Quelle joie de contempler cette profusion de travail. Le travail de la vigne est une expérience qui nous est encore familière ! Le propriétaire d’une vigne constate qu’il est temps de cueillir ses raisins. Tôt, vers six heures le matin, il quitte sa maison et se rend au marché pour embaucher des ouvriers, offrant à chacun le salaire habituel d’un denier pour la journée. Quel bonheur de contempler l’apport de toute la création à l’épanouissement de la vigne : le soleil, la terre, la pluie et le vent ! Le travail de la nature et l’apport de « l’homme, » sont mis en œuvre. La beauté du travail physique, les gestes précis de l’intelligence et de la force que Dieu donne, sont révélés. Mais Jésus nous introduit plus loin, dans la beauté de la grâce qui est en nous, un renouvellement de notre vie. Pour rétablir la relation d’Amour avec Dieu, Jésus a besoin de nous, de notre consentement à cette ouverture. La grâce de Dieu apporte le salut. Elle engendre un changement dans la justice de la terre. Cette transformation touche les parties les plus profondes de notre cœur. Elle anime en nous une attitude nouvelle qui met en oubli nos propres intérêts. La vigne du Seigneur, c’est Jésus, le Verbe incarné, qui est venu régénérer l’humanité, chacun de nous.
"Sorti vers neuf heures, il en vit d’autres qui étaient là, sur la place, sans rien faire. Et à ceux-là, il dit : “Allez à ma vigne, vous aussi, et je vous donnerai ce qui est juste.” Ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures, et fit de même. Vers cinq heures, il sortit encore, en trouva d’autres qui étaient là et leur dit : “Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?” Ils lui répondirent : “Parce que personne ne nous a embauchés.” Il leur dit : “Allez à ma vigne, vous aussi.” À ceux de la troisième heure le propriétaire promet un salaire raisonnable. A la sixième heure, à la neuvième heure, et à la onzième heure il envoie encore des ouvriers dans sa vigne. Cette parabole nous montre combien chacun cherche d’abord son intérêt ! Notre tendance naturelle est de nous montrer envieux et de rendre la situation avantageuse pour nous. Or la grâce de Dieu nous amène à nous associer à nos frères à tel point que leurs joies deviennent les nôtres. Travailler à l’œuvre de Dieu, c’est entrer dans la gratuité de l’amour pour œuvrer dans la vigne jusqu’à la moisson opérée par Jésus. Toutes ces « heures » évoquées disent la prédication de Jésus, du début de sa vie, jusqu’à la Croix. La onzième heure est l’heure ou le larron est entré dans le Paradis. Pour sauver toute l’humanité, Jésus ne veut perdre personne, il veut que tous, nous nous mettions au travail.
"Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : “Appelle les ouvriers et distribue le salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers.” Ceux qui avaient commencé à cinq heures s’avancèrent et reçurent chacun une pièce d’un denier. Quand vint le tour des premiers, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d’un denier. En la recevant, ils récriminaient contre le maître du domaine : “Ceux-là, les derniers venus, n’ont fait qu’une heure, et tu les traites à l’égal de nous, qui avons enduré le poids du jour et la chaleur !” Mais le maître répondit à l’un d’entre eux : “Mon ami, je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ?” C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. » Les travailleurs du matin accusent Jésus d’avoir été trop généreux pour les derniers. Nous souffrons d’un désir de reconnaissance, d’être distingués. Nous pouvons penser à la réaction des chefs religieux qui s’enorgueillissent de leur fidélité à la loi, mais qui n’acceptent pas que Jésus puisse accueillir les petits et les pauvres ! Jésus « ne nous appelle plus serviteur, mais ami. » Etre à son service est un tel bonheur, une telle grâce ! Entrer dans la gratuité de l’amour est une épreuve pour nos cœurs rétrécis ! Nous risquons de réintroduire dans le Royaume les règles du travail humain alors que c’est un Don de Dieu. Nous lui demandons d’ordonner davantage notre travail dans la perspective du Royaume de Dieu. C’est un si grand bonheur de travailler à l’œuvre de Dieu ! C’est ainsi que les derniers seront premiers et les premiers derniers.
prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l'Église