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Le blog de mim-nanou75.over-blog.com

Bienvenue sur mon site Une innovation pour mes anciens lecteurs, désormais je traite de divers sujet, en premier La religion judéo chrétienne signé" Monique Emounah", pour ceux qui ne peuvent se déplacer à l'églises quelques soit la raison, et le lieu de leurs résidences ils peuvent suivre les offices du jour, la politique (LR) et les infos, la poésie et les arts en général. Mes écrits, signé (Alumacom) également mes promos de mes dernières parutions et quelquefois un rappel pour mes anciens écrits. Merci de votre attention,

une portion d'Histoire de l'art

Seurat
Points à la ligne

 

Georges Seurat est le chef de file du mouvement néo-impressionniste auquel vont adhérer les peintres de Paris pendant les années 1880-1890 et dont Puvis de Chavannes est un précurseur..

Né à Paris en 1859, dans une famille aisée, Seurat est rejeté par le Salon officiel et ouvre en 1884 un Salon des Indépendants avec Paul Signac, Henri-Edmond Cross (de son vrai nom... Delacroix) et Maximilien Luce où il présente Baignade à Asnières.

Mais il meurt prématurément d'une angine infectieuse le 29 mars 1891 à 31 ans après avoir présenté au Salon de l'année son chefs-d'œuvre (inachevé) Le Cirque.

Georges Seurat et les néo-impressionnistes formalisent à l'extrême les couleurs. C'est le pointillisme.

Ils utilisent séparément les trois couleurs primaires (bleu, rouge et jaune) sous la forme de points accolés les uns aux autres, en peignant les couleurs l'une après l'autre pour obtenir un maximum de contraste. Ils utilisent aussi la dynamique des lignes pour signifier les sentiments: courbe concave = gaieté ou sourire, comme dans Le Cirque. Ils peignent par ailleurs le cadre en plus de la toile de manière à amener l'œil sur le tableau.

Les néo-impressionnistes vont laisser la place aux fauves, tel Matisse, et inspirer à Van Gogh ses touches fragmentées et ses contrastes de couleurs.

Rodin (1840 - 1917)
La sculpture à pleines mains

 

Depuis plus d’un siècle, le nom d’Auguste Rodin fait rugir les critiques et accourir les foules… Qui aurait pu imaginer qu'un tel destin attendait un élève que l'école ne motivait guère ? Comme il refuse obstinément de briller dans les matières classiques, ses parents l'envoient, de guerre lasse, dans une école de dessin.

C'est le grand moment qui décidera de la vie d'Auguste Rodin. L'étincelle de l'art embrase son âme et il se jette à corps perdu dans... la sculpture. Sa passion ne s'éteindra jamais. En rupture avec la recherche de la beauté pure héritée de l'Antiquité, il privilégie l'expression des passions et laisse derrière lui 7 000 oeuvres aujourd'hui dispersées à travers le monde. Elles vont inspirer et interpeller tous les sculpteurs et artistes du XXe siècle...

Isabelle Grégor

 

 

 

Quelle « poire molle »!
 

C'est avec ce doux sobriquet que Jean-Baptiste Rodin désigne son cher fils, futur génie de la sculpture. Il est vrai que pour le moment rien ne semble prédisposer le fruit tendre de 14 ans à marquer de son nom l'histoire des Arts.

Rodin travaillant au buste du père Eymard, Charles Hippolyte Aubry, 1863, musée Rodin, Paris.Né le 12 novembre 1840, le petit Auguste tarde à faire honneur à sa modeste famille, à son père, simple garçon de bureau à la préfecture de police de Paris, et à sa mère Marie, pieuse et discrète. 

C'est pourtant du côté de cette femme effacée qu'il faut aller chercher l'origine de la vocation d'artiste de Rodin, puisque ses trois neveux, avec lesquels Auguste passe son temps libre, choisiront des métiers d'Art.

Mais pour le moment il se contente de copier les pages d'emballage de l'épicier chez qui travaille sa mère... et d'accumuler de piètres résultats scolaires. 

L'exil dans la pension de l'austère oncle Hippolyte, à Beauvais, n'ayant eu aucun effet notable, on abandonne tout espoir de faire un grand homme du petit Auguste, roux, malingre et myope. Et puisque sa mère et sa sœur Maria insistent pour qu'il soit envoyé dans la « Petite École » impériale de dessin, qu'il y aille !

De toute façon, avec un tel niveau, il n'est pas question d'espérer rejoindre la « grande école », celle des Beaux-Arts. Et puis, c'est gratuit, il ne coûte rien d'essayer...

« Copie d'après une scène antique, cortège de silène jouant du pipeau, suivi d'une panthère, de Bacchus et d'une ménade, un thyrse et une canthare à la main », avant 1860, Auguste Rodin, musée Rodin, Paris.

Moine ou artiste, il faut choisir
Pour Rodin, c'est la révélation : il se jette à corps perdu dans le travail, couvre ses carnets de croquis, court les musées et les cours du soir, dévore les livres pour rattraper son retard.

Académie d'homme, entre 1854 et 1857,  Auguste Rodin, musée Rodin, Paris.Ses amis Henri Fantin-Latour, Alphonse Legros puis Jules Dalou, futurs grands noms de l'Art, s'empressent de lui mettre entre les mains Virgile et Hugo et de lui remonter le moral lorsque le Cabinet des estampes lui refuse l'accès : pas de gribouilleur miteux sous les ors impériaux !

Qu'importe, il sait qu'il ne fera pas carrière dans le dessin mais dans la sculpture depuis qu'il a aperçu par une porte ouverte l'atelier de modelage de son école.

C'est un coup de cœur : « Pour la première fois où je vis de la terre glaise, il me sembla que je montais au ciel. […] J'étais dans le ravissement ».

Mais il est temps de passer à l'étape supérieure et de tenter le fameux concours des Beaux-Arts.

Feuilles de croquis, vers 1871, Auguste Rodin, musée Rodin, Paris.

 

 

 

 

 

Quelle humiliation ! Par trois fois, le jury rejette l'œuvre de ce jeune homme.

Est-il trop empreint de l'esprit dix-huitièmiste de la « Petite École » alors que les Beaux-Arts ne jurent que par le néo-classicisme de Louis David ?

Il lui faut laisser pour le moment de côté ses ambitions et faire vivre sa famille. Pour cela, une seule solution : courir les ateliers et proposer sa main-d’œuvre. Par chance, Paris est en plein renouveau haussmannien et le travail, s'il n'est pas très valorisant, ne manque pas.

Mais en 1862, la vie de Rodin bascule avec la mort de sa chère sœur Maria, entrée au couvent après un chagrin d'amour. Auguste se sent tellement coupable de lui avoir présenté son ami Arthur, ce traître qui en a épousé une autre ! Que faire ? La suivre !

L'artiste abandonne tout espoir de carrière et devient frère Auguste chez les pères du Très-Saint-Sacrement. Heureusement pour l'Art, son supérieur le père Eymard comprend vite que la place du jeune homme n'est pas dans la prêtrise. Il l'invite à reprendre son indépendance, ce qui est fait quelques mois après ses velléités de noviciat.

« Oh ! Mon premier atelier ! Je ne l'oublierai jamais ! »
Rodin occupa une vingtaine d'ateliers, n'hésitant pas à en louer jusqu'à six à la fois, y compris sa maison de Meudon, aujourd'hui un musée dédié à son oeuvre.

Il se souvient avec émotion de son premier atelier, 96 rue Lebrun, près des Gobelins :
« J'y ai passé de durs moments.
Mes ressources ne me permettant pas de trouver mieux, je louai près des Gobelins, rue Lebrun, pour 120 francs par an, une écurie, qui me parut suffisamment éclairée, et où j’avais le recul nécessaire pour comparer la nature avec ma terre, ce qui a toujours été pour moi un principe essentiel dont je ne me suis jamais départi.
L'air filtrait de toutes parts, par les fenêtres mal closes, par la porte dont le bois avait joué ; les ardoises de la toiture, usées par la vétusté ou dérangées par le vent, y établissaient un courant d'air permanent. Il y faisait un froid glacial ; un puits creusé dans l'un des angles du mur, et dont l'eau était proche de la margelle, y entretenait en toutes saisons une humidité permanente.
Aujourd'hui encore, je ne comprends pas comment j'ai pu y résister !...
C'est là que je fis mon Homme au nez cassé.
Comme opiniâtreté dans l'étude, comme sincérité dans l'exécution du modelé, je n'ai jamais fait plus ni mieux ; je travaillais autant que je le pouvais ; je ne pensais guère qu'à cela; les esquisses, les figures, les morceaux finis, tapissaient les murailles ; l'atelier tout entier était encombré d'œuvres en train ; mais, comme je n'avais pas d'argent pour faire mouler tout ce que je faisais, je perdais chaque jour un temps précieux à couvrir mes terres de linges mouillés ; malgré cela, j'avais à chaque instant des accidents sous l'action de la gelée ou de la chaleur ; des blocs entiers se détachaient, des têtes, des bras, des genoux, des lambeaux de torses tombaient ; je les retrouvais en morceaux sur les carreaux qui couvraient le sol ».

« Rodin dans son atelier », 1885, Allan Österlind, Ateneum, Helsinki.

Enfin seul ! Ou presque...


 

Mignon (Portrait de Rose), 1870, Auguste Rodin, musée Rodin, Paris.Voici Rodin qui prend possession, en 1863, de son premier atelier. Ses doutes et une épaisse barbe, censée cacher une vilaine cicatrice, l'ont vieilli.

Mais cela n'a pas empêché une jeune confectionneuse, Rose, de tomber amoureuse et d'accepter de vivre dans son ombre pendant 53 ans : celle qui sera sa « Mignon », son modèle, son assistante, était « toujours prête à se dévouer pour [lui] ; c'est ce qu'elle a fait toute sa vie ».

Elle commence par lui donner un fils qu'il ne reconnaîtra jamais, tout comme il refusera longtemps le mariage, peut-être pour ne pas froisser sa famille si croyante.

Pour le moment, le jeune couple connaît la misère jusqu'à ce que Rodin entre au service de Carrier-Belleuse, un des sculpteurs en vue qui sait s'y prendre pour décrocher des commandes, comme celle des caryatides de l'Opéra Garnier qui prennent forme dans les mains de Rodin.

L’Homme au nez cassé, première version, 1864-1865,  Auguste Rodin, musée Rodin, Paris.Mais notre artiste s'ennuie : il ne veut pas passer sa vie à modeler des bustes signés par son patron ! Alors dès qu'il a du temps libre, il demande au vieux Didi de poser pour ce qui doit être, il en est sûr, l'œuvre de la consécration : L'Homme au nez cassé. Las ! De nouveau, c'est l'échec, la sculpture étant jugée trop réaliste est refusée au Salon de 1865.

Les coups durs s'accumulent, il doit même laisser femme et enfant à Paris pour rejoindre Carrier-Belleuse à Bruxelles pendant la terrible guerre de 1870.

Mais la collaboration prend fin sur une dispute et Rodin se tourne vers un concurrent, Van Rasbourg, qui lui permet enfin de gagner sereinement sa vie et d'aller à la rencontre des toiles de Rubens.

Après avoir, pour la première fois, exposé ses œuvres, il part rendre hommage à Florence à son maître, Michel-Ange. Il en revient plus confiant que jamais pour s'atteler à une nouvelle œuvre destinée au Salon parisien de 1877. Cette fois, ce sera la bonne !

« Rodin devant la Porte de l'Enfer se reflétant dans un miroir », William Elborne, 1887.

Haro sur le tricheur

statue en bronze et fonte au sable par Alexis Rudier,

L’Âge d’airain, 1877, Auguste Rodin, avant 1916, musée Rodin, Paris.Certes, Rodin a bien fait sensation à Paris, mais pas du tout à cause de son talent : alertés par la presse belge, les journalistes ont affirmé que son Âge d'airain, trop parfait, a été réalisé à partir d'un moulage sur le corps de son modèle. Scandale !

Le jury se désintéresse de l'œuvre, et les preuves fournies par l'artiste n'y changeront rien. Il y gagne une gloire bien amère et une méfiance éternelle envers les journaux.

Il n'a plus qu'à se lancer à corps perdu dans le travail que lui offre la préparation de l'Exposition universelle et, le soir, dans une statue plus grande qu'un individu ordinaire pour éviter tout soupçon.

Ce sera Saint-Jean Baptiste, acheté pour le musée du Luxembourg par Edmond Turquet, ce sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts qui va changer la vie de Rodin en lui commandant un projet monumental, une porte représentant des scènes de la Divine comédie de Dante.

Aussitôt, Rodin déménage dans un atelier à la mesure de la commande, rue de l'Université, et se met au travail, ignorant qu'il ne parviendra jamais à achever cette œuvre infernale (il n'en verra jamais le bronze, réalisé après sa mort).

Il lui faut aussi trouver du temps pour répondre aux nombreuses commandes de bustes que ses amis lui passent.

Victor Hugo de trois-quarts, 1884, Auguste Rodin, musée Rodin, Paris.

Le sculpteur s'essaye en effet à la mondanité, souvent de façon très maladroite : ne dit-on pas que ce grand timide agrémentait ses modestes costumes de manchettes en papier où il griffonnait ses idées ?

Comment aura-il pu se sentir à l'aise face au plus grand, ce Victor Hugo qui l'accepte chez lui mais refuse de poser : « Il ne me regardait même pas, mais avait la bonté de ne pas m'écarter ; il me tolérait. J'ai fait beaucoup de dessins […]. Je m'en suis tiré comme j'ai pu » !

« La Porte de l'Enfer » (détail du « Penseur »), Auguste Rodin, 1880-1890. Le plâtre d'origine est conservé au musée d'Orsay, emplacement où cette porte devait initialement s'élever.

« Vous qui entrez, abandonnez toute espérance » (Dante)


Lorsqu'en 1880 Rodin reçoit de la part de l'État la commande d'une porte monumentale de 6,35 mètres de haut pour un futur musée des Arts décoratifs, le thème s'impose de lui-même : il va puiser dans la Divine comédie de Dante la représentation de l'enfer. Mais comment donner vie en relief à une œuvre d'une telle richesse ? Rodin va choisir le mouvement et la profusion en mettant en scène près de 300 personnages, pour la plupart pas plus grands qu'une quarantaine de centimètres. « Je ferai un tas de petites figures ; comme ça on ne m'accusera pas de les avoir moulées sur nature » !

« La Porte de l'Enfer » (détail « Ugolin et ses fils »), Auguste Rodin, musée Rodin, Paris. Coulage en bronze, 1917.L'effet est d'autant plus réussi que son œuvre ne se présente pas, comme son modèle La Porte du Paradis de Ghiberti à Florence, comme un assemblage de panneaux mais sous la forme de hauts battants faits d'un seul morceau.

Au milieu de cette cohue de damnés, certains groupes connurent un drôle de destin en poursuivant seuls leur carrière : voici Paolo et Francesca, les amants malheureux qui continuent à symboliser l'amour à travers le fougueux Baiser, longtemps dissimulé dans les musées aux yeux les plus pudiques ; au-dessus d'eux la figure du Poète s'est transformée en celle du Penseur. Il valait mieux en effet les isoler puisque l'ensemble de la Porte ne fut jamais achevé.

S'il accepta en 1917, qu'une version en bronze soit coulée d'après ses indications, le sculpteur mourut avant d'en voir le résultat. Reste l'œuvre grouillante de toute une vie, un cauchemar baudelairien qui fait l'admiration de l'écrivain Rainer Maria Rilke : « Il fit porter à des centaines de figures à peine plus grandes que ses mains, la vie de toutes les passions, la floraison de tous les plaisirs et le poids de tous les vices. Il créa des corps qui se touchaient pourtant et tenaient ensemble comme des bêtes qui se sont entre-mordues, et ils tombent ainsi qu’une chose dans un abîme ; des corps qui écoutaient comme des visages et qui prenaient leur élan comme des bras, pour lancer ; des chaînes de corps, des guirlandes et des sarments, et de lourdes grappes de formes humaines dans lesquelles montait la sève sucrée du péché, hors des racines de la douleur » .

« L' Éternel printemps », 1884, Auguste Rodin, musée Rodin, Paris.

Et « Mademoiselle Camille » vint...
On se bouscule dans l'atelier de Rodin : on croise les modèles bien sûr, mais aussi les petites mains qui viennent dégrossir le marbre ou reproduire en plâtre les œuvres du maître. Il y a aussi les élèves pleins d'avenir comme François Pompon, Antoine Bourdelle ou encore Aristide Maillol.

Camille Claudel et Jessie Lipscomb dans leur atelier rue Notre-Dame-des-Champs, 1887, William Elborne, Paris, musée Rodin.Les habitués ne s'étonnent plus également d'y croiser une jeune fille que Rodin a rencontrée dans l'un des cours qu'il donne à l'occasion.

Cette Camille Claudel, sœur du futur écrivain Paul, est une sacrée personnalité ! Elle a dû se battre contre sa famille et toute la société pour atteindre son but, devenir sculptrice à l'égal d'un homme.

Jusque-là plutôt fidèle à sa bonne Rose, le « vieux » Rodin, de 24 ans plus âgé que Camille, devient un amant passionné et un mentor attentif qui n'hésite pas à répéter à qui veut l'entendre qu'il a pleinement confiance dans son talent : « Je lui ai montré où trouver de l'or, mais l'or qu'elle trouve est bien à elle ». 

Ils deviennent modèles l'un pour l'autre et se parlent d'amour à travers leurs œuvres : L'Éternel printemps (1884) puis L'Adieu (1898) pour lui, Vertumne et Pomone (à partir de 1886) puis la pathétique Implorante pour elle (1894), lorsqu'elle comprend que Rodin n'acceptera jamais d'abandonner Rose.

Vertumne et Pomone, Camille Claudel, 1904, musée Rodin, Paris.

En 1893, c'est la séparation, Rodin s'installe avec sa vieille compagne tandis que Camille part vivre seule : « Retirée dans l'absolue solitude de son atelier du boulevard d'Italie, elle vit là, un an, deux ans, trois ans sans recevoir personne, sans entendre une voix amie » (témoignage du critique d'art Mathias Morhardt).

Peu à peu, elle sombre, accuse son ancien amant de lui voler des marbres, détruit ses œuvres, disparaît pendant des mois. En 1913, son frère décide de la faire interner à la Maison de Santé de Ville-Évrard avant d'être transférée dans l'hôpital psychiatrique de Montdevergues dans le Vaucluse. Elle y meurt en 1943, après 30 ans de désespoir : « C'était bien la peine de tant travailler et d'avoir du talent pour avoir une récompense comme ça. Jamais un sou, torturée de toute façon, toute ma vie. Privée de tout ce qui fait le bonheur et encore finir ainsi » (Lettre à Charles Thierry, 1913).

« L'Âge mûr », 1899, Camille Claudel, bronze, fonte Frédéric Carvilhani, vers 1913, musée Rodin, Paris.

« Il n'aura jamais aimé que vous, Camille »
 

Rares sont les lettres qui nous restent de la correspondance échangée entre Rodin et Camille Claudel, mais les témoignages de leur amour ne manquent pas, comme cette anecdote que le peintre Eugène Blot fait parvenir à Camille : « J’avais perdu votre trace… Dans le monde combinard de la sculpture, Rodin, vous, trois ou quatre autres peut-être, aviez introduit l’authenticité, cela ne s’oublie pas. […] Avec vous, on allait quitter le monde des fausses apparences pour celui de la pensée. Quel génie ! Le mot n’est pas trop fort. Comment avez-vous pu nous priver de tant de beauté ?
Un jour que Rodin me rendait visite, je l'ai vu soudain s'immobiliser devant ce portrait, le contempler, caresser doucement le métal et pleurer. Oui, pleurer. Comme un enfant. En réalité, il n'aura jamais aimé que vous, Camille, je puis le dire aujourd'hui. Tout le reste – ces aventures pitoyables, cette ridicule vie mondaine, lui qui, dans le fond, restait un homme du peuple – c'était l'exutoire d'une nature excessive. Oh ! Je sais bien, Camille, qu'il vous a abandonnée, je ne cherche pas à le justifier. Vous avez trop souffert par lui. Mais je ne retire rien de ce que je viens d’écrire. Le temps remettra tout en place. Que puis-je maintenant pour vous, chère Camille Claudel ? Écrivez-moi, prenez la main que je vous tends. Je n’ai jamais cessé d’être votre ami » (Lettre d'Eugène Blot à Camille Claudel , 1932).

« Monument aux Bourgeois de Calais », 1889, Auguste Rodin, musée Rodin, Paris, Photographie Éric Simon.

Bourgeois en chemise et écrivain en robe de chambre
 

Trois études de la tête de Balzac, 1891-1892, Auguste Rodin, Paris, musée Rodin.S'il a toujours été préoccupé du sort de sa « féroce amie » , Rodin doit faire face à d'autres soucis. Désormais artiste reconnu, il s'est mis en tête en 1884 de réaliser le monument qui rendra hommage aux bourgeois de Calais. Il choisit de les montrer non pas glorieux mais assommés de découragement, vision qui refroidit quelque peu l'enthousiasme des commanditaires... En 1886, le projet est même abandonné, faute de financement.

Tant mieux ! Rodin n'a plus de compte à rendre à personne et peut terminer son groupe de six personnages en toute liberté.

Devenu chevalier de la Légion d'Honneur, il participe en 1889 à une grande exposition qui met en parallèle son œuvre et celle de son grand ami, Claude Monet. Cette consécration aurait pu l'assagir mais lorsqu'Émile Zola, au nom de la Société des Gens de Lettres, lui commande en 1891 une statue d'Honoré de Balzac, il abandonne toute prudence pour laisser parler la création.

Balzac en redingote, 1891-1892, Auguste Rodin, musée Rodin. Paris..Il passe des mois en recherches documentaires pour mieux cerner la personnalité de son modèle, mort 40 ans auparavant. Mais ce n'est pas suffisant : dans la Touraine de Balzac, il poursuit un facteur dont la bonne figure lui rappelle l'écrivain et va même demander à son tailleur de reproduire à l'identique la célèbre robe de chambre de « l'ogre de la littérature ». Le temps passe, les ébauches s'accumulent mais d'œuvre aboutie, toujours pas !

Lorsqu'enfin un Balzac massif est présenté au Salon de 1898, le public et les

critiquent pouffent : «  C’est Balzac ? allons donc, c’est un bonhomme de neige. Il va tomber, il a trop bu. C’est Balzac dans un sac. On dirait du veau. Un dolmen déséquilibré. Monstruosité obèse. Fœtus colossal. Monstrueux avortement. Michel-Ange du goitre. Colossal guignol. Voyez à quelle aberration mentale l’époque est arrivée. On ne montre pas une ébauche. »

Les attaques contre la « p'homme de terre en robe de chambre » (Revue de la Marne , 1898) ne touchent plus son créateur qui se retire du projet, devenu trop politique à son goût. Dans une France déchirée, ceux qui le soutiennent ne sont-ils pas en majorité dreyfusards ? « Qu'importe, le Balzac se fraiera par force ou par persuasion une voie vers les esprits » , il en est sûr. En attendant, la statue montera la garde dans le jardin de la villa des Brillants, sa maison de Meudon.

Le « Monument à Victor Hugo », premier projet, quatrième étude, maquette, Auguste Rodin, 1895-1896, musée Rodin, Paris. L'agrandissement montre le « Monument à Victor Hugo », en bronze, après 1900, dans le jardin du musée Rodin à Paris.

Travailler à sa propre gloire
 

Étude de femme, sans date, Auguste Rodin, musée du Louvre, Paris.En 1889, nouvelle commande prestigieuse, nouvelle déconfiture : alors qu'on lui demande pour le Panthéon un Victor Hugo debout, il livre un Victor Hugo... assis et nu ! L'œuvre, bien entendu, est refusée à l'unanimité. Ces échecs successifs n'entament en rien le prestige dont jouit désormais le sculpteur qui prend sa revanche en 1900 lorsqu'est inaugurée sa grande rétrospective au Pavillon de l'Alma.

Son talent est enfin reconnu en France mais aussi à l'étranger où il multiplie les expositions et les ventes. Berlin, Buenos-Aires et même Tokyo le réclament tandis que les célébrités se succèdent à Meudon pour visiter l'atelier et se faire modeler le portrait par le vieux maître.

Parmi ces visiteurs, la duchesse de Choiseul se fait remarquer pour son empressement auprès de Rodin. Elle voudrait le détourner de son projet de donation de son oeuvre à l'État et, comme il n'a pas de descendance reconnue, aspire à en hériter.

L'artiste va comprendre bien tardivement que la fausse duchesse et vraie aventurière a fait disparaître des centaines de ses dessins, y compris certaines de ces 1500 esquisses plus ou moins érotiques qu'il multiplie alors.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De plus en plus isolé, il doit se reposer sur des secrétaires qui gèrent son quotidien, à l'exemple de Rainer Maria Rilke qui laissera des notes précieuses sur l'artiste.

La sculptrice Clara Westhoff, épouse de l'écrivain autrichien, a obtenu de l'État d'être logée dans le superbe hôtel Biron, construit au début du XVIIIe siècle près des Invalides. L'État l'a enlevé aux congrégations en 1905 et y loge des artistes en attendant de le vendre (Cocteau, Matisse, Isadora Duncan...).

L'hôtel Biron côté jardins (Charles Berthelomier, vers 1910)

Rainer Maria Rilke obtient un logement pour Rodin en 1908. En 1911, il lui conseille pour sa tranquillité de louer l'hôtel Biron tout entier, mais Rodin a une autre idée : « Je donne à l'État toute mon œuvre […]. Et je demande à l'État de garder en l'hôtel Biron qui sera le musée Rodin toutes ces collections, me réservant d'y demeurer toute ma vie ».

Rilke, Rose et Auguste Rodin dans le jardin de Meudon en compagnie de deux chiens, sans date, Albert Harlingue, musée Rodin. Paris.Ce sera fait en 1916, quelques mois seulement avant cette cérémonie de mariage que Rose avait tellement espérée. La nouvelle mariée ne survivra que 15 jours, préparant la voie à son génie de mari, ce « saisisseur d'âmes » (Camille Mauclair, L’œuvre de Rodin , 1900) qui la rejoint le 10 novembre 1917.

Selon sa volonté, l'hôtel Biron est aujourd'hui dédié à son oeuvre... et à celle de Camille Claudel. Avec son vaste jardin tapissé de sculptures, avec la Tour Eiffel et le dôme des Invalides sur fond de ciel, il forme l'un des plus beaux sites de Paris.

Ce « satanique Baudelaire » (Rodin)
Charles Baudelaire, vers 1892, Auguste Rodin, musée Rodin, Paris.En 1892 fut décidée la création d'un monument en hommage à l'auteur des Fleurs du mal. Stéphane Mallarmé, président du comité chargé de la mise du projet, en confia la réalisation à Rodin. Le choix semblait logique tant les deux hommes, qui ne se rencontrèrent jamais, étaient proches par leur art : « Ils ont tous deux l’amour de la vie harmonieuse et, contre tout ce qui la déprave, ces tragiques colères où vibre un douloureux écho de ces dépravations elles-mêmes ; ils sont tous deux les sujets de la Passion profonde, tenace, impitoyable, et chacun dans le domaine de son art » (Charles Morice). Faute d'argent, le monument ne fut jamais achevé mais il reste cette tête solitaire censée symboliser tout le génie du poète : « Ce n'est pas Baudelaire mais c'est une tête de Baudelaire. Voyez, le front est énorme, renflé aux tempes, bossué, tourmenté, beau quand même […]. Les yeux ont le regard comme au-dedans, la bouche est sarcastique, amère dans sa ligne sinueuse […]. C'est Baudelaire, enfin » (Rodin).

Notons que l'artiste avait illustré quelques années plus tôt une édition des Fleurs du mal, reprenant pour l'occasion des dessins inspirés de sa lecture de Dante. L'Enfer, toujours présent...

« Rodin dans son atelier », sans date, Paris, musée Rodin, Paris.

« Un homme aux traits du peuple... »
« Dans l’après-midi, Bracquemond m’emmène visiter le sculpteur Rodin. C’est un homme aux traits de peuple, aux yeux clairs, clignotants sous des paupières maladivement rouges, à la longue barbe flave [jaune], aux cheveux coupés ras, à la tête ronde, la tête du doux et obstiné entêtement — un homme tel que je me figure les disciples de Jésus-Christ.
Je le trouve dans son atelier du boulevard de Vaugirard, l’atelier ordinaire du sculpteur, avec ses murs éclaboussés de plâtre, son malheureux poêle de fonte, la froide humidité venant de toutes ces grandes machines de terre mouillée, enveloppées de loques, et avec tous ces moulages de têtes, de bras, de jambes, au milieu desquels, deux chats desséchés dessinent des effigies de griffons fantastiques. Et là-dedans un modèle, au torse déshabillé, qui a l’air d’un ouvrier débardeur.
Rodin fait tourner sur les selles, les terres, grandeur nature, de ses six otages de Calais, modelés avec une puissante accusation réaliste, et les beaux trous dans la chair humaine, que Barye mettait dans les flancs de ses animaux. Il nous fait voir aussi une robuste esquisse d’une femme nue, d’une Italienne, d’une créature courte et élastique, d’une panthère selon son expression, qu’il dit, avec un regret dans la voix, ne pouvoir terminer : un de ses élèves, un Russe étant devenu amoureux d’elle, et l’ayant épousée. Un vrai maître de la chair que ce Rodin » (Edmond de Goncourt, Journal des Goncourt, 1894).

« Celle qui fut la belle Heaulmière », 1887, bronze, Auguste Rodin, musée Rodin, Paris.

Le plus grand... mais pourquoi ?
L’Homme qui marche, 1907, Auguste Rodin, musée Rodin, Paris.On l'a vu, l'art de Rodin s'est heurté au goût encore très académique de nombre de ses contemporains. À une époque où l'on couvrait le pays de dignes statues décoratives ou commémoratives, le voici qui propose des « morceaux » de corps : laissons passer L'Homme qui marche qui n'a jamais trouvé de tête, ou La Méditation dont on cherche toujours les bras.

Mais à quoi bon ? « Il ne leur manque rien de nécessaire. On est devant [ces statues] comme devant un tout, achevé et qui n'admet aucun complément » (Rilke). Pour Rodin en effet, qui reconnaissait s'inspirer des œuvres antiques découvertes incomplètes, « en Art, il faut savoir sacrifier » pour s'approcher de l'essence de l'œuvre, et ne pas s'arrêter à cette « mesquine pédanterie qui nous dit qu'un corps a besoin de bras et qu'un corps sans bras ne saurait être entier » (Rilke).

La Méditation ou La Voix intérieure, plâtre, 1896, Auguste Rodin, musée Rodin, Paris.Et d'ailleurs, « Est-ce que la Nature finit ? Est-ce qu'on fignole les arbres » (Rodin) ? Déjà maître du mélange du lisse et du rugueux, l'artiste choisira de plus en plus, à la fin de sa vie, de laisser parler le « non fini », ces êtres qui semblent sortir du marbre comme les Esclaves de Michel-Ange. Mettons alors aussi en avant ce que l'on cache habituellement : un nez cassé (L'Homme au nez cassé ), une corpulence trop marquée (Balzac), les rides de la vieillesse (Celle qui fut la Belle Heaulmière ).

Et pourquoi ne pas laisser des traces du passage des outils sur les statues à partir du moment qu'on « obtient la solidité de l'ensemble et la qualité vivante » (Rodin) ? L'observateur ne doit pas oublier que la statue est création et que seule la confrontation à la matière, les marques de coups et de caresses vont permettre de donner l'image de la puissance de la vie.

« Sculpteur impressionniste » selon Edmond de Goncourt, Rodin s'adresse autant aux yeux qu'au toucher, à la spiritualité qu'aux sens. Avec Rodin, c'est toute la statue qui se fait vibration immobile pour mieux servir d'écho aux passions humaines.

« Auguste Rodin et Mrs John W. Simpson », 1902-1903, National Gallery of Art, Washington.

Pas de burin pour Rodin
Traditionnellement, on image le sculpteur s'activant autour d'un bloc de marbre pour en faire sortir, à grands coups de burin et ciseaux, la figure qui s'y cache. C'est la taille directe, pratiquée par exemple par Michel-Ange. Rien de tel pour Rodin !

La Main de Rodin, 1917, Auguste Rodin, The Metropolitan Museum of Art, New York.C'est uniquement avec ses mains, éventuellement avec un ébauchoir, un fil d'acier ou une râpe qu'il s'attaquait à son matériau de prédilection, l'argile.

Celle-ci lui permet de jouer sur les oppositions entre lisse et rugueux pour faire ressortir ce que l'œil n'a pas l'habitude de voir : « Au lieu d'imaginer les différentes parties du corps comme des surfaces plus ou moins planes, je me les représentai comme les volumes des saillies intérieures », ces saillies qui font passer la vie de l'intérieur à l'extérieur de l'œuvre et lui donnent toute sa force.

Après avoir modelé la terre, le maître confie l'« original » à son atelier : à ses praticiens d'en tirer un moule dans lequel ils vont faire couler du plâtre pour obtenir une « épreuve » du modèle : elle peut sortir en un seul morceau ou en plusieurs fragments. Ces « abattis » remplissant des tiroirs entiers permettent bien sûr de reconstituer l'œuvre mais aussi d'en créer d'autres, à l'exemple du masque de Camille Claudel que vient caresser la main d'un des bourgeois de Calais.

Auguste Rodin dans l'atelier de son mouleur, Henri Lebossé, 1896, musée Rodin, Paris.Expert en assemblages, Rodin aime à entremêler des bouts de ses œuvres ou même des œuvres complètes : ainsi c'est le même personnage qui donne ses traits aux Trois ombres de la Porte de l'Enfer.

L'artiste n'hésite pas aussi à adjoindre à ses fragments des éléments extérieurs, comme ces vases antiques qu'il collectionnait et qui servirent de socles.

L'autre avantage du moule, c'est de pouvoir reproduire l'œuvre en plusieurs exemplaires ! Et c'est ainsi qu'on trouve des Rodin dans le monde entier... en général en bronze.

Le bronze est en effet, avec le marbre, le stade ultime de l'oeuvre : la statue est d'abord réalisée en ciment recouverte de cire puis enfermée dans un four ; la cire va alors fondre et laisser un espace dans lequel on va faire très rapidement couler le bronze à 1 500°C. Voilà pour le bronze...

Pour créer dans la matière noble du marbre, Rodin part également d'un modèle en plâtre. Il y place de petits clous qui vont servir de repères au metteur au point qui dégrossit le marbre et au praticien qui achève le travail !

« L'art n'est que sentiment »
Auguste Rodin », portrait de John Singer Sargent, 1884, musée Rodin, Paris.Dans ce texte dicté à Paul Gsell en 1911, le vieux maître s'adresse aux « jeunes gens qui [veulent] être les officiants de la beauté » :
« Aimez dévotement les maîtres qui vous précédèrent.
Inclinez-vous devant Phidias et devant Michel-Ange. Admirez la divine sérénité de l’un, la farouche angoisse de l’autre. L’admiration est un vin généreux pour les nobles esprits.
Gardez-vous cependant d’imiter vos aînés. Respectueux de la tradition, sachez discerner ce qu’elle renferme d’éternellement fécond : l’amour de la Nature et la sincérité. [...]

Que la Nature soit votre unique déesse.
Ayez en elle une foi absolue. Soyez certains qu’elle n’est jamais laide et bornez votre ambition à lui être fidèles.
Tout est beau pour l’artiste, car en tout être et en toute chose, son regard pénétrant découvre le caractère, c’est-à-dire la vérité intérieure qui transparaît sous la forme. Et cette vérité, c’est la beauté même. Étudiez religieusement : vous ne pourrez manquer de trouver la beauté, parce que vous rencontrerez la vérité.
Travaillez avec acharnement. [...]

Exercez-vous sans relâche. Il faut vous rompre au métier.
L’art n’est que sentiment. Mais sans la science des volumes, des proportions, des couleurs, sans l’adresse de la main, le sentiment le plus vif est paralysé. […]
De la patience ! Ne comptez pas sur l’inspiration. Elle n’existe pas. Les seules qualités de l’artiste sont sagesse, attention, sincérité, volonté. Accomplissez votre besogne comme d’honnêtes ouvriers.
Soyez vrais, jeunes gens. Mais cela ne signifie pas : soyez platement exacts. Il y a une basse exactitude : celle de la photographie et du moulage. L’art ne commence qu’avec la vérité intérieure. Que toutes vos formes, toutes vos couleurs traduisent des sentiments. […]
Soyez profondément, farouchement véridiques. N’hésitez jamais à exprimer ce que vous sentez, même quand vous vous trouvez en opposition avec les idées reçues. Peut-être ne serez-vous pas compris tout d’abord. Mais votre isolement sera de courte durée. Des amis viendront bientôt à vous : car ce qui est profondément vrai pour un homme l’est pour tous.
Pourtant pas de grimaces, pas de contorsions pour attirer le public. De la simplicité, de la naïveté !
Les plus beaux sujets se trouvent devant vous : ce sont ceux que vous connaissez le mieux. […]
Les mauvais artistes chaussent toujours les lunettes d’autrui.
Le grand point est d’être ému, d’aimer, d’espérer, de frémir, de vivre. Être homme avant d’être artiste ! [...] » (Auguste Rodin, Testament dans L'Art, entretiens réunis par Paul Gsell, 1911).

« Obsèques de Rodin », 1917, Pierre Choumoff, musée Rodin, Paris.

« À l'ombre des grands arbres »
Comment parvenir à se faire une place dans l'histoire de la sculpture lorsque le génie de Rodin écrase tout ? Pour commencer, il faut s'imprégner des leçons du maître, le mieux étant de le côtoyer dans son travail de création. C'est la chance qu'a Antoine Bourdelle engagé en 1893 comme praticien, c'est-à-dire responsable du passage du modelage à la statue de marbre.

Buste de Rodin, 1909, Antoine Bourdelle, musée Ingres, Montauban.Mais rapidement son rôle prend de l'importance, au point de devenir l'associé de Rodin pour l'ouverture d'une école de sculpture. Ils correspondront ensuite pendant de longues années, l'aîné encourageant son admirateur à s'affranchir de sa tutelle, ce que fera Bourdelle en délaissant une certaine façon d'exagérer formes et expressions pour plus de simplicité.

Est-ce parce qu'il est passé par les mêmes doutes et les mêmes tâtonnements que Rodin respectera toujours ses collègues ? Il savait par exemple ce qu'il devait à Jean-Baptiste Carpeaux aux créations pleines de vie inspirées du baroque, auquel il empruntera comme un ultime hommage la figure d'Ugolin pour sa Porte de l'Enfer.

De même, il n'a jamais renié l'influence d'Antoine-Louis Barye, spécialiste de la représentation d'animaux pleins de puissance et de fureur romantiques, représentation dont François Pompon prit le contre-pied avec des œuvres toutes en douceur et en arrondis. Comme il est loin des œuvres de Rodin !

Léda, Aristide Maillol, 1900, terre cuite, musée maillol, Paris.Aristide Maillol lui aussi se dirigea vers des formes pleines qui, loin de choquer son maître, provoquèrent son admiration : « Je ne connais pas de toute la sculpture moderne un morceau qui soit aussi absolument beau », dit-il ainsi à propos de la sensuelle Léda (1900).

Qu'a-t-il pensé du cubisme de Pablo Picasso, marqué par la découverte des arts primitifs, et du futurisme de Constantin Brancusi ? A-t-il pensé que ces mouvements n'étaient que « fanfaronnades » (entretiens avec Michel Georges-Michel) ou s'est-il intéressé à ces expérimentations qui reprenaient sa vision de corps disloqués ?

La fin de vie arrivant, il semble surtout que Rodin était plus tourné vers le devenir de sa propre œuvre que par l'avenir de son Art. Pour la génération montante, il reste cependant un point de repère indépassable dont elle va devoir s'affranchir en choisissant sa propre route pour faire mentir Brancusi. En 1907, quittant l'atelier de Rodin après y avoir travaillé un mois, il rappela que « rien ne pousse à l'ombre des grands arbres ».

En 1915, Sacha Guitry a réussi à convaincre son ami Auguste Rodin de se laisser filmer dans son atelier de Meudon. Le sculpteur et ses œuvres se dévoilent dans l'extrait qui suit :


Les Rodin du 11 Septembre
Le 11 septembre 2001, lorsque la tour Nord du World Trade Center s'écroule, elle fait disparaître parmi ses tonnes de gravats une partie d'une des plus belles collections de Rodin qui ait été rassemblée. De nombreuses œuvres étaient en effet exposées dans le « Musée dans le ciel » à côté des bureaux de la compagnie de courtage fondée par B. Gerard Cantor, grand amoureux de l'artiste au point d'amasser plus de 700 œuvres et objets provenant du maître.

Ce jour-là, la société, qui était installée dans les bureaux au-dessus de l'impact de l'avion, perdit 658 employés. Des pompiers retrouvèrent quelques jours plus tard, dans les décombres, quelques débris des Rodin, dont les pieds de La Grande Ombre , à jamais déformée par la chaleur des flammes de l'attentat.

Fragment de « La Grande Ombre » (avant 1886) trouvé dans les gravats du World Trade Center. L’agrandissement montre « La Grande Ombre » coulée dans le bronze en 1946, Auguste Rodin, musée Rodin, Paris.

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