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Bienvenue sur mon site Une innovation pour mes anciens lecteurs, désormais je traite de divers sujet, en premier La religion judéo chrétienne signé" Monique Emounah", pour ceux qui ne peuvent se déplacer à l'églises quelques soit la raison, et le lieu de leurs résidences ils peuvent suivre les offices du jour, la politique (LR) et les infos, la poésie et les arts en général. Mes écrits, signé (Alumacom) également mes promos de mes dernières parutions et quelquefois un rappel pour mes anciens écrits. Merci de votre attention,

Le marché des gitans,

Le marché des gitans,

un nomade land

Par Stéphanie Harounyan, envoyée spéciale aux Saintes-Maries-de-la-Mer, photos Patrick Gherdoussi — 26 mai 2017 à 19:46

Au marché forain des Saintes-Maries-de-la-Mer, le 24 mai. Il se déroule chaque année durant une dizaine de jours. Photo Patrick Gherdoussi 

Roms, Manouches, Yéniches… Le village des Saintes-Maries-de-la-Mer accueille chaque année en pèlerinage les communautés de voyageurs. Avec leur lot de vendeurs ambulants qui proposent sur leurs stands les objets emblématiques de la vie en caravane. Visite guidée avec l’ethnologue Kristel Amellal.

  Le marché des gitans, un nomade land

La foule des touristes et des croyants se rapproche de l’église. C’est jour de pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Comme chaque année depuis le Moyen Age, les 24 et 25 mai, toutes les communautés (gitans, Roms, manouches, Sintis et Yéniches) affluent de toute la France vers la commune pour honorer sainte Sara, la patronne des voyageurs. Bientôt, sa statue va être menée en procession jusqu’à la mer. Mais à quelques pas de là, certains visiteurs ont d’autres préoccupations. Près de la mairie, le marché ne désemplit pas. Des étals classiques, en apparence. Il faut le regard aiguisé de Kristel Amellal, ethnologue au Museon Arlaten d’Arles, pour raconter une tout autre histoire. Au sein de l’unité recherche et muséographie du musée, elle étudie depuis 2010 les populations gitanes, dont la présence est attestée en Provence depuis le XVe siècle. Leur mode de vie, le rôle des hommes et des femmes au sein de la communauté, certains temps forts comme le pèlerinage ou le mariage… Pour son travail de collecte, qui vient enrichir la panoplie du musée, le marché est un terrain de choix. «Jusque dans les années 90, il y avait des caravanes sur cette place, raconte Kristel Amellal. Mais les voyageurs vendaient déjà de façon informelle des produits entre eux. Depuis, la mairie a autorisé un marché officiel où seuls les titulaires d’une carte de forain ont l’autorisation de s’installer.»

 

Des événements comme celui-là, les gens du voyage en organisent une quinzaine dans l’année, partout en France. Celui des Saintes-Maries-de-la-Mer est le plus important de tous. Durant une dizaine de jours, une centaine d’exposants y proposent des produits tout particulièrement ciblés «gens du voyage». On y trouve des objets adaptés à la vie en caravane, des vêtements à la mode gitane, du linge de maison, des casseroles XXL… «On vend ici des choses qui ne se trouvent pas ailleurs», assure Kristel Amellal.

 

Le couteau

Sous les vitres, des dizaines de petits couteaux au bout arrondi. «Ça s’appelle un greffoir, précise David, le maître coutelier. A l’origine, ils servaient à couper les tiges, pour les vanniers…» Il a à peine levé la tête de son ouvrage. Depuis le début de la matinée, David grave sans relâche ses lames selon les envies des clients. Heroll, venu de Paris, a choisi d’y inscrire «Latcho drom». «Ça veut dire "bonne route", traduit le Yéniche. C’est aussi le nom d’un film de Tony Gatlif. Depuis sa sortie, on utilise beaucoup plus l’expression.» Heroll a déjà un tout petit couteau, glissé dans son portefeuille. «Tout le monde en a, explique-t-il. On s’en sert sur les marchés, pour manger un bout. Moi, je l’utilise aussi pour ramasser les champignons.» D’autres les utilisent toujours pour la vannerie, l’un des métiers encore très pratiqués par les gens du voyage. Plus loin, un vendeur propose d’ailleurs des packs de tracts promotionnels dédiés à ces professions : récupération de ferraille, rempaillage de chaises, maçonnerie… Sur le document, un encart blanc a été laissé pour y ajouter un numéro de téléphone. «C’est utile pour ceux qui n’ont pas de locaux, explique le vendeur. Chez les gitans, on fonctionne surtout au porte-à-porte.»

 

L’édredon

Gabrielle a installé une machine à coudre devant sa remorque ouverte. A l’intérieur, un imposant tuyau crache du duvet d’oie dans de gros édredons, qu’elle finit ensuite de coudre directement sur place. «On a tous ça dans la caravane, confie la femme de 25 ans. L’hiver, par exemple, si vous n’avez pas de gaz ou les moyens d’avoir de l’électricité, vous restez au chaud grâce à lui.» Gabrielle ne fait que les marchés de voyageurs partout en France. «Les autres ne comprendraient pas le prix, assure-t-elle. C’est 200 euros, mais les gens économisent toute l’année pour se le payer. Et comme les jeunes mariés doivent faire leur lit, j’ai toujours des clients !» Kristel Amellal a eu l’occasion de suivre des mariages gitans pour son étude : «Lorsque la fille part de chez ses parents, elle emporte son trousseau. On y trouve tout le nécessaire pour l’entretien du logis, mais aussi du linge de maison et plusieurs parures de lits. Une même famille peut en avoir une vingtaine.»

 

Les Sabots

Manolita vient d’acquérir une paire décorée façon carreaux Burberry. «C’est mes premiers sabots», confie la jeune mère de 25 ans, originaire du Puy-en-Velay. Pour la femme gitane, cette pièce est un «must have». «Elles les portent pour faire le ménage, explique Kristel Amellal. La propreté est extrêmement importante chez les femmes gitanes. La maison doit être nickel. Elles balayent et frottent souvent trois fois par jour, cela leur prend une grande partie de la journée. Ce rapport à la pureté se rejoue au moment du mariage, où la virginité de la fille engage toute la famille.» Les sabots, notamment, permettent aux femmes de se déchausser facilement à chaque fois qu’elles rentrent dans une caravane. Manolita sourit : «On est très maniaque, reconnaît-elle. On a grandi comme ça… Question d’habitude.» Le marché s’adapte à cette demande, proposant chiffons, bassines, balais et autres objets dernier cri réservés au ménage. Parmi les incontournables, plusieurs stands vendent des langes pour bébé, très pratiques pour attraper la poussière.

 

La marmite

Il y en a de toutes les tailles, mais la pièce maîtresse est une marmite XXL, qui trône en bonne place sur le stand de Nadia. «On vient au monde, on sait faire cuire, affirme-t-elle. C’est un plaisir. La vie de gitan, c’est la bouffe et le bien-être !» La marmite sert à préparer ce qu’ils appellent «le manger», explique Kristel Amellal. Qui est en général du genre grand format. «Même si on cuisine pour quatre à la base, il y en a toujours cinq qui arrivent à l’improviste !» confirme Nadia. Avec son mari, elle propose aussi des barbecues en tout genre, à poser devant la caravane. «La cuisine se fait dehors dès que cela est possible, souligne l’ethnologue. Ainsi, il n’y a pas d’odeur dans la caravane ou la maison. Là encore, c’est lié à l’importance donnée à la tenue de son intérieur. Le barbecue, "la braise", comme ils disent, a aussi un caractère convivial. Pour les gitans, ce sont des moments précieux.»

 

Le jogging

Une pièce rare, présentée sur un mannequin au-dessus du stand : un jogging en peau de pêche, avec petit volant sur le haut et un bas… en jupe. «Certaines gitanes ne mettent pas de pantalon, justifie Sinaï, la vendeuse de 20 ans. Ce jogging permet d’être à l’aise tout en restant féminine !» L’habit est un incontournable de la garde-robe des voyageuses. Celui des gitanes présente souvent une touche de féminité, comme le modèle rouge à strass acquis par le musée Arlaten pour ses collections. Pour les autres pièces du vestiaire, David, qui tient un stand face à Sinaï, a dû aussi s’adapter à la mode gitane. «C’est moi qui dessine les modèles, explique-t-il. Je m’inspire des vêtements des boutiques traditionnelles que j’adapte. La jupe doit aller jusqu’aux genoux, les hauts sont plus larges… On propose aussi beaucoup de noir, car les femmes peuvent porter le deuil deux ou trois ans.» Souvent, ces modèles sont déclinés à l’identique pour les petites filles. «On investit très tôt les rôles féminins ou masculins, traduit Kristel Amellal. Pour les mariages, par exemple, on va habiller les petites filles en mariées. On le voit aussi dans les chaussures : sur le marché, on trouve des modèles à talons et à paillettes pour enfants que l’on ne trouverait pas ailleurs.»

 

Les bijoux

Michel est l’un des piliers du marché. «Ça fait vingt-trois ans que je déballe ici», soutient le Yéniche parisien. Aujourd’hui, il propose différents bijoux et un large choix de pendentifs qu’il fait faire lui-même, suivant les demandes des voyageurs. «J’avais fait fabriquer des médailles de sainte Sara, mais j’ai déjà tout vendu ! s’excuse le quinqua. Mais il reste des petites roulottes, des hérissons - le symbole des gitans -, des guitares… Et des christs et des croix, bien sûr.» Michel vend également des étoiles de David pour satisfaire la clientèle évangéliste. «Le pèlerinage des Saintes-Maries s’adresse aux catholiques, mais beaucoup de gitans se sont convertis à l’évangélisme depuis une trentaine d’années, précise Kristel Amellal. Ce qui ne les empêche pas de venir eux aussi y assister, pour voir la famille par exemple.» Michel, lui, est resté catholique. Mais participe tout de même, avec son stand, aux rassemblements pentecôtistes qui ont lieu deux fois par an dans le Loiret. Il organise lui-même des marchés pour les voyageurs avec David, le coutelier. Ils seront bientôt à Lyon, avant Lourdes cet été.

 

Stéphanie Harounyan envoyée spéciale aux Saintes-Maries-de-la-Mer, photos Patrick Gherdoussi

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