Le 11 février 1858, Bernadette Soubirous,
âgée de 14 ans, rencontre à la grotte de
Massabielle, près de Lourdes, avec une
« Dame vêtue de blanc » qui va marquer
sa vie et l’histoire spirituelle de la France.
Bernadette est née à Lourdes le 7 janvier 1844. Elle est l’aînée de 9 enfants dont 4 seulement vivront. Les parents de Bernadette s’aimaient. Cet amour sera plus tenace que la misère et les aidera à toujours rester unis. Jusqu’à la fin de sa vie, Bernadette sera sensible à cet amour familial.
Durant les dix premières années de sa vie, Bernadette vit au Moulin de Boly que loue son père. Elle l’appellera « le moulin du bonheur » car elle y a été très heureuse. Mais, hélas, à partir de 1854 les affaires vont mal. Les emprunts que son père ne peut plus rembourser le mènent, lui et sa famille, à une lente mais inexorable dégringolade sociale
En mai 1856, la famille se retrouve à la rue. La voici recueillie par un cousin, qui leur laisse l’accès à une pièce délabrée de 16 m2 au rez-de-chaussée de sa maison, comprenant tout juste une cheminée et un petit évier. Les fenêtres donnent sur une petite cour intérieure où s’accumule le fumier. Il s’agit d’une ancienne prison désaffectée appelée « le Cachot ».
Dans ce contexte et malgré sa santé précaire, (elle souffre d’asthme), Bernadette, gaie, espiègle, à l’humour communicatif et à la volonté déterminée, n’entend pas rester à ne rien faire. Elle garde ses frères et sœur pendant que Louise, sa mère, lave le linge des autres. Elle travaille comme serveuse dans le café de sa tante Bernarde, va chercher du bois mort sur le bord du Gave pour faire du feu et recherche des os à vendre pour obtenir quelques piécettes afin d’acheter un peu de pain. Plus question pour elle d’aller régulièrement à l’école. À 14 ans, Bernadette fait partie des 50 % d’enfants qui en France ne savent ni lire ni écrire. Elle ne parle que le patois bigourdan, ne connaît pas le français, langue du catéchisme, et ne peut donc pas faire sa première communion.
C’est pourtant cette soif de faire sa première communion qui, en janvier 1858, va pousser Bernadette à quitter Bartrès, où elle vient de passer 6 mois à se refaire une santé et à rendre service à sa nourrice en gardant les moutons. Elle sait qu’elle va retrouver le froid et l’humidité du Cachot ainsi que ses crises d’asthme, mais c’est là, dans ce quotidien banal, que va surgir l’inattendu dans sa vie. Entre le 11 février et le 16 juillet 1858, la Vierge lui apparaîtra 18 fois.
Par ces 18 rencontres, Bernadette découvre peu à peu que sa vie est précieuse, qu’elle a du poids et qu’elle compte aux yeux de Dieu. Elle fait l’expérience de la rencontre avec un Dieu plein de tendresse, un Dieu qui s’intéresse à ceux que le monde exclut.
Pendant les deux années qui vont suivre, Bernadette va vivre au Cachot, mais elle doit répondre aux visiteurs, chez elle, au presbytère ou à l’hospice. Toute sa vie à Lourdes, à l’hospice et à Nevers ensuite, elle vit vraiment comme une épreuve cette curiosité, ce harcèlement.
Elle va devoir aussi répondre aux interrogatoires, d’abord des autorités civiles, puis très vite des autorités ecclésiastiques qui doivent se prononcer sur l’authenticité des apparitions.
Le 18 janvier 1862, Mgr Laurence promulguera le mandement reconnaissant les apparitions.
En juillet 1860, Bernadette entre à l’hospice des sœurs de la Charité de Nevers comme pensionnaire, dans la classe des indigents. Cette année-là, elle apprend à lire et écrire : elle a 16 ans et pourra enfin écrire elle-même le récit des apparitions.
En 1863, les sœurs de l’Hospice proposent à Bernadette de soigner les malades.
C’est pour elle une expérience décisive qui lui révèle son désir de suivre le Christ en servant ses frères pauvres et souffrants. Le 4 juillet 1866, huit ans après les apparitions, Bernadette quitte Lourdes, sa famille et sa chère grotte. Elle entre au noviciat des Filles de la Charité à Nevers. Un an plus tard, elle fait profession de vie religieuse. Elle restera treize années au couvent Saint-Gildard. Il semble qu’il n’y en ait que deux où elle n’ait pas fait de longs séjours à l’infirmerie comme malade.
Les sœurs la visitent et sont unanimes à dire qu’elle ne s’appesantit pas sur ses souffrances, elle rassure tout le monde sur sa santé, l’évoquant à peine, sinon avec une pointe d’humour.
Pour tous ceux qui viennent la voir, elle est une présence attentive, compatissante et stimulante. On la quitte plus fort et assuré, plus confiant qu’on n’est venu.
À partir du 11 décembre 1878, Bernadette s’alite définitivement. Le 16 avril 1879, elle demande à être levée. On la place dans un fauteuil à côté de la cheminée face à un Christ qu’elle ne cesse de fixer et vers qui elle tend les bras : « Mon Jésus ! Oh que je l’aime ! »
Juste avant de mourir, Bernadette unit sa prière à celle de ses sœurs présentes à l’infirmerie : « Sainte Marie, mère de Dieu… » Elle répète : « Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour moi pauvre pécheresse, priez pour moi pauvre pécheresse… »
La première fois que je fus à la grotte, j’allais ramasser du bois avec deux autres petites filles ; quand nous fûmes au moulin, je leur ai demandé si elles voulaient aller voir où l'eau du moulin allait se joindre au gave. Elles me répondirent oui. De là, nous suivîmes le canal ; arrivées là, nous nous trouvâmes devant une grotte ; ne pouvant aller plus loin, mes deux compagnes se mirent à même de traverser l'eau qui se trouvait devant la grotte ; (elles se mirent à pleurer. Je leur demandai pourquoi pleuraient-elles ? Elles me répondirent que l'eau était froide). Donc je me trouvais seule de l'autre côté. J'ai demandé aux autres deux si elles voulaient m'aider à jeter quelques pierres dans l'eau pour voir si je pourrais passer sans me déchausser ; elles me dirent de faire comme elles, si je voulais ; je fus un peu plus loin voir si je pouvais passer sans me déchausser mais inutilement. Alors, je revins devant la grotte et je me mis à me déchausser. À peine si j'avais ôté le premier bas, j'entendis un bruit comme si c'eût été un coup de vent. Alors j'ai tourné la tête du côté de la prairie ; j'ai vu les arbres très calmes ; alors, je continuai de me déchausser ; j'entendis encore le même bruit ; comme je levais la tête en regardant la Grotte, j'aperçus une Dame en blanc, alors je fus un peu saisie et croyant être en face d'une illusion je me frottais les yeux mais en vain (je regardais encore) ; je voyais toujours la même Dame ; alors je mis la main à la poche, je pris mon chapelet, voulant faire le signe de la croix mais en vain ; je ne pus arriver la main jusqu’au front (ma main tomba) ; alors le saisissement s'empara plus fort de moi ; la Dame prit le chapelet qu'elle tenait entre ses mains et elle fit le signe de la croix ; alors j'ai essayé une seconde fois de le faire et je pus. Aussitôt que j'eus fait le signe de la croix, le grand saisissement que j'éprouvais disparut. Je me mis à genoux et je dis le chapelet, en présence de cette belle Dame. (La vision faisait courir les grains du sien ; mais elle ne remuait pas les lèvres.) Après avoir dit le chapelet, elle me fit signe d'approcher mais je n'ai pas osé, alors elle disparut (tout d'un coup). Je me mis à ôter l'autre bas pour traverser le petit peu d'eau qui se trouvait devant la grotte et nous nous sommes retirées. Chemin faisant, j'ai demandé à mes compagnes si elles n'avaient rien vu. « Non », me répondirent-elles ; « et toi, tu as vu quelque chose - Oh non si vous n'avez rien vu, je n'ai rien vu non plus » (Je croyais m'être trompée). Je ne voulais pas leur dire, mais elles m'ont tellement priée que je suis décidée à leur dire mais à condition qu'elles n'en parleraient à personne. Elles me promirent de garder le secret, mais aussitôt arrivées chez elles, rien de plus empressé que de dire ce que j'avais vu. Voilà pour la première fois ; c'était le jeudi 11 février 1858.
Extrait de Les petits chanteurs chantent Marie, Bayard-Musique.Sophie de Villeneuve