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29 Janvier 2022
Des habitants burkinabè se réunissent dans les rues de Ouagadougou (capitale), pour manifester leur soutien au coup d'État militaiDes habitants burkinabè se réunissent dans les rues de Ouagadougou (capitale), pour manifester leur soutien au coup d'État militaire, le 25 janvier 2022. (Vincent Bado/Reuters) (TOF)re, le 25 janvier 2022. (Vincent Bado/Reuters) (TOF)
Les évêques du Burkina Faso appellent à l’apaisement et à l’unité
Dans un communiqué publié le 27 janvier depuis Ouagadougou, Mgr Laurent B. Dabire, évêque de Dori et président de la Conférence épiscopale Burkina-Niger, s’est exprimé au nom de l'Église burkinabè sur les récents bouleversements que connait le pays.
Claire Riobé - Cité du Vatican
Quatre jours après le coup d’État militaire qui a porté l'armée burkinabè au pouvoir, le 24 janvier 2022, les évêques du pays ont publiquement appelé à l’unité nationale et au retour au sein de leur foyer des personnes déplacées. Le communiqué intervient au lendemain de la rencontre des autorités politiques actuelles avec différents leaders religieux du pays.
Dans une déclaration en date du 27 janvier, le chef de la junte militaire avait promis que l’ordre constitutionnel serait rétabli «quand les conditions seront réunies» dans le pays. «De tels changements, brusques et non constitutionnels, ne vont pas sans poser de problème», ont cependant alerté les évêques.
«Si le défi sécuritaire est le premier qui a motivé ces évènements, d’autres demandent également à être relevés, notamment le retour des personnes déplacées chez elles, la réconciliation nationale, le défi économique (...)», ont-ils exprimé.
L'autorité doit être un «service pour le bien commun»
Ces derniers rappellent également que «l’autorité est un service pour le bien commun». L'Église du Burkina Faso exhorte ainsi les nouvelles autorités du pays à prendre à cœur de répondre aux aspirations du peuple burkinabè, et à garantir la sécurité et l’intégrité physique des personnes interpellées par la junte militaire depuis le 24 janvier.
Les évêques ont enfin invité tous les fidèles du pays à la prière, «pour demander à Dieu de nous éclairer et de nous donner son Esprit de sagesse afin que nous puissions progresser vers une sortie de crise définitive et une paix durable.»
Réunis en sommet ce vendredi, les pays membres de la Communauté des États ouest-africains (Cédéao) ont fermement condamné le nouveau coup d'État militaire dans la région.
Démonstration de soutien au pouvoir militaire, dans la soirée du lundi 24 janvier, à Ouagadougou. (TOF)
Coup d'Etat au Burkina Faso
Après une journée de totale confusion lundi 24 janvier, le Burkina Faso se réveille sans président et sans institution. Roch Marc Christian Kaboré, au pouvoir depuis 2015, a été déposé par des militaires mutins, qui ont annoncé leur coup de force dans la soirée à la télévision, ainsi que la suspension de la Constitution, du gouvernement et de l’Assemblée nationale, la fermeture des frontières et l’instauration d’un couvre-feu.
Les militaires à l’origine du coup d’État sont des éléments de l’armée regroupés au sein du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, le MPSR. Ils sont les auteurs des mutineries de ces derniers jours dans plusieurs casernes du pays. A leur tête, le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba, qui devient le nouvel homme fort du pays. Il s’est engagé à proposer bientôt un calendrier à l’ordre constitutionnel accepté de tous.
Dans une lettre signée de sa main et diffusée à la télévision nationale dans la soirée du 24 janvier, le président déchu Roch Marc Christian Kaboré dit déposer sa démission dans l’intérêt supérieur de la nation, suite aux événements. Les militaires assurent que tout s’est passé sans violence et sans effusion de sang contre lui ou ses proches. Actuellement, l’ancien chef de l’État se trouve dans un lieu tenu secret.
Colère de la population
Au pouvoir depuis 2015, Roch Marc Christian Kaboré a été réélu en 2020 en promettant de rétablir la sécurité et de libérer le Burkina des groupes terroristes, qui multiplient leurs attaques sanglantes contre l’armée et les civils. Impuissant à tenir sa promesse, l’ancien dirigeant était de plus en plus contesté par une population, excédée par ces violences et l’armée réclamait plus de moyens pour lutter contre les djihadistes. Plusieurs manifestations de colère ont eu lieu ces derniers mois dans les villes du Burkina - et encore jusqu'à lundi - pour dénoncer l'incapacité du pouvoir à contrer les attaques jihadistes qui se multiplient, souvent interdites et dispersées par les policiers anti-émeutes. Dans la soirée du 24 janvier, de nombreux rassemblements ont eu lieu dans le pays pour soutenir les militaires.
Ce dernier coup de force plonge la région un peu plus dans l’incertitude et intervient alors que le Sahel est de plus en plus déstabilisé par les djihadistes, il complexifie également la présence française dans cette zone. Ces derniers mois, la junte militaire a pris le pouvoir au Tchad et au Mali.
Un rassemblement dans la soirée du 24 janvier pour célébrer le coup d'Etat.
Ce coup d’État a été largement condamné à l’international, notamment par les Nations unies qui appellent les putschistes à déposer les armes. Les États-Unis, l’Union Européenne et la France ont exigé la libération immédiate du président Kaboré.
Réaction de l’Église locale
Dans la journée de lundi, la population vaquait à ses occupations et les écoles étaient fermés, selon des sources locales.
Le coup d'État était une option que de nombreux observateurs avaient jugée «possible» et que le père Ludovic Tougouma, de la communauté missionnaire de Villaregia à Ouagadougou, avait annoncé à la rédaction italienne de Vatican News – Radio Vatican quelques heures avant l'annonce de la nouvelle : «Nous ne savions pas ce qui se passait, avait-il dit dans l'après-midi de la journée du 24, lorsque des rumeurs de coup d'État ont commencé à circuler. Il n'y a pas de mouvement de masse dans les rues mais l'armée et la population ont depuis longtemps le sentiment que le gouvernement est incapable de gérer la sécurité».
«Aujourd'hui, il n'est pas facile de manipuler la population sans avoir de réaction, a continué le père Tougouma, une plus grande conscience d'appartenance au pays est donc importante». La paix, a-t-il ajouté, est également le seul moyen de faire revenir ceux qui ont fui la violence, «Le problème des personnes déplacées est important, tant pour nous, qui les recevons des États voisins, que pour ceux qui ont quitté cette terre et n'ont pas la possibilité d'y retourner.»
Que peut faire l'Église locale dans ce contexte ? «Demandez et exhortez-nous à être unis, lance le religieux, car même s'il y a des différences, l'insécurité est un ennemi commun, et donc l'appel que nous lançons, même dans nos sermons, est de laisser de côté ce qui nous divise et de lutter ensemble contre l'absence de paix, qui fait mal à tout le monde».
Le Burkina Faso est pris depuis 2015 dans une spirale de violences attribuées à des groupes armés jihadistes, affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique qui ont fait en près de sept ans plus de 2 000 morts et contraint 1,5 million de personnes à fuir leurs foyers.