8 Septembre 2020
Le 8 septembre 1855, le général de Mac-Mahon s'empare avec ses zouaves de la tour Malakoff, qui surplombe la citadelle de Sébastopol. Ce succès laisse entrevoir la fin de l'épuisante guerre de Crimée entamée un an plus tôt
Entamée dix-huit mois plus tôt, la guerre de Crimée s'est très vite enlisée dans des combats meurtriers mais inutiles comme la charge de la Brigade légère. À Londres et Paris, l'opinion s'exacerbe. Un consommateur parisien est interpellé pour avoir lancé dans un café : « C'est ici comme à Sébastopol, on ne peut rien prendre ! ».
Sur le front, le général Aimable Jean Pélissier succède en mai 1855 au général François de Canrobert à la tête du corps expéditionnaire français. Il renforce aussitôt la pression sur les Russes de Sébastopol.
Le général Patrice de Mac-Mahon va débloquer le conflit en attaquant la tour de Malakoff. Il prend la tête des colonnes d'assaut et se jette un combat acharné. Le général Pélissier apprend là-dessus que la position a été minée. Craignant le pire, il enjoint à cinq reprises à Mac-Mahon de renoncer. Mais ce dernier s'entête... et finalement remporte la position. Selon une aimable légende, il aurait informé son supérieur de sa volonté de tenir la tour coûte que coûte en lui télégraphiant ces simples mots : " J'y suis, J'y reste" .
La chute de Malakoff va décider du sort de Sébastopol et de l'issue de la guerre. Les Russes se retirent de la citadelle deux jours plus tard, après l'avoir proprement incendiée.
Commandant en chef du corps expéditionnaire français en Crimée, le général Aimable Pélissier avait déjà servi en Espagne, en Morée (Grèce) et en Algérie, sous les régimes précédents.
Il s'était illustré pendant la guerre contre Abd el-Kader en assumant la responsabilité de l'« enfumade » des grottes du Dahra. Cet « exploit » lui avait valu d'être promu par le général Bugeaud du grade de colonel à celui de général de division.
Officier particulièrement dur, Pélissier n’avait d’aimable que le prénom.
En Crimée, il est arrivé qu'un soldat, excédé par ses brimades, le mette en joue et tire. Incident de tir, le coup ne part pas. Le général, qui a tout vu, inspecte l’arme et constate un manque d’entretien. Il punit le soldat pour ce motif… et celui-là seul.
Pélissier est récompensé de la prise de Malakoff en devenant dès le 12 septembre 1855 le premier Maréchal de France du Second Empire. Napoléon III prolonge de la sorte une tradition instaurée par son oncle.
Comblé d'honneurs et de rentes, le maréchal Pélissier est nommé qui plus est sénateur et reçoit le titre de duc de Malakoff. Vice-président du Sénat, puis ambassadeur à Londres et grand chancelier de la Légion d'Honneur, il termine sa carrière en 1860 en Algérie, le lieu de ses premiers exploits, comme gouverneur général.
Le 25 octobre 1854 s'engage l'une des premières grandes batailles de la guerre de Crimée, autour de Balaklava.
Les alliés franco-anglo-turcs veulent faire de ce petit port de Crimée, entouré de hautes falaises, le point de départ de leur offensive sur la citadelle russe de Sébastopol, à quelques kilomètres plus au nord.
Au matin de ce jour, les Russes lancent une puissante attaque contre les batteries turques des falaises. Ils s'en emparent mais ne peuvent aller plus loin du fait de la résistance stoïque des Écossais du 93e Highlanders de Sir Colin Campbell.
Un détachement de cavaliers russes tente de contourner le régiment par la droite mais il tombe nez à nez avec la Brigade lourde du général Sir James Scarlett. Celui-ci, dont c'est à 55 ans la première expérience du feu, fait aligner ses troupes comme à la parade avec tuniques rouges et bonnets à poils. Les Russes sont décontenancés et reculent.
Le général en chef britannique Lord Raglan veut consolider ce succès. Il demande à Lord Lucan, commandant de la cavalerie, de déloger au plus vite les Russes des hauteurs pour protéger les batteries de leurs alliés turcs.
Lord Lucan, qui a mesuré la puissance des défenses russes et ne peut compter sur un soutien de l'infanterie, refuse de bouger. Mais son général en chef insiste.
Lord Lucan transmet alors l'ordre à son beau-frère (qu'il déteste !). Celui-ci, Lord Cardigan, commande une Brigade de cavalerie dite légère.
Lui aussi comprend l'inanité de la mission mais il n'ose se défiler devant un ordre écrit du général en chef. Il n'ose pas davantage s'en expliquer devant lui ni réclamer des précisions sur les objectifs, qui demeurent flous.
Lord Cardigan, qui aurait dû se contenter de la notoriété conférée à son nom par un sweater, conduit ses 673 lanciers au combat. Ils ont un peu plus d'un kilomètre à parcourir au fond d'une vallée avant d'atteindre les batteries russes disposées à l'extrémité de celle-ci. Au total, dans la vallée et sur ses contreforts, les Russes alignent 20 bataillons et une cinquantaine de pièces d'artillerie.
La première moitié du parcours se déroule comme à la parade sous lles yeux stupéfaits de l'ennemi. Lord Raglan s'émerveille devant un Lord Cardigan « aussi courageux et fier qu'un lion ».
Mais voilà que les canons russes ouvrent le feu. 20 minutes plus tard, la Brigade légère laisse 113 morts et 247 blessés sur le terrain ! « C'est magnifique mais ce n'est pas la guerre », commente sobrement le général français Pierre Bosquet.
Ce fait d'armes inutile a été immortalisé par un poème de Lord Tennyson (1864) et un film de Tony Richardson (1968). Il a aussi introduit dans notre langue le cardigan et le raglan (paletot à pèlerine), d'après le nom du général en chef britannique. Les Anglais ont aussi retenu le mot balaclava pour désigner un passe-montagne.