaine d’années, on trouve des centaines d’îles complètement abandonnées par l’Etat. Ce qui y prospère, ce sont les écoles coraniques.
Que dire de la montée d’un sentiment anti-français dans un pays comme le Mali et de la volonté de certains de "réclamer l’intervention de la Russie" ?
Dans ce dernier cas, je pense qu’il y a clairement une manipulation de la part de groupes de pression. On reproche notamment à Barkhane une complicité avec les terroristes, parce que pour avoir des renseignements, cette force doit conclure des deals avec des intermédiaires. Au-delà, derrière ces manifestations, que propose-t-on ? Rien. Il faut voir que les armées nationales de la région sont totalement sinistrées, il est impossible de s’appuyer sur elles. La plupart de leurs soldats ne sont pas prêts à mourir pour une cause.
Pour vous, comment la situation risque-t-elle d’évoluer ? Et que penser de l’appel, lancé en novembre 2018 par le chef jihadiste de la katiba Macina, Amadou Koufa, un Peul, à ses "frères" : "Où que vous soyez (...), venez soutenir votre religion (...) au Sénégal, au Mali, au Niger, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Nigeria, au Ghana et au Cameroun" pour mener la guerre sainte contre les "mécréants" ?
La question des Peuls, population d’éleveurs, est très ancienne. C’est une question géographique : ils sont présents dans toute la zone sahélienne jusqu’en Centrafrique. Ils constituent donc une communauté transfrontalière. C’est également une question historique : dans la période précoloniale, les tentatives de jihad ont presque toujours été menées par les Peuls, notamment le califat de Sokoto (établi au début du XIXe, NDLR). Et c’est par ailleurs une question socio-économique avec des éleveurs qui accompagnent leurs troupeaux là où ils veulent.
Dans le même temps, on assiste dans la région à une croissance démographique incontrôlée : on trouve de plus en plus de monde sur un même territoire alors que les ressources en eau diminuent en raison d’une moindre pluviométrie. Les éleveurs marchent sur les terres des agriculteurs sédentaires et s’approvisionnent en eau. Je me suis récemment rendu au Niger, à l'est de Niamey, pour observer la situation autour des puits : la tension y était palpable entre les communautés. Les couloirs de transhumance, mis en place du temps de la colonisation et réactivés récemment, ne sont pas respectés.