Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? »
Jésus savait en lui-même que ses disciples récriminaient à son sujet. Il leur dit : « Cela vous scandalise ? Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant !… C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. Jésus va jusqu’au bout de l’Incarnation, à la fois dans le concret de la vie humaine, et par le Don de lui-même. Sa parole est d’un réalisme surprenant pour qui adhère au mystère de l’Incarnation. Jésus vient du Père, il est né de la Vierge Marie. Il a pris la chair humaine et il vit de l’Esprit Saint, l’Amour infini de Dieu. La vérité de Jésus nous ouvre un quotidien nouveau ou nous pouvons comprendre que l’homme ne vit pas que de pain, mais de ce qui sort de bouche de Dieu. L’Eucharistie nous offre vraiment le Corps du Christ né de la Vierge Marie ; Il est le Pain du Père, le Pain de Vie. La coupe de vin est vraiment le Sang du Christ donné pour que nous ayons la vie. La vie nous est donnée, elle nous donne de nous rencontrer dans la foi en la vie, la foi en Dieu : « C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. » La foi est un lâcher prise, elle est la naissance à l’autre. Jésus sait déjà qui est celui qui ne croit pas. Mystérieusement Jean signale la trahison de Judas !
"Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. » Jésus savait en effet depuis le commencement quels étaient ceux qui ne croyaient pas, et qui était celui qui le livrerait."
Il ajouta : « Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père. » Le mystère de la vie peut advenir en nous sans que nous en recherchions l’Auteur ! Mais il n’y a rien de durable dans notre vie sans un abandon réel à la volonté de notre Père. Si j’accepte de recevoir l’Auteur de ma vie, je me reconnais fils, existant de lui. « Cela nous est donné par le Père, » dit Jésus. Jésus a insisté jusqu’au bout sur le réalisme de la foi. Nous pouvons vivre une dépossession de nous même dans l’espérance que Dieu nous donne de l’avenir. C’est l’acceptation de ne pas vivre seul mais à partir d’un autre, l’attente de quelqu’un qui nous sauve. Cela se traduit par une ouverture au pauvre. Il s’agit de la réalité de Jésus venu dans la chair humaine. L’apôtre Jean qui a reçu Marie chez lui nous annonce le Don de Jésus par sa vie. Il y va de la réalité de Jésus à la croix qui réalise le don de son corps et de son sang, le don de sa vie. Nous recevons tout de lui, nous n’avons plus rien par nous-mêmes, mais nous espérons tout du Christ qui nous fait entrer dans un nouvel univers.
« À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. »
Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. » La certitude de Pierre est ouverture au Mystère de Dieu qui se laisse accueillir pauvrement en Jésus. La foi eucharistique ne sera pas entamée dans le reniement de Pierre qui a manqué d’espérance. Après le reniement, Jésus croisera le regard de Pierre qui se mettra à pleurer. Pierre a été nourri le Jeudi Saint du corps et du sang de Jésus, il se référera sans cesse à ce que Jésus a fait dans sa vie : « Seigneur, à qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle. » Au matin de la résurrection, au soir d’Emmaüs, c’est avec le pain partagé que nous sommes appelés à l’action de grâce. La puissance de l’amour infini de Dieu en Jésus est désormais à l’œuvre dans le cœur de l’Église, dans le cœur des Apôtres. La puissance de l’Esprit Saint agit dans l’Église qui continue l’œuvre de Jésus. C’est ainsi que nous voulons nous remettre à Dieu de tout notre être pour entrer dans le mystère de l’Eucharistie, le mystère du don de nous-même à la suite de Jésus. C’est le lieu de notre foi.
évêque et docteur de l'Église