26 Mars 2022
Évangile de Jésus-Christ
selon saint Luc 18,9-14.
En ce temps-là, à l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres, Jésus dit la parabole que voici :
« Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien, et l’autre, publicain (c’est-à-dire un collecteur d’impôts).
Le pharisien se tenait debout et priait en lui-même : ‘Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères –, ou encore comme ce publicain.
Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne.’
Le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : ‘Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis !’
Je vous le déclare : quand ce dernier redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que l’autre. Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
Saint Jean Climaque
(v. 575-v. 650)
moine au Mont Sinaï
L’Échelle sainte, 21e degré (Coll. SO n° 24, trad. P. Deseille, éd. Bellefontaine, 1978 ; p. 198-200 ; rev.)
« Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé »
Si nous nous sentons pressés du désir de plaire au Roi des cieux, efforçons-nous de ne goûter que la gloire d’en-haut. En effet, celui qui l’a goûtée méprisera toute gloire terrestre. Mais je ne serais surpris que quelqu’un puisse mépriser cette dernière s’il n’a pas goûté la première. (…)
Celui qui demande à Dieu des dons pour prix de ses efforts a posé des fondations instables. Celui qui se regarde comme un débiteur recevra soudain une richesse inattendue. (…) Il est une gloire qui vient du Seigneur ; il a dit en effet : « Ceux qui me glorifient, je les glorifierai » (1 R 2,30). Et il en est une qui dérive des artifices du diable, car il est dit : « Malheur à vous quand tout le monde dira du bien de vous » (Lc 6,26). Tu reconnaîtras clairement la première à ce que, la considérant comme un dommage, tu la repousseras par tous les moyens, et que partout où tu iras, tu cacheras ta manière de vivre ; la seconde, à ce que tu feras même les moindres choses pour être vu des hommes (cf. Mt 6,1). L’impure vaine gloire nous suggère de feindre la vertu que nous n’avons pas, en nous disant : « Qu’ainsi votre lumière brille aux yeux des hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres » (Mt 5,6). (…)
Quand nos flatteurs, ou plutôt nos séducteurs, commencent à nous louer, remettons-nous brièvement en mémoire la multitude de nos péchés, et nous nous reconnaîtrons indignes de ce qui se dit ou se fait en notre honneur. (…) Les hommes simples ne sont pas souvent contaminés par le poison de la vaine gloire, parce que celle-ci est le rejet de la simplicité et l’hypocrisie de la conduite.
Méditation de l'évangile du père Gabriel
Ce que Jésus flétrit, c'est le mépris des autres et l'assurance de notre supériorité. Il aime l'humilité, une humilité très simple, sans théâtre ni ostentation, une humilité qui nous fait comprendre combien nous sommes pauvres, réellement pauvres, devant Dieu.
Le pharisien et le publicain
Jésus, dans la parabole du pharisien et du publicain, dépeint deux de nos attitudes dans la prière. Car nous sommes tous, tantôt le pharisien, tantôt le publicain. Il n'a pas raté notre orgueil et sa description de notre enflure ne manque pas d'humour, d'esprit et de piquant.
Ce que Jésus flétrit, c'est le mépris des autres et l'assurance de notre supériorité. Il aime l'humilité, une humilité très simple, sans théâtre ni ostentation, une humilité qui nous fait comprendre combien nous sommes pauvres, réellement pauvres, devant Dieu.
Pour Lui bien sûr, celui qui est plein de lui-même, Dieu ne peut le remplir.
Mais les jugements qu'Il porte sont nuancés et imagés, sans charge excessive ni parti pris révoltant. Le pharisien est démasqué dans son orgueil et le publicain tiré de sa bassesse. Mais en fait, il n'est pas dit que le pharisien est condamné, comme tant de citations le laissent entendre.
« Je vous le dis, celui-ci (le publicain) descendit dans sa maison justifié,
plutôt que l'autre (avant l'autre)… »
Il s'agit de nous, dans les deux cas, ne l'oublions pas. Notre orgueil éloigne Dieu et nous laisse avec notre seule vertu. Bien peu de chose !
Par contre, Dieu prend plaisir à exalter ce pauvre gueux que nous sommes, lorsque dans notre misère, nous nous réfugions en Lui.
Père Gabriel
Homélies du Père Gilbert Adam
Samedi de la 3e semaine de Carême
Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé.
« À l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres, Jésus dit la parabole que voici :
« Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien, et l’autre, publicain (c’est-à-dire un collecteur d’impôts). Le voyage de la prière n’est pas toujours facile, mais il est toujours passionnant. Dieu nous accompagne, il aime que nous fassions le premier pas, que nous marchions vers lui pour nous retrouver nous-mêmes. Ce chemin de la priere, nous le parcourons à l’aide de Jésus. Seule la prière du Pauvre ouvre un chemin de la paix. Elle nous situe devant Dieu dans notre vérité de créature, dans notre responsabilité de pécheurs. La certitude de la victoire du Christ nous prépare à l’espérance. Nous pouvons nous retrouver dans les deux personnages évoqués par Jésus dans l’Evangile. Conscients à l’excès de notre misère, nous pouvons nous traduire vers Dieu en lamentations. Or Dieu nous propose une relation plus profonde avec lui. Le Pharisien, supérieur aux autres, demeure bien masqué en nous-même. La brume du matin est cette auto-suffisance qui fait disparaître bien vite le don de Dieu : « Ton amour est fugitif comme la brume du matin, » dit la Parole.
« Le pharisien se tenait debout et priait en lui-même : “Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères –, ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne.” Pour ce pharisien, la prière va vers un moi satisfait et sécurisé. Cet homme est à ses yeux, le seul qui est intact, le seul qui est digne. Il est content de ne pas être comme les voleurs, les injustes, les adultères. Les autres sont affreux, lui, dit-il, est génial. Il est l’artisan de sa propre perfection. « Les autres » se laissent compromettre avec l’argent, les aventures, tandis que lui, le « séparé, » l’homme à part, est demeuré inattaquable. Il n’a jamais su « être-avec » les autres, devant Dieu. Pour se sentir vivre, il lui faut se percevoir comme en dehors de la destinée commune. Il a mis Dieu à son service. Il dit toujours « je. » Je rend grâce, je ne suis pas comme les autres humains, je jeûne, je paie la dîme. Il ne regardent les autres que pour les juger, en dire du mal et revenir à lui-même afin de pouvoir à nouveau se remplir de lui-même. Toute l’assurance du Pharisien repose sur ses œuvres. Ses comptes pour le Temple sont en règle, et, une fois la dîme versée, il se sent tranquille pour user de tout le reste comme bon lui semble.
« Le publicain, lui, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : “Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis !” Je vous le déclare : quand ce dernier redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que l’autre. Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. » Nous nous retrouvons aussi dans cet autre personnage de l’Evangile ! Comme lui, conscients de notre misère, nous nous tournons vers Dieu avec des lamentations. Dieu nous invite à une relation plus profonde avec lui. Ce publicain prie en ne s’inquiètant pas du regard des autres. Il prie devant Dieu dans la preoccupation et dans l’inquiètude. Il n’ose pas même le regarder et il n’ose pas lever les yeux vers le ciel. Il fait une demande à Dieu dans son cœur. Il reconnaît qu’il doit avancer, il en a besoin, c’est un pécheur, le mensonge s’est installé dans sa vie. Il reconnaît avec une sorte d’évidence qu’il a perdu la hâte du Royaume. C’est alors que peut monter la vraie prière qui exprime la conversion, l’authentique retournement vers Dieu : « Mon Dieu, aie pitié du pécheur que je suis ! »
Nous demandons à Dieu la grâce d’unifier en nous la prière de supplication et d’action de grâce pour qu’un reflet de son amour resplendisse dans notre cœur.