C'est une réalité, explique le Souverain Pontife, composée de plus de 100 journaux de rue du monde entier, publiés dans 35 pays différents et en 25 langues différentes, mais qui offre surtout un revenu à plus de 20 500 sans-abri. En Italie, le Pape rappelle «la belle expérience de Scarp de' tenis, le projet de la Caritas qui permet à plus de 130 personnes en difficulté d'avoir un revenu et avec lui l'accès aux droits fondamentaux des citoyens». Le coronavirus a mis ces réalités à genoux et François exprime donc sa proximité mais il fait confiance à l'avenir, avec des encouragements et dans un esprit d'amitié, car le travail de ces journaux est aussi de raconter de nombreuses «histoires d'espérance».
«Regarder les plus pauvres de nos jours peut nous aider à prendre conscience de ce qui nous arrive réellement et de notre véritable condition».
Témoignage de la pauvreté
François a toujours fait attention aux journaux de rue. Il a accordé, depuis le début de son pontificat, trois entretiens où il évoquait ce sujet. Le 27 octobre 2015, il a répondu aux questions du journal néerlandais Straatnieuws. Une interview qui s'est entremêlée à plusieurs reprises avec des souvenirs d'enfance en Argentine et de la vie quotidienne au Vatican. «Je dois continuer à parler de la façon dont les choses sont», explique le Pape lorsqu'on l’interroge sur son insistance pour des questions telles que les marginaux et les réfugiés. Il évoque un «devoir» qu'il ressent et le désir d'un «monde sans pauvres» pour lequel il faut toujours se battre même uniquement pour assurer les trois «t» : trabajo (travail), techo (maison) et tierra (terre).
«L'Église doit parler en vérité et par le témoignage: le témoignage de la pauvreté. Si un croyant parle de la pauvreté ou des sans-abri et mène une vie de pharaon: cela ne va pas».
Se mettre à la place des autres
L'interview du Pape avec Scarp de' tenis, un journal de rue né en 1994 à Milan, date de février 2017, avant sa visite pastorale dans la chef-lieu de Lombardie. La question de l’accueil est au centre des entretiens. L’accueil qui, pour François, doit aller de pair avec l'intégration. Il parle de solidarité entre les pauvres «parce qu’ils sentent qu'ils ont besoin les uns des autres», affirme-t-il. Mais il y a aussi la manière dont l'aumône est donnée. «On peut voir un sans-abri et le regarder soit comme une personne, soit comme un chien». Le Pape ne manque pas de rappeler combien il est fatiguant de se mettre à la place des autres; le faire «signifie avoir une grande capacité de compréhension, et implique de comprendre l'instant et les situations difficiles».
«Souvent, pour compenser ce manque de grandeur, de richesse et d'humanité, on se perd dans les mots. On parle, on parle, on conseille. Mais quand il n'y a que des mots ou trop de mots, il n'y a pas cette «grandeur» de se mettre à la place des autres».
La tête, le cœur et les mains
Toujours en 2015, le Pape avait également accordé une interview au journal des Villas de Buenos Aires, La Carcova, distribué par des bénévoles aux habitants des agglomérations pauvres de la périphérie de la capitale argentine. Le Pape avait répondu à des questions collectives, nées spontanément, rassemblées puis envoyées à la Maison Sainte Marthe par Don Pepe, curé de l'église Saint Jean Bosco. Elles allaient de la politique en Argentine à la terrible réalité de la drogue, de la possibilité de changer, même lorsque tout est perdu, si l'on confie sa vie à Dieu et que l'on demande l'aide du Saint-Esprit. François s'attardait également sur le concept d'«appartenance» à un foyer, comme héritage à donner aux enfants qui doivent être pris par la main et accompagnés dans la foi, «la chose la plus important» à donner. Il demandait aux enfants de suivre trois chemins afin que de «jeunes-musées» qui en savent beaucoup mais restent dans le monde virtuel, ils puissent se transformer en «jeunes qui ressentent».
«J'aime parler des trois langages : le langage de la tête, le langage du cœur et le langage des mains. Il doit y avoir une harmonie entre les trois. De façon telle que tu penses ce que tu ressens et ce que tu fais, que tu ressentes ce que tu penses et ce que tu fais, et que tu fasses ce que tu ressens et ce que tu penses. C'est du concret. Rester uniquement dans le monde virtuel, c'est comme vivre dans une tête sans corps».