La Shoah (dico), entreprise d'extermination systématique des Juifs d'Europe, a été menée par les nazis de 1941 à 1945 sans qu'il en fut jamais fait état dans les déclarations publiques et les documents écrits. Malgré cela, elle n'a pas échappé dès son commencement à la vigilance de quelques observateurs de bonne volonté ainsi qu'aux représentants de la Croix-Rouge.
Informé par ses services de renseignements que les Allemands massacrent d'innombrables civils dans les zones soviétiques soumises à leur joug, Winston Churchill, Premier ministre du Royaume-Uni, lance un avertissement aux nazis dans son discours à la Nation du 24 août 1941 : « Depuis les invasions mongoles au XIIe siècle, on n'a jamais assisté en Europe à des pratiques d'assassinat méthodique et sans pitié à une pareille échelle. Nous sommes en présence d'un crime sans nom (...). Quand sonnera l'heure de la libération de l'Europe, l'heure sonnera aussi du châtiment ».
À ce moment-là, il est encore difficile pour les Britanniques de faire la différence entre le crime de guerre et le crime de « génocide » (le mot n'existe pas encore). En effet, les victimes, massacrées à la mitrailleuse dans des fosses communes (la « Shoah par balles »), sont désignées par les Allemands comme des saboteurs juifs, des bolcheviks ou des partisans. Mais, après le discours du 24 août 1941, les renseignements adressés au gouvernement britannique laissent de moins en moins de doutes sur la volonté nazie d'exterminer la population juive.
À l'automne 1941, ne sachant que faire des millions de Juifs tombés sous leur coupe dans les territoires conquis à l'Est, les Allemands mettent en place les premiers camps d'extermination. C'est Chelmno en décembre pour recevoir les Juifs du ghetto de Lodz puis Belzec (mars 1942), Sobibor (mai 1942) et Treblinka II (juillet 1942) pour les Juifs des ghettos du Gouvernement Général (Pologne centrale).
Dans son numéro du 25 juin1942 et les suivants, le Daily Telegraph de Londres publie une série d'articles incendiaires. Le premier révèle : « Plus de 700 000 Juifs polonais ont été exterminés par les Allemands dans le plus grand massacre de tous les temps ».
Ces informations sont reprises par le New York Times et suscitent des manifestations de protestation à New York. Elles proviennent d'une dépêche reçue par Samuel Zygelbojm, membre du Conseil national polonais de Londres.
Meurtri par l'indifférence de l'opinion publique, celui-ci se suicide le 12 mai 1943 (« Puisse ma mort être un cri contre l'indifférence avec laquelle le monde regarde la destruction du monde juif et ne fait rien pour l'arrêter »).
À l'automne 1942, Auschwitz-Birkenau, immense complexe dédié au travail forcé, s'équipe à son tour de chambres à gaz en vue d'exterminer essentiellement les Juifs d'Europe occidentale.
Anne Frank (13 ans), juive d'origine allemande, est cachée dans un appartement secret à Amsterdam, avec sa famille.
Elle écrit dans son célèbre Journal à la date du vendredi 9 octobre 1942 : « Nous n'ignorons pas que ces pauvres gens [les juifs capturés par les nazis] seront massacrés. La radio anglaise parle de chambre à gaz. Peut-être est-ce encore le meilleur moyen de mourir rapidement. J'en suis malade... »
Le vendredi 31 mars 1944, elle écrit encore : « La Hongrie est occupée par les Allemands ; il y a encore un million de juifs qui, sans doute, vont y passer, eux aussi. »
Le 10 août 1942, un avocat allemand réfugié en Suisse adresse au Foreign Office un télégramme très précis sur le plan d'extermination concernant les Juifs d'Europe (note) mais il recueille un large scepticisme.
Un jeune résistant catholique polonais, Jan Karski, apporte à son tour un témoignage très documenté aux Alliés sans craindre de mettre en cause la complicité des paysans polonais, trop heureux de se débarrasser de leurs concurrents et rivaux juifs. À la suite de plusieurs missions de renseignements, il est même reçu par le ministre des Affaires étrangères britannique Anthony Eden puis par le président américain Franklin Roosevelt en personne le 28 juillet 1943.
Les témoignages continuent d'arriver en 1944. Ils font suite notamment à l'évasion d'Auschwitz de deux Juifs slovaques, Walter Rosenberg et Alfred Wetzler, le 10 avril 1944, et à la publication de leur rapport, le « protocole d'Auschwitz ».
Quand l'Encyclopedia Britannica publie donc aux États-Unis son supplément sur l'année 1943, on peut y lire de façon pratiquement complètele déroulement de la Shoah dans les articles antisemitism, refugees et judaism, ainsi que le note l'historien Alain Michel.